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TECHNIQUES = Le chlore sous toutes ses formes : la demande de chlore (2 de 2)



  • Cette dépêche a été co-rédigée avec Monique Henry du CEGEP de St-Laurent (Québec)

     

    Pour déterminer la dose optimale de chlore à injecter pour désinfecter efficacement une eau particulière, il faut donc étudier sa "demande de chlore" par des essais en laboratoire où l'on ajoute des quantités croissantes, connues de chlore à une dizaine d'échantillons et où l'on détermine le chlore restant - ou "résiduel" au bout d'un temps de contact choisi. Le chlore libre et le chlore total sont alors mesurés dans chaque échantillon et le chlore combiné est calculé par différence.

     

    Le dosage du chlore libre peut se faire par ampérométrie (surtout dans les analyseurs en continu) ou, plus fréquemment par colorimétrie : Le DPD ou NN-Diéthyl-Paraphénylène-Diamine réagit instantanément avec le chlore libre en donnant un composé rougeâtre (si 6,2 < pH < 6,5) et l'intensité de la couleur est proportionnelle à la teneur du chlore actif.

    - Ce composé peut être mesuré par colorimétrie : à l'oeil, par comparaison avec une échelle de couleur ou grâce à un photomètre préalablement étalonné (515 nm).

    - Ce composé peut être détruit par addition progressive d'un réducteur comme le sulfate ferreux (sous forme de SFA : sulfate ferreux ammoniacal). On utilise une solution normalisée de SFA et la fin de la réaction correspond au virage du rose à l'incolore.

    - Par cette méthode, on peut aussi doser le chlore combiné  à condition de " libérer " celui-ci par action d'un excès d'iodure de potassium (en fait, il y a formation d'iode mais qui donne par la suite la même réaction avec le DPD). On ajoute donc à l'échantillon un excès de KI (solide) et on attend 3 minutes : en présence de chloramines, il y a réapparition de la couleur rose : on poursuit le titrage jusqu'à nouvelle décoloration pour obtenir le chlore " total ".

     

    À noter que, fort heureusement, toutes les concentrations des dérivés chlorés s'expriment dans la même unité : le mg/L de chlore, en prêtant à chaque équivalent  de n'importe quelle espèce la masse de 1 équivalent de chlore (35,45g/éq).

     

     

    L'étude de la demande de chlore permet de tracer des courbes donnant les concentrations des différentes formes de chlore résiduel en fonction de la dose de chlore appliquée.

     

    Quand l'eau étudiée contient de l'ammoniaque - même en très faible quantité, on distingue 3 zones :

    - Zone 1 : Pour les faibles quantités de chlore appliquée (rapport molaire Cl2/NH3 < 1), on ne retrouve pas de chlore libre mais plutôt du chlore combiné, essentiellement sous forme de monochloramine. Le chlore sert aussi à oxyder les réducteurs...

    - Zone 2 : Quand la proportion de chlore augmente (Cl2/NH3 ~ 1 à 2), il y a compétition entre les réactions de formation du chlore combiné (mono et dichloramine) et des réactions (complexes et mal connues) de destruction de ces chloramines comme par exemple :

    2 NH2Cl  +  HClO  ----->  3 HCl  +  N2  ou

    NH2Cl  +  NHCl2  +  HClO -----> N2O  +   4 HCl

    Bien que le chlore appliqué augmente, le chlore libre est encore faible ou nul, le chlore combiné diminue et le chlore total suit la même tendance jusqu'à un minimum appelé "point critique" (ou break point).

    - Zone 3 : En présence d'un large excès (Cl2/NH3 > 2, soit, en masse >10), on a ajouté assez de chlore pour former et détruire la majorité des chloramines : il reste un peu de chlore combiné (sous forme de di et même tri-chloramine) ; tout le chlore supplémentaire reste sous forme libre qui augmente rapidement ainsi que le chlore total.

     

    Ces courbes permettent de déduire la quantité optimale de chlore à ajouter dans l'eau à traiter de façon à dépasser le point critique et à assurer un résiduel de chlore LIBRE respectant les normes en vigueur (0,3 mg/L au Québec). En général, les exploitants dosent des quantités supérieures afin d'assurer un résiduel suffisant pour protéger la qualité de l'eau jusqu'au bout du réseau...

    À noter que la présence d'ammoniaque entraîne donc une forte consommation de chlore, de l'ordre de 8 mg/L pour chaque mg de N! Et ces fortes quantités risquent d'augmenter la concentration des sous-produits chlorés indésirables si le traitement préalable n'a pas éliminé au maximum leurs précurseurs.

     

    Les chloramines

    Au lieu de chercher à les éliminer comme on l'a vu ci-dessus, certaines stations de production d'eau potable utilisent les chloramines comme agent de désinfection : elles agissent plus lentement en redonnant progressivement de l'acide hypochloreux mais elles présentent un pouvoir bactéricide intéressant, sont beaucoup plus persistantes et génèrent nettement moins de sous-produits. Il semble que cette pratique améliore le gout et l'odeur de l'eau traitée. Aux États-Unis, plusieurs villes s'en servent donc comme désinfectant secondaire. La monochloramine est préparée sur place, par action du chlore (gazeux ou sous forme d'hypochlorite) sur l'ammoniac (NH3 gazeux ou solution d'ammoniaque à 20%); généralement, le chlore est injecté en premier lieu (désinfection primaire) puis l'ammoniac après 10 à 30 minutes.

     

    Outre les problèmes d'entreposage de ces deux produits chimiques, un inconvénient de la chloramination est le risque de nitrification si la proportion de chlore est insuffisante et si les conditions sont favorables au développement des bactéries nitrifiantes. De plus, en présence d'azote organique, on obtient des chloramines organiques qui n'ont pas les mêmes propriétés désinfectantes.

     

    Le dioxyde de chlore

    Le dioxyde de chlore est un oxydant puissant :

    ClO2  +  e-  ----->  ClO2-  (chlorite)  +  4 e-  ----->  Cl-

    Son action oxydante dépend du pH (1 équivalent en milieu neutre ou 5 équivalents en milieu acide).

    C'est un gaz jaunâtre, instable, à préparer sur place par action sur le chlorite de sodium  de chlore en excès (ou d'un acide) :  

                                                2 NaClO2  +  Cl2   ----->   2 ClO2  +  2 NaCl

    Le bioxyde ne forme pas de chloramine,  de chlorophénol ni de THM. Il est plus stable et persistant que le chlore. Cependant, sa préparation est délicate et conduit à un mélange, de bioxyde, de chlore et de chlorite n'ayant pas réagi totalement et même de chlorate ClO3- (dangereux). On limite donc sa concentration en réseau et on surveille les chlorates (ClO3-). Son action bactéricide est très bonne.

    Le dosage de chaque forme est complexe. Avec le DPD, on mesure l'ensemble (chlore +  bioxyde) mais on peut masquer le chlore.

    Les normes aux USA sont les suivantes :

    ClO2 résiduel < 0,8 mg/L et chlorite /chlorate < 1mg/L

     

    En conclusion, rappelons que l'ozone et les rayons UV constituent d'excellents modes de désinfection et que, souvent, la meilleure pratique combine l'emploi de plusieurs agents en désinfection primaire et secondaire ce qui améliore leurs propriétés individuelles et permet de réduire les sous-produits chlorés.

     

    [TECHEAUA]

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