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Louis Michel :"La dimensionéconomique de l'indispensable Alliance entre l'Afrique et l'Europe »



  • Discours de Clôture du "EU Africa Business Summit" - Lisbonne, le 7 décembre 2007.

    Louis Michel
    Commissaire européen au Développement et à l'Aide humanitaire.


    Messieurs les co-présidents,

    Honorables Invités,

    Mesdames et Messieurs,

    Votre réunion se tient à la veille d'un sommet historique. L'Afrique et l'Europe sont deux continents voisins, riches d'une histoire complexe. Ils sont aujourd'hui décidés à forger un partenariat nouveau et à abandonner leur relation stérile de"donateur"du Nord et de"bénéficiaire"du Sud. Enfin, un partenariat politique gagnant - gagnant !

    Je suis particulièrement ravi d'avoir soutenu cet événement. En effet, le partenariat entre l'Afrique et l'Europe ne sera gagnant que s'il est bénéfique pour les entreprises des deux continents.

    Les leaders politiques l'ont d'ailleurs bien compris : la Stratégie Conjointe qu'ils approuveront ce week-end reconnaît le rôle des entreprises dans cinq des huit domaines d'action stratégiques :

    le commerce et l'intégration régionale ;

    l'énergie ;

    le changement climatique ;

    la migration, la mobilité et l'emploi ;

    la science, la société de l''information et l'espace.

    Il est dans votre intérêt, comme du nôtre, responsables politiques, que vous jouiez un rôle actif dans la mise en?uvre de ces actions stratégiques. Je comprends que vos ateliers aujourd'hui ont dégagé les pistes de votre rôle dans cette mise en?uvre.

    Parmi ces cinq domaines d'actions, je voudrais surtout vous parler du sujet le plus actuel : l'intégration régionale et les Accords de Partenariat Economique.

    Le chapitre de l'Accord de Cotonou sur le commerce des marchandises se terminera le 31 décembre 2007. Nous savons qu'il doit être remplacé par des accords de partenariat économique compatibles avec les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce.

    Ces dernières semaines, et derniers jours, nous avons réussi à conclure des accords intérimaires avec au total 15 pays d'Afrique australe, de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Est, d'Afrique orientale et d'Afrique occidentale. Les pays non-PMA qui ont choisi de ne pas conclure ces accords intérimaires bénéficieront pour leur part du régime de"préférences généralisées".

    L'Europe offre ainsi un accès à ses marchés de marchandises, libres de tarifs douaniers et de quotas, à tous les pays signataires, qu'ils soient pays moins avancés ou non.

    Du côté africain, l'ouverture des marchés de marchandises se fera progressivement sur 15 ans, et pour certains secteurs sur 25 ans. Les pays pourront exclure certains secteurs sensibles et protéger leurs industries naissantes. Cette flexibilité montre que nous sommes respectueux des différents niveaux de développement. La notion de partenariat n'exclut donc pas l'asymétrie quand il le faut.

    Nous ne signons pas ces accords les mains vides. Nous accordons un appui financier substantielà cette dynamique d'intégration économique : Sur la période 2008-2013, plus d'1,12 milliard d'euros seront directement consacrés à l'aide au commerce ; auquel il faut rajouter le soutien aux infrastructures et aux capacités productives qui relèvent tout deux de l'aide au commerce au sens large.

    Comme je m'adresse aujourd'huià un public composé essentiellement de femmes et d'hommes d'affaires, je voudrais ici vous faire part de ma déception profonde dans ce dossier. J'ai rencontré un certain nombre de personnes qui font preuve de beaucoup de frilosité, qui veulent continuer à exploiter les situations de rente queles protections tarifaires de l'Accord de Cotonou leur octroient. Ces gens-là refusent de voir la réalité en face, la réalité de l'économie mondialisée dans laquelle il faut impérativement être compétitif. Il n'y a pas d'alternative à la libéralisation des marchés : des décennies de protections tarifaires sous le"parapluie"de Lomé puis Cotonou n'ont rien apporté à l'Afrique. Elle s'est laissé distancier par de nombreux pays d'Amérique latine et d'Asie.

    Ce n'est pas là uniquement l'expression de mes convictions libérales, c'est aussi le simple constat historique que c'est le libéralisme qui crée le plus de prospérité. Mais, l'économie de marché ne peut être vertueuse en l'absence d'un juste Etat. Un Etat fort qui garantit l'exercice de la liberté, favorise le progrès collectif et permet l'épanouissement de chacun. Car il est évident que la compétitivité et la croissance économique ne représentent évidement pas des buts en soi ; ce ne sont que des moyens au service de l'homme.

    Mesdames et Messieurs,

    Je veux ici vous réitérer mon engagement, et l'engagement de la Commission européenne à réaliser nos priorités dans le cadre de ce nouveau partenariat que j'appelle de tous mes v?ux :

    Tout d'abord, la gouvernance. Nous la fondons sur une conception large d'un Etat impartial et non pas sur une conception réductrice de la lutte anti-corruption. Nous sommes convaincus qu'il faut structurer les Etats. C'est pourquoi, nous voulons déplacer le centre de gravité de notre action des projets individuels vers davantage de soutien budgétaire des Etats.

    Des 22 milliards du 10ème Fonds Européen de Développement, nous comptons engager environ 47% par le soutien budgétaire. Ce sont les budgets élaborés et votés par leurs instances politiques que nous soutiendrons. Il n'y a pas meilleure appropriation, et donc alignement sur les priorités politiques des pays africains. En outre, le soutien budgétaire est généralement plus efficace, plus rapide et moins coûteux à gérer pour les deux partenaires.

    Ensuite, nous faisons des infrastructures un axe important de notre politique, et en particulier les réseaux d'infrastructures régionales et continentales et les chainons manquants dans ces réseaux (missing links). L'Union Européenne est présente dans les infrastructures en Afrique depuis longtemps. Elle est le donateur le plus important. Sur base des chiffres actuels, les contributions du 10ème FED destinées aux infrastructures pourraient passer de 3,75 milliards d'euros à approximativement 5,6 milliards d'euros. Ces montants considérables annoncent des marchés intéressants pour les entreprises dont vous faites parties.

    Ceci dit, je reste convaincu que l'efficacité et l'effet de levier sur l'investissement public et privé de ces dons doit être accru. C'est pourquoi j'ai décidé en avril dernier la création du Fonds Fiduciaire Européen pour les infrastructures. Il s'agit d'un"consortium"qui regroupe la Commission européenne, la Banque européenne d'Investissement et 10 Etats membres. Le Fonds est doté dans sa phase initiale d'environ 140 millions d'euros de subventions. Par effet de levier, il pourra mobiliser des fonds en capital dans une proportion de 1 euro pour 4 ou 5 euros, donc de 560 à 700 millions.

    Les instances de ce Fonds ont déjà approuvé les premiers projets en Afrique subsaharienne :

    la centrale hydroélectrique de Felou (montant total de financement de 103 millions d'euros) qui va augmenter de manière substantielle la production électrique du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal (325 GigaWatts) ;

    le câble de télécommunications sous-marin EASSY (montant total de financement de 180 millions €). Il s'agit d'un câble de 10 000 km de fibres optiques qui reliera les pays de la côte Est de l'Afrique du Soudan jusqu'en Afrique du Sud en passant par Madagascar. Ces pays auront alors une connexion large bande digne de ce nom qui devrait être opérationnelle pour la Coupe du Monde de Football de 2010 en Afrique du Sud ;

    l'interconnexion des réseaux électriques du Kenya et de l'Ethiopie et de 4 pays d'Afrique de l'Ouest (Côte d'Ivoire, Libéria, Guinée Conakry et Sierra Leone). Il s'agit à ce stade d'études détaillées.

    Ont fait l'objet d'un accord de principe : le port de Pointe Noire au Congo Brazzaville (montant total de financement d'environ 100 millions d'euros) et l'interconnecteur"Caprivi"entre les réseaux électriques de Namibie et de Zambie et par extension : Angola, Botswana et Afrique du Sud (montant total de financement d'environ 250 millions d'euros).

    Si ces projets se situent tous en Afrique sub-saharienne, notre ambition est -à terme - de couvrir des projets continentaux également situés en Afrique du Nord.

    Enfin, le dialogue politique structuré avec toutes les parties prenantes, en l'occurrence, les entreprises.

    Nous avons créé cette plateforme de dialogue qu'est le Forum des Affaires entre l'UE et l'Afrique. Il s'est réuni à Bruxelles en 2006, à Accra en 2007 où il a adopté une série de recommandations très détaillées qui sont d'ailleurs reprises dans une brochure qui vous a été remise. Ce Forum est incontestablement devenu un instrument clé de la dynamisation économique de notre partenariat.

    Il est temps, me semble-t-il, de passer des déclarations à l'action.

    Ce Forum a déjà produit des résultats :

    J'ai veillé à ce qu'un de vos représentants siège en tant qu'observateur au sein du comité de pilotage du Partenariat UE-Afrique pour les Infrastructures qui a tenu sa première réunion à Addis Abeba en octobre 2007. Ce comité de pilotage se penchera notamment sur le choix des infrastructures continentales à financer dans le cadre du Partenariat UE-Afrique pour les Infrastructures.

    J'ai donné instructions à mes services pour qu'ils examinent dans le détail ce que la Commission européenne peut faire pour donner à vos recommandations d'Accra le suivi qu'elles méritent.

    J'aiégalement suivi avec intérêt vos débats sur les nouvelles technologies.

    Messieurs les Co-Présidents, Mesdames et Messieurs,

    les défis que nous avons devant nous sont considérables, et ils ne font que commencer.

    Tout d'abord, nous continueronsà négocier la deuxième étape des APE à partir du 1ier janvier : l'étape qui renforcera la création de marchés régionaux mieux intégrés et fondés sur des règles communes. Tous les Etats d'une même région ont donc, de mon point de vue, vocation à rejoindre un APE : les Pays les Moins Avancés aussi.

    Deuxièmement, je vais élaborer en 2008 pour la Commission européenne un nouveau document directeur de notre action en matière de développement économique et d'intégration régionale. Cette"communication"devrait mettreà plat les différents instruments dont nous disposons et définir des orientations d'une meilleure action dans ce domaine. J'y explorerai également tout le potentiel de collaboration entre les secteurs privés et publics de nos deux continents et sur les rôles essentiels que peuvent jouer les acteurs du secteur privé dans le partenariat entre l'Europe et l'Afrique : éclaireur de l'action publique, catalyseur du développement et acteurs de bonne gouvernance.

    Je vous remercie de votre attention.


    [SAE2007]
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