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#16 jours - Une approche intégrée de la sécurité et de la protection des Défenseuses des droits humains



  • Pour commémorer la campagne des 16 jours d'activisme contre la violence basée sur le genre (du 25 novembre au 10 décembre) et la Journée internationale des Défenseuses des droits humains le 29 novembre, ainsi que la montée de la violence contre les Défenseuses, l’AWID se penche cette semaine sur la nécessité d’une approche holistique de la sécurité et de la protection des Défenseuses.

    Par Susan Tolmay[1] 

    Le thème phare de la campagne des 16 jours d'activisme contre la violence basée sur le genre  cette année – « De la paix à la maison à la paix dans le monde : arrêtons le militarisme et mettons fin à la violence à l'égard des femmes ! » – souligne le caractère systémique de la violence basée sur le genre, notamment les niveaux élevés de violence auxquels le militarisme expose les femmes et les Défenseuses des droits humains (Défenseuses), y compris la violence perpétrée par des acteurs étatiques et les violences sexuelles concomitantes et consécutives aux conflits. 

    Au cours des cinq dernières années, des progrès significatifs ont été faits sur le plan de la reconnaissance des droits des Défenseuses et de leur violation. Dans son rapport de 2010, le premier du genre à se concentrer exclusivement sur la situation des Défenseuses, la Rapporteure spéciale sur la situation des défenseuses et défenseurs des droits humains de l'ONU, Margaret Sekaggya, a souligné la nécessité d’une approche spécifique au genre adaptée à la gravité des violations, des persécutions et des menaces qui pèsent sur les vies des Défenseuses et leur famille. Lors de la 57ème session de la Commission de la condition de la femme (CSW 57) en mars 2013, les Défenseuses ont été reconnues pour la toute première fois dans les termes desConclusions concertées, imposant spécifiquement aux États de “soutenir et protéger tous ceux qui luttent pour éliminer la violence à l’égard des femmes, notamment les  défenseuses des droits humains qui sont particulièrement visées par la violence.” Le 27 novembre 2013, l’AGNU a adopté la toute première résolution relative à la protection des droits humains , comprenant des recommandations concrètes sur les méthodes spécifiques que les États doivent employer pour permettre aux Défenseuses, et à ceux et celles défendant les droits humains des femmes, de faire leur travail.

    Et pourtant, au cours de l’année dernière, nous avons observé à travers le monde une multiplication des conflits violents, la montée des fondamentalismes religieux, la criminalisation de la dissidence et l’augmentation des attaques ciblées sur les défenseuses des droits humains[2]. Le 26 octobre, l’officière de justice Yara Sallam et 22 coaccusé-e-s, arrêté-e-s et accusé-e-s de violer la loi sur le droit à manifester en Égypte, ont été condamné-e-s à trois ans de prison et à une amende de 10 mille livres égyptiennes. Ils et elles ont été arrêté-e-s le 21 juin alors qu’ils et elles participaient à une marche réclamant l’abrogation de la loi sur le droit à manifester et la libération de tous et toutes ceux et celles arrêté-e-s en raison de cette loi, mettant en relief le décalage entre politiques et pratiques.

    La publication Notre droit à la sécurité – une approche holistique de la protection qui sera lancée le 10 décembre par l’AWID et la Coalition internationale des Défenseuses des droits humainsétudie le concept de la sécurité intégrée pour les Défenseuses, évalue les lacunes des schémas de protection actuels et formule des recommandations pour renforcer les interventions visant à garantir la protection des Défenseuses, tout en tenant compte de leurs voix, leurs besoins et leurs demandes, ainsi que de leurs contextes et leurs identités. 

    Pourquoi il est nécessaire d’accorder une attention particulière aux Défenseuses   

    Les Défenseuses courent des risques particuliers du fait de leur identité (ce sont des femmes) et de leur travail (elles défendent les droits humains). Elles sont exposées à la violence basée sur le genre et à des risques spécifiquement liés au genre, notamment aux violences verbales relatives au genre, aux violences sexuelles et au viol. Outre la violence sexuelle, beaucoup d’autres attaques nuisant à la réputation des Défenseuses et délégitimant leur travail sont liées au recours à des stéréotypes de genre et sexuels. 

    D’autres facteurs économiques, sociaux, culturels et géographiques s’ajoutent à celui du genre, tels que la classe sociale, la religion, l‘âge, la langue, l’orientation sexuelle, le lieu de résidence, la race et le groupe ethnique, et ont une incidence sur la façon dont les Défenseuses vivent une violation. 

    Sécurité et protection – une seule solution ne convient pas à toutes les situations 

    Les risques et violations auxquels les Défenseuses sont confrontées étant hétérogènes, leurs besoins de protection sont eux aussi très différents. L’une des faiblesses propres aux systèmes de protection actuels tient au fait que ces derniers ne sont pas adaptés aux différents rôles que jouent les Défenseuses tour à tour sur leur lieu de travail, dans leur famille, au sein de leur organisation, leur mouvement et leur communauté. La plupart des programmes de protection proposent un ensemble de mesures communes à tous et toutes les défenseurs et défenseuses en danger, sans tenir compte de la façon dont des facteurs comme le genre, l’orientation sexuelle ou l’ethnicité influencent l’expérience qu’ils et elles font d’une violation. 

    Le manque de reconnaissance dont souffre le travail des Défenseuses continue de constituer un obstacle majeur à l’organisation de la protection. Dans beaucoup de cas, les femmes activistes “ne s’identifient pas nécessairement comme des Défenseuses parce qu’elles connaissent mal le langage propre aux droits humains, ou ne se sentent pas à l’aise de l’employer. Les Défenseuses des droits humains peuvent ne pas employer ce terme pour se décrire par un souci d’humilité ou de respect pour les femmes en danger qu’elles cherchent à défendre, et qui sont peut-être plus marginalisées qu’elles ne le sont elles-mêmes. Par conséquent, les Défenseuses ont rarement accès aux mesures de protection qui sont mises à la disposition des Défenseurs et Défenseuses des droits humains.”

    Une protection spécifique au genre et une sécurité intégrée pour les Défenseuses 

    La protection doit tenir compte des rapports de forces inégaux entre les genres, ainsi que de la discrimination et de l’exclusion auxquelles la construction sociale traditionnelle du genre confronte les différentes femmes dans la plupart des sociétés. L’élaboration de mesures spécifiques au genre implique donc un processus d’évaluation quant aux différences entre les expériences que connaissent les Défenseuses des violations des droits humains, liées à leur genre et autres facteurs économiques, sociaux ou culturels. Cela veut dire impliquer et faire participer les Défenseuses “selon leurs propres conditions”, afin qu’elles puissent définir les besoins et les priorités qui sont les leurs. Les mesures spécifiques au genre devraient aussi se pencher sur la façon dont la protection peut être utilisée de manière à autonomiser et renforcer le travail des Défenseuses. 

    Les Défenseuses ont insisté sur la nécessité de promouvoir un concept intégré de sécurité allant au-delà de la simple protection physique des individus. Le concept de la sécurité intégrée “incorpore des préoccupations concernant le bien-être des Défenseuses et leur famille, et reconnaît la nature spécifique au genre de la violence. Les mesures de sécurité intégrée offrent donc une gamme de soutien, notamment la garde d’enfants et la santé, ces dernières n’étant habituellement pas prises en compte parmi les mesures de sécurité. La sécurité intégrée suppose également d’examiner en premier lieu les contextes propices aux violations des droits humains, et de promouvoir la pleine réalisation des droits des femmes comme une stratégie de soutien destinée aux Défenseuses, leurs organisations et leurs mouvements.” 

    Cette approche de la protection tient compte des besoins de protection physique, mais est aussi liée à un processus de changement favorisant le développement et la mise en œuvre d’un cadre juridique qui soutient l’égalité de genre, contribue à éliminer la violence basée sur le genre, garantit la participation des femmes à tous les processus les affectant, et encourage les changements dans les pratiques institutionnelles, sur le lieu de travail et en ce qui concerne les rôles des femmes au sein de la famille et de la communauté. 

    Cette approche de la protection soulève également des questions quant au modèle d’activisme fondé sur le rôle traditionnel de fournisseuse de soins assigné aux femmes, ces dernières devant sacrifier leur vie pour les autres. Le fait de jouer ce rôle rend les Défenseuses plus vulnérables car il affecte leur capacité à identifier les risques, à mettre en place des mesures préventives, à gérer les traumatismes et à se protéger. 

    Les Défenseuses ont souligné qu’il était difficile de faire changer les mentalités, de faire comprendre que pour garantir la survie de leur travail, elles devaient assurer leur propre survie. Les notions d’autogestion et de bien-être devraient faire partie intégrante de la protection. En ce sens, la protection nécessite l’intégration de réponses provenant de domaines différents telles que la santé, l’éducation et la justice. 

    Outre la protection qu’elle assure aux Défenseuses et leurs organisations, l’approche intégrée en matière de sécurité devrait aussi s’attaquer à la violence structurelle et à ses causes profondes. Par conséquent, les programmes de protection devraient prévoir des mesures visant à mettre un terme à l’impunité et à supprimer les obstacles qui entravent l’accès à la justice, ainsi que des mesures visant à créer un environnement propice au travail des Défenseuses.

    À l’occasion de la commémoration de la campagne des 16 jours d’activisme et de la Journée internationale des Défenseuses des droits humains, témoignez votre solidarité et votre soutien aux Défenseuses :

    • Téléchargez ce ruban et affichez-le sur vos profils Facebook et Twitter comme preuve de votre soutien aux Défenseuses, et invitez vos ami-e-s et followers à faire de même
    • Consultez l’Hommage de l'AWID aux Défenseuses (du 29 novembre au 3 décembre)
    • Prenez une photo de groupe en tenant ce poster qui dit “Dans cette organisation, on ne discrimine pas, on ne maltraite pas, on ne harcèle pas les femmes” et envoyez-la à cette adresse : comunicacion.imdefensoras@gmail.com
    • Menez-vous actuellement une campagne en ligne avec celle des 16 jours d’activisme ? Écrivez-vous un article sur la violence basée sur le genre ? Faites-vous actuellement campagne sur les réseaux sociaux ? Quelle que soit l’action à laquelle vous participez, parlez-nous en. Publiez votre photo, votre vidéo ou votre texte sur l'application Guardian Witness

    [1] Extrait de “Our Right To Safety: Women Human Rights Defenders’ Holistic Approach to Protection.” Disponible sur
    http://www.awid.org/AWID-s-Publications/Women-Human-Rights-Defenders/Our-Right-to-Safety-Women-Human-Rights-Defenders-Holistic-Approach-to-Protection. L’auteure remercie Inmaculada Barcia pour sa contribution

    [2] Venez consulter les dernières actions urgentes et alertes:

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