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Changement climatique : la Californie accuse l'industrie automobile.



  • En poursuivant six constructeurs automobiles pour leurs contributions aux émissions de gaz à effet de serre induites par l'utilisation de leurs véhicules, la Californie use d'une nouvelle arme pour lutter contre le changement climatique. Qu'il s'agisse du procès du siècle ou d'un bluff médiatique en pleine campagne électorale, cette annonce symbolise la volonté de certains Etats américains de lutter contre les causes du réchauffement planétaire.Le procureur général de l'Etat de Californie, Etat le plus peuplé des Etats-Unis, a défrayé la chronique en annonçant le 20 septembre 2006, avoir lancé des poursuites judiciaires contre six constructeurs automobiles américains et japonais pour avoir fabriqué et commercialisé des véhicules produisant des gaz à effet de serre (GES). Il demande des dommages et intérêts à Chrysler, General Motors, Ford, Toyota, Honda et Nissan pour « avoir choisi de continuer à fabriquer des produits qui génèrent d'énormes quantités de dioxyde de carbone au détriment de la Californie » et ceci en toute connaissance de cause. « Les émissions des véhicules sont la source d'émissions de carbone contribuant au réchauffement climatique qui augmente le plus rapidement. Le gouvernement fédéral et les constructeurs automobiles ont pourtant refusé d'agir. Il est temps que ces entreprises soient tenues responsables de leur contribution à cette crise », a déclaré le procureur général Bill Lockyer. Il ajoute « le réchauffement climatique cause actuellement des dommages significatifs à l'environnement, à l'économie, à l'agriculture et à la santé publique de la Californie. Ses impacts coûtent déjà des millions de dollars et le prix augmente ». Sa plainte soutient que les constructeurs automobiles incriminés qui détiennent 92% du marché américain, ont créé une « nuisance publique » en produisant des voitures polluantes.

    Des bases juridiques douteuses

    Dans le droit californien, la « nuisance publique » est définie comme une interférence déraisonnable avec un droit public ou une action qui cause un préjudice à la vie, à la santé ou à une propriété. L'argumentation déployée dans la plainte de 15 pages cherche à lier les dégradations connues ou à venir de l'environnement de l'Etat aux émissions de GES provenant des voitures. Alors qu'elles comptent pour 20% des émissions globales des Etats-Unis, elles représentent plus de 30% de celles de la Californie. « Les défenseurs se classent parmi les principaux contributeurs mondiaux au réchauffement climatique » peut-on lire dans la plainte.

    Pour Bill Lockyer, le recours juridique concernant le réchauffement planétaire n'est pas une première. Associé avec d'autres Etats, il avait déjà déposé une plainte quasi- identique il y a deux ans contre des sociétés produisant de l'électricité. Toujours en appel, la plainte a été rejetée en première instance. Dans ses conclusions, le juge expliquait que la lutte contre le réchauffement planétaire constituait un travail réglementaire complexe qui incombait aux pouvoir exécutif et législatif. Cette première jurisprudence fait penser que la nouvelle plainte contre les constructeurs repose sur des bases juridiques douteuses et qu'elle pourrait peiner à convaincre un juge de son bien-fondé.

    Bluff médiatique ou mise en garde ?

    Annoncée six semaines avant les élections de mi-mandat, il semble difficile de ne pas lier cette action à la campagne électorale. Bill Lockyer brigue en effet le poste de trésorier de l'Etat de Californie sous étiquette démocrate. Il a ainsi pu être sous le feu médiatique à peu de frais et renforcer son image « verte » auprès d'un électorat de plus en plus concerné par les problèmes environnementaux. Ceci dit, il paraît peu plausible que cette plainte ne soit liée qu'à des considérations politiques. Dans un Etat où les Démocrates sont deux fois plus nombreux que les Républicains, l'obtention de l'investiture du parti permet à de rares exceptions près d'être élu. L'objectif de la man?uvre juridique serait donc aussi de trouver des leviers de pression supplémentaires sur l'industrie automobile.

    Depuis le lancement, en 2004, de nouveaux standards d'émissions de GES pour les automobiles en Californie, les industriels sont engagés dans une vaste bataille juridique pour nier à cet Etat le droit de légiférer à ce sujet. Ils considèrent notamment que seul la NHTSA, une administration fédérale, dispose du droit légal d'établir de tels standards. L'enjeu est de taille. Si la Californie est autorisée à continuer, ils auront jusqu'à janvier 2016 pour produire des véhicules émettant 30% de GES en moins que ceux de 2002. Cette obligation pourrait être imposée par une dizaine d'autres Etats américains ainsi que par le Canada, ce qui représente 25% du marché nord américain et équivaudrait très certainement à terme à une généralisation de ces normes sur l'ensemble du territoire.

    Si l'on met en perspective ces deux batailles juridiques, on peut considérer la plainte contre les six constructeurs comme une mise en garde sur les conséquences d'un éventuel refus de l'industrie d'appliquer les nouveaux standards d'émissions.Si ces normes ne sont pas appliquées, il paraît peu probable que l'Etat soit en mesure d'atteindre l'objectif de réduction de 25% de ses émissions de GES d'ici à 2020, objectif auquel il vient de s'astreindre en faisant passer l'AB 32 (Global Warming Solutions Act). Arnold Schwarzenegger a effectivement ratifié le 28 septembre ce texte de loi, imposant pour la première fois aux Etats-Unis, une limitation des émissions de gaz à effet de serre.

    Source :http://www.novethic.fr

    Pierre-Marie Coupry

    Mis en ligne le : 26/09/2006
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