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L'Afrique et l'UE sont-elles vraiment prêtes à changer leur relation ?



  • Le Sommet de Lisbonne et la nouvelle Stratégie conjointe entre l'Afrique et l'UE déboucheront-ils sur un changement substantiel de la façon dont les deux partenaires mènent leur relation ?


    Vu son rôle de facilitateur dans la consultation publique sur la Stratégie, l'ECDPM croit qu'il est utile à ce moment-ci de voir au-delà du Sommet et de soulever, sans vouloir être exhaustif, quelques questions qui retiendront l'attention des parties prenantes en 2008.Sept ans se sontécoulés depuis que le premier Sommet UE - Afrique s'est tenu au Caire.

    Depuis lors, l'Afrique, l'Europe et le monde ont changé. De nouvelles problématiques sont maintenant en tête des priorités de l'agenda mondial, notamment le terrorisme, l'immigration et le changement climatique. L'Afrique s'est lancée sur le chemin de l'intégration continentale, en créant l'Union africaine. L'Europe élargie constate, avec une certaine appréhension, l'émergence de « nouveaux » acteurs sur le continent africain, tels que la Chine, l'Inde et le Brésil. Dans ce nouveau contexte, le Sommet UE - Afrique de Lisbonne en décembre prochain devra tenir ses promesses face aux attentes considérables des deux parties.

    Le Sommet, la réouverture du dialogue politique entre l'Afrique et l'UE à ce niveau et l'accord sur une Stratégie conjointe sont déjà des réalisations importantes, mais de nombreux observateurs se demandent encore comment le Sommet et la Stratégie parviendront à faire une différence.

    La Stratégie conjointe Afrique -UE, devant être entérinée au Sommet de Lisbonne , engage les deux continents à renouveler un partenariat politique à long terme, fondé sur un consensus euro-africain au niveau des valeurs, des intérêts communs et quatre objectifs stratégiques. Elle cherche à traduire des principes fondamentaux, tels que l'unité de l'Afrique, l'interdépendance entre l'Afrique et l'Europe, l'appropriation et la responsabilité conjointe, le respect des droits de l'Homme, des principes démocratiques et de l'État de Droit, mais également le droit au développement. Il est prévu que le premier Plan d'actions traduise ces engagements en huit partenariats prioritaires : la paix et la sécurité, la gouvernance et les droits de l'Homme, les échanges commerciaux et l'intégration régionale, les Objectifs de développement du Millénaire, l'énergie, le changement climatique, l'immigration, la mobilité et l'emploi, les questions scientifiques, la société de l'information et la coopération spatiale.

    On attend donc de la Stratégie conjointe qu'elle fournisse un nouveau cadre global pour les futures relations entre l'UE et l'Afrique, mais naturellement la preuve d'un véritable changement ne saurait être apportée que dans le cadre de la mise en?uvre de la Stratégie. Comment l'Afrique et l'UE ont-elles prévu d'appliquer les engagements liés à la Stratégie ? Le Sommet devra donc susciter un élan politique majeur et donner une réelle impulsion pour la mise en?uvre de la Stratégie. Trois thèmes devant donner lieu à des changements permettent d'avoir un avant-goût des défis à venir : la mise en place d'une relation de continent à continent, l'amélioration de la cohérence des politiques de l'UE envers l'Afrique et la garantie d'une meilleure mise en oeuvre des engagements existants et à venir.

    La relation UE - Afrique a historiquementété fragmentée en trois accords et politiques : le Partenariat euro-méditerranéen avec l'Afrique du Nord, l'Accord de Partenariat de Cotonou pour l'Afrique sub-saharienne et l'Accord sur le Commerce, le Développement et la Coopération pour l'Afrique du Sud. Le dépassement de cette division et la mise sur pied d'une relation de continent à continent peuvent être perçus comme des nouveautés majeures de la Stratégie. Néanmoins, en pratique, l'UE et l'Afrique seront-elles capables d'aller au-delà de cette relation fragmentée, en grande partie liée à l'héritage de la période post-coloniale, et d'ouvrir une nouvelle ère dans leur relation en intégrant la dimension pan-africaine dans le cadre de coopération existant ? Pour atteindre cet objectif, il semble essentiel de mener à bien, de manière graduelle, un certain nombre de réformes. Un premier pas utile serait de mettre sur pied une enveloppe financière pan-africaine, au-delà des enveloppes nationales et régionales existantes. A l'heure actuelle, le niveau pan-africain est le seul à ne pas être soutenu par une enveloppe structurée et prévisible qui serait programmée conjointement . Etant donné que la Stratégie conjointe sera appliquée sur trois niveaux (continental, régional et national), il serait plus approprié d'avoir des enveloppes financières pour les trois. Une enveloppe pan-africaine devrait logiquement être financée au niveau de la CE sur base des trois instruments financiers géographiques pertinents, principalement le Fonds européen de développement et l'Instrument européen de Partenariat et de Voisinage, voire par des financements bilatéraux des États-membres de l'UE, puisqu'il s'agit d'une Stratégie UE-Afrique. Une autre démarche relève de la sphère du dialogue politique : l'Union africaine devrait être intégrée comme un partenaire à part entière dans tous les fora importants en matière de dialogue. Bien que cela ne puisse se faire en quelques jours, la Stratégie devrait être le cadre approprié pour avancer concrètement sur cette question. Bien entendu, les contraintes liées aux capacités de la partie africaine doivent également être prises en compte. Le renforcement de l'Union africaine est une condition essentielle pour le bon fonctionnement de cette relation et un mécanisme de soutien plus approprié de la part de l'UE pourrait contribuer à atteindre cet objectif.

    Un autre point qui méritera de plus larges discussions concerne la cohérence entre les objectifs du cadre global de la relation UE - Afrique et les politiques bilatérales de chacun des États-membres. L'implication concrète des États-membres reste actuellement une question ouverte : au-delà de financements éventuels, les États-membres de l'UE soutiendront-ils et aligneront-ils de manière progressive leur politique bilatérale envers l'Afrique sur les objectifs de la Stratégie conjointe ? L'idée d'une « Union méditerranéenne » qui pourrait faire le lien entre l'UE et l'Afrique a été évoquée : cette vision est-elle compatible avec la Stratégie conjointe, dont l'un des objectifs est de soutenir l'intégration du continent africain ?

    Dans le cadre des relations entre l'UE et l'Afrique, beaucoup d'engagements ont déjà été pris. Cependant, une des plus grandes frustrations de nombreux acteurs concernés relève de la mise en oeuvre de ces engagements. Bien que la question du monitoring soit certainement élaborée dans la Stratégie, les mécanismes concrets doivent encore être mis au point. Naturellement, beaucoup de questions restent non élucidées : Quel sera le financement disponible pour mettre en?uvre la Stratégie ? Comment les divers acteurs seront-ils concrètement impliqués dans le suivi ? La mise sur pied de systèmes d'évaluation et de revues, ainsi qu'un suivi plus inclusif et plus politique garantiront-ils un débat plus large sur la mise en oeuvre ainsi que l'implication dans ce débat des différents acteurs à tous les niveaux en Europe et en Afrique ?

    En bref, au lendemain du Sommet, lorsque l'UE et l'Afrique auront décidé quel chemin ils veulent emprunter ensemble, les défis relatifs à la mise en oeuvre de la Stratégie resteront complexes. Le Sommet peut susciter une impulsion politique et la Stratégie conjointe peut devenir un cadre approprié et utile, mais il faudra encore que les différentes parties et les différents niveaux s'engagent de manière considérable sur le long terme si l'on veut que les objectifs de la Stratégie soient finalement atteints.


    [SAE2007]
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