Le 26 août dernier, le Carrefour des acteurs sociaux (CAS) lançait, sur le site Médiaterre de l'Institut francophone pour le développement durable (IFDD), un appel pour le recensement des initiatives constituant autant de « bonnes pratiques » mises en œuvre ou en projet pour prévenir ou lutter contre le changement climatique dans les îles francophones. En effet, les îles, de manière générale, sont particulièrement menacées par les bouleversements climatiques, en raison de leur faible altitude, de leur fréquente implantation géographique dans des zones particulièrement exposées aux risques naturels majeurs et de leurs conditions de développement qui, à ce jour, ne sont pas encore optimales. Mais pour ces mêmes raisons, les îles constituent également des laboratoires privilégiés à la fois pour observer les évolutions et pour apporter des solutions originales susceptibles d'être transposées ailleurs. D'où l'intérêt de cette enquête conduite auprès des îles de l'espace francophone afin que les initiatives ainsi recensées puissent être valorisées à l'occasion de la Conférence des parties (CdP 21 ou COP 21) de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre prochains.
Les réponses apportées à l'appel, qui a fait l'objet de plus de 1 400 lectures, permettent d'identifier plusieurs secteurs pour lesquels les îles sont en mesure d'apporter des solutions particulièrement pertinentes.
Il en est ainsi, tout d'abord, en matière énergétique, les îles ayant un intérêt marqué à s'affranchir des énergies fossiles dont elles disposent rarement, à la fois pour faire de substantielles économies et pour s'assurer de leur souveraineté énergétique. Outre l'énergie éolienne encouragée par des vents favorables, les îles situées en zone tropicale peuvent également recourir à l'énergie thermique. Ainsi, dans les Caraïbes, la Martinique a été retenue par la Banque européenne d'investissement pour l'attribution d'un montant de 72 M € sur cinq ans en provenance du fonds NER 300, afin de développer un projet d'énergie thermique des mers au large de Bellefontaine. Intitulé NEMO, le projet, porté par DCNS, Akuo Energy et la Région Martinique, consiste en une plate-forme appelée à produire 16 MW à partir de la différence de température entre la surface et le fond de la mer, pouvant ainsi alimenter 35 000 foyers en électricité. Par rapport au photovoltaïque et à l'éolien, avec lesquels elle partage le fait de n'émettre aucun gaz à effet de serre, cette technique présente l'avantage, en l'absence de toute batterie, de produire de façon stable de l'électricité 24 heures sur 24.
D'autre part, les îles bénéficient d'une forte attractivité touristique qui, mal maîtrisée, peut avoir des conséquences néfastes sur les évolutions climatiques. Déjà, la nécessité d'un tourisme durable dans les îles avaient été pointée par la Francophonie, à l'initiative des Seychelles, lors de la Conférence des Petits États insulaires en développement (PEID) tenue à Apia (Samoa) en septembre 2014. Aujourd'hui, ce souci est relayé et amplifié par les Îles Vanille qui rassemblent sept États de l'Océan Indien pour un tourisme durable et qui présenteront, lors de la Conférence de Paris, une Déclaration commune. Portée par La Réunion, cette déclaration vise à encourager un tourisme écologique et responsable dans des îles qui se considèrent comme des sentinelles du changement climatique. Des actions sont déjà en place: obligations européennes sur le développement hôtelier à La Réunion, reboisement aux Seychelles, aucune ouverture d'hôtels à Maurice d'ici à décembre 2016, interdiction des sacs plastique à Maurice à partir de janvier prochain, conservation des communautés locales à Madagascar, préservation du lagon et de sa barrière de Corail à Mayotte.
Les îles sont aussi porteuses de stratégies innovantes d'adaptation. Ainsi, en matière de biodiversité, l'initiative RESCCUE (restauration des services éco-systémiques et d’adaptation au changement climatique), lancée en 2014 par la Communauté du Pacifique Sud (CPS), vise à soutenir les pays et territoires océaniens dans la mise en œuvre de la gestion intégrée des zones côtières, avec des sites pilotes en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et au Vanuatu. Le projet a pour but de maintenir et d'améliorer la fonctionnalité des écosystèmes, à démontrer l’amélioration des services éco-systémiques, à mettre en place des mécanismes économiques et financiers à diverses échelles contribuant à la pérennité de ces services dans les sites pilote du projet et, enfin, d’assurer la capitalisation et la dissémination des résultats dans le Pacifique.
Il ne s'agit là que de quelques exemples significatifs tirés d'une riche et abondante moisson. Les contributions des États insulaires, en vue de la Conférence de Paris, apportent également de nombreuses réponses.
Puissent ces efforts apporter les résultats espérés pour que les îles, et singulièrement celles de l'espace francophone, gardent toute leur puissance d'évocation et leur capacité à nous faire rêver.
06/05/24 à 12h32 GMT