Quatre mois durant (octobre-janvier), le système éducatif burkinabé à traversé l’une des plus graves crise de son histoire.
Babou Nébon Bamouni, communicateur et étudiant en Master recherche sciences politiques à l'Université Ouaga II, dans cette analyse, fait un diagnostic sans complaisance de la crise dans l'éducation et interpelle toute la société quant aux solutions à apporter.
La crise de l'éducation au Burkina Faso, cette vieille plaie tumorale qui se gangrène en cancer, est le résultat d'un manque de politique publique sérieuse de l'éducation, depuis des années. Notre avènement de la rectification fut un évènement de la ratification de l'éducation au rabais, où la stratégie du maintien de la masse populaire dans l'ignorance a été érigée en mangement de gouvernance. Les comportements inciviques et autres formes d'impostures au sein de notre société ne sont pas le produit d'aujourd'hui, mais la résultante d'habitudes acquises au fil des ans. Le Burkinabè dont le critérium essentiel est l'intégrité, s'est vidé au fil du temps de son essence devenue inconvenante, soudoyée et pervertie si fait qu'un parmi les miens n'a pas manqué d'avertir : « La morale agonise au Burkina Faso ».
Altéré et fissuré de l'intérieur en quittant son état originel, les défauts sont devenus la norme et les qualités des damnés du vacarme carnavalesque du sanctuaire démocratique de gogo va au marigot. Mangeons « à gogo », détournons sans pitié, cultivons l'impunité sans craindre et voilà nous Burkinabè. Il est vrai que dans la balance, cette situation est plus imputable à nos gouvernants, mais nous sommes tous coupables ; ces étudiants en lutte contre le système dit « intra et extra muros...» où des bacheliers devraient simplement rester et suivre les cours depuis leur village sans prétendre venir à l'université, ont été hués et pourchassés dans la rue, traités de fainéants et de bandits par d'autres Burkinabè.
Ce combat noble contre la démission de l'Etat face à une de ses missions régaliennes, à savoir éduquer ses enfants, n'a pas mobilisé tous les acteurs en dehors des concernés directs. Petit à petit, chacun à son tour chez le coiffeur Gwama de Wemtenga. Et que dire de notre irresponsabilité personnelle et collective dans nos familles, laissant nos enfants à la merci de la consommation média, Internet, des amis, des stupéfiants et autres... ? Pire, certains, dans leur envol vers ce qu'ils considèrent comme la bonne civilisation, éduquent leurs rejetons à voir leur village d'origine comme le nid des sorciers où il ne faut jamais mettre pied et à rejeter nos valeurs ancestrales au profit des valeurs occidentales.
La crise de l'éducation actuelle ne trouvera pas de solutions miracles durables sans une politique sérieuse de l'éducation repensée et axée sur une vision de développement centré sur l'homme intègre, cultivé, citoyen éclairé et engagé. La légitimité des conditions de vie et d'exercice que revendiquent nos braves enseignants se comprend aisément. Cela n'est qu'une partie du problème. Il faut reconstruire le système éducatif burkinabè déchiqueté, car il n'est plus un système mais une machine mécanique de « fabrique à imbéciles » pour emprunter le terme du journaliste Salouka Boureima.
Tant dans le contenu que dans l'organisation et la rémunération des acteurs, faire ce bond en avant si l'on veut prouver à Donald Trump qu'on n'est pas « un pays de merde ». Si des élèves ont pu brûler le drapeau du Burkina Faso en 2016, qu'aussi dans ces moments de revendication légitimes en 2018 en viennent à aller mettre le drapeau en berne à Koudougou, nous devons admettre sans complaisance qu'il faut apporter une réponse courageuse à leur forfaiture non seulement en condamnant avec vigueur ces comportements, mais aussi en cherchant à les faire changer par un programme d'enseignement qui intègre valeurs morales, culturelles, connaissances historiques, le respect des aînés, du bien public, privé, d'autrui et de l'autorité. Face aux cas déviants, il faut les traiter avec rigueur en les punissant conformément à la loi. Nul n'est au-dessus de la République volontairement consentie.
Autres perspectives, nous vivons dans un contexte de numérisation de la connaissance où l'anglais et d'autres langues telles que le chinois et l'arabe s'imposent pour communiquer mondialement et nous devons avoir le courage, si l'on veut réellement s'adapter à l'évolution du monde, d'intégrer l'enseignement obligatoire de ces langues dès le préscolaire en passant du primaire jusqu'à l'université. Cela, sans tarder. Plus nous tardons, plus nous retardons notre capacité à construire notre propre bonheur, notre développement. Continuer à vernir les esprits uniquement qu'avec la langue française est suicidaire. Les Français eux-mêmes, dans leurs politiques publiques éducationnelles, font de l'apprentissage de ces langues un axe stratégique.
Sortons de la veine coloniale et mettons-nous dans cette nouvelle relation d'amitié prônée par Emmanuel Macron (président de la République française) lui-même, lors de son adresse à la jeunesse africaine à Ouagadougou, le 27 novembre 2017. Dans ce nouveau partenariat des relations France-Afrique-France qu'a prôné Macron à Ouagadougou, on s'attendait que dans son speech il puisse au moins dire un « néyibiogo » en mooré ou quelques mots dans nos langues africaines (dioula, peulh, wolof, haoussa... ) à l'endroit de son auditoire. Mais hélas, vous comme moi sommes restés sur notre faim, car tout a été dit dans lui sa langue, le français. Vous comprenez aisément que dans cette volonté affirmée, il y a déjà du « liblib » puisque tous les étudiants qui ont pris la parole ce jour, lors de cette rencontre, se sont adressés au président de la France en français et lui, en retour, aucun mot à leur égard dans leur langue.
Nous, Burkinabè, Africains en général, avons besoin de la France, de l'Europe, des USA, de l'Asie tout comme ils ont besoin de nous, peut-être même plus. La règle qui vaille dans le jeu des relations internationales actuelles, c'est de traiter d'égal à égal avec eux en affirmant notre autorité, notre histoire, notre culture et nos convictions, sans complexe et sans détour. Le fossé qui s'est creusé entre les pays dit développés et nous, s'explique en grande partie par notre colonisation mentale orchestrée par l'aliénation de notre identité culturelle. Nous devons faire une nouvelle programmation dans nos têtes, en changeant ces vieux logiciels d'aplatissement pour installer en nous les logiciels de notre transformation positive. Nos gouvernants ne doivent pas avoir peur d'opérer ces réformes audacieuses, car c'est bien cela les enjeux du monde contemporain et les attentes de la jeunesse. Si attentes il y a, le chef est l'intérêt supérieur du Burkina Faso.
Dans un contexte post-insurrectionnel et de résistance populaire de septembre 2015, les différents acteurs qui en ont été la cheville ouvrière pour le maintien, l'authenticité de l'Etat, devraient regarder dans la même direction pour faire avancer le pays. Certes, des élections ont été organisées à la fin de la Transition pour choisir un président démocratiquement élu en la personne de Roch Marc Christian Kaboré dit « La solution ». En faisant une analyse dialectique du contexte socio-politique et économique dans lequel se trouve le Burkina Faso en janvier 2018, il s'établit que Roch la Solution n'est pas forcément Roch le problème. La situation d'impasse que traverse le pays, est le produit des égos des différents acteurs avec pour jeu favori la politique politicienne et non la politique de développement. La preuve, après les élections municipales de 2016, certains conseillers municipaux se sont entredéchirés à cause du vote des maires avec le corollaire de morts d'hommes enregistrés dans certains endroits. Le Conseil municipal de Saponé a persisté dans cette orchestration jusqu'à sa dissolution.
La somme d'énergie humaine investie dans la politique politicienne, dépasse celle investie dans la politique pour le développement. Conséquences, nos rapports sociaux et fraternels se trouvent en permanence en situation de conflictualité souvent ouverte, empêchant les alternatives d'être ensemble pour œuvrer au développement de notre pays. Nous restons dans la même léthargie, le retard se creuse et le développement hypothéqué. « Si notre nombre est notre force » tel affirmé par le Balai citoyen, notre division actuelle est notre faiblesse.
On sait rivaliser de talents pour nous détruire entre nous-mêmes que de voir le bien commun. Anéantir les leaderships qui naissent par tous les moyens possibles au lieu de chercher à construire une masse critique essentielle à la controverse pour orienter notre marche vers le progrès. Qu'il s'appelle X ou Y élu président du Faso post-insurrectionnel, le pacte de solidarité pour l'avenir du pays devrait être trouvé pour conduire le Burkina Faso dans une vision solide de changement progressif tel aspiré par le peuple à travers les différents mouvements sociaux. La responsabilité des différents leaders qui ont mené l'insurrection populaire et la résistance populaire de septembre 2016 est interpellée. Les mouvements sociaux dans tous les secteurs et les actes politiques indiquent clairement que nous ne sommes pas tous moulés dans une même vision, vision s'il y a, pour aller au développement.
Ce consensus de base doit être le préalable, sinon c'est mettre la charrue avant les bœufs. L'éducation doit être la fondation de notre maison Burkina. C'est pourquoi les négociations en cours pour trouver une issue à la crise actuelle, sont à encourager. Leur réussite nécessite une bonne volonté d'aller ensemble de l'avant et une flexibilité de part et d'autre. Certes, l'année a déjà pris un coup et les négociations, si elles aboutissent, doivent être assorties d'un réaménagement du calendrier scolaire si l'on veut être sérieux. Nous sommes tous la solution. Dans un pays qui a des ressources limitées comme le Burkina Faso, sa première ressource demeure ses hommes et ses femmes, dans une unité d'action et d'amour où chacun prend soin l'un de l'autre, où la discipline régule nos rapports sociaux.
11/12/24 à 13h46 GMT