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Les APEE au Cameroun ou la privatisation de l'éducation



  • La rentrée scolaire a eu lieu au Cameroun le 5 Septembre 2016. Une fois de plus le débat sur les Associations des Parents d’Elèves et d’Enseignants (APEE) nourrit les conversations.

    L’historique

    C’est depuis un peu plus des deux décennies que les Associations des Parents d’Elèves (APE) ont fait leur entrée dans la scène de l’éducation. Leur rôle n’était pas aussi déterminant qu’aujourd’hui. Mais il faut dire que ces associations sont nées de la volonté des parents de pallier à certains besoins auxquels les établissements publics fréquentés par leurs enfants faisaient face.

    La dénomination de l’association a évolué avec l’intégration en leur sein des enseignants : elle est désormais l’Association des Parents d’Elèves et d’Enseignants (APEE) et est devenue un acteur très important et même incontournable dans le financement des établissements publics (et même privés).

    Le Guide des personnels de direction des établissements d’enseignement secondaire du Cameroun, institué par l’Arrêté N°336/14/MINESEC/CAB du 12 Septembre 2014 par le feu Ministre Louis Bapes Bapes reconnaît sans ambages, s’agissant de ces associations que : « Elles sont devenues une composante de plus en plus importante dans la communauté scolaire parce qu’elles jouent un rôle essentiel de bailleur de fonds. De nombreux établissements ne fonctionnent qu’avec l’apport des APEE ». Remarquons qu’il ne s’agit nullement de « de nombreux établissements », comme l’affirme le Ministre, mais de la totalité de nos établissements scolaires quel que soit l’ordre d’enseignement. 

    Le débat

    Le débat sur les APEE porte pour une certaine catégorie de personnes sur trois axes principaux : la qualité ou la nature de leurs membres, la légalité des textes qui régissent ces associations et les malversations financières récurrentes de certains membres du bureau.

    L’acquisition de la qualité de membre pose problème. Est-ce les élèves ou les parents d’élèves et qu’est-ce qui justifie la présence des enseignants dans cette association ? En effet, lorsqu’on paie les contributions, un parent qui a plusieurs enfants dans le même établissement le fait non pas une fois mais pour chaque enfant. Alors qui est membre de l’APEE, est-ce le parent ou l’élève ? Et les enseignants ont-ils leur place dans cette association s’ils n’ont pas d’enfants dans leurs établissements scolaires ? A ce dernier niveau on répondrait facilement par l’affirmative puisqu’ils sont eux aussi parents et des maillons influents de la communauté éducative.

    Les textes qui régissent les APEE sont de deux ordres : un décret présidentiel qui parle des « contributions volontaires des APE » qui sont classées comme des deniers publics et deux circulaires du ministre en charge des enseignements secondaires qui rendent paradoxalement ces contributions obligatoires. La question que l’on se pose est celle de la légalité de ces circulaires. En principe et en droit, un décret est au-dessus de la circulaire. D’où sort-il qu’une circulaire rende obligatoire ce qui n’était que volontaire dans un décret ? Est-ce que ce qui est volontaire est facultatif ? Au nom de quoi fréquenteriez-vous dans une classe construite par des fonds que vous avez refusé de payer pendant que les autres ont accepté de les payer ?

    Les textes sur les APEE ne fixent pas le montant des contributions. Chaque établissement scolaire, à travers cette association, arrête un montant chaque année et ces derniers sont aujourd’hui très loin au-dessus des contributions exigibles institués par l’Etat. Dans certains établissements, les contributions des APEE atteignent 25000fcfa alors que les contributions exigibles sont à 7500fcfa pour le premier cycle et 10000fcfa pour le second cycle. Lorsqu’on sait que certains établissements atteignent et dépassent 7000 élèves, on se rend compte que ces fonds qui proviennent des parents d’élèves sont considérables. Alors nait le problème de leur gestion.

    En effet, la circulaire prévoit que les fonds en provenance des APEE doivent servir, entre autres au paiement des enseignants vacataires, des surveillants de secteur, des gardiens, des personnels médicaux, à la construction des laboratoires, des salles de classe… Certains parents se plaignent qu’ils ne voient aucune réalisation alors qu’ils paient chaque année. C’est une affirmation que ces fonds sont détournés par les membres des bureaux des APEE avec la complicité des chefs d’établissements. Pourtant il existe des textes qui instituent des mécanismes de contrôle. Si les contributions issues sont considérées comme deniers publics, alors ils obéissent aux mêmes mécanismes de contrôle que ceux des fonds publics.

    La position de la Fecase

    La Fecase ne situe pas son niveau du débat sur ces trois axes. Ce qui fait problème c’est que nous nous situons là en plein dans un cas de privatisation de l’éducation. En effet, tel que le ministre l’a reconnu, les APEE sont devenues des bailleurs de fonds pour les établissements scolaires publics. Et on constate que c’est finalement elles qui financent tout.

    C’est donc le lieu de constater froidement que l’Etat a démissionné de sa responsabilité qui est l’éducation de ses citoyens au profit des financements privés.

    La Fecase est contre cette démission et pense que l’Etat doit reprendre en mains le financement de ses structures éducatives et par voie de conséquence l’éducation même de ses citoyens.

    Si l’éducation est un droit fondamental et universel des personnes et des peuples, alors il appartient à l’Etat de l’assurer pour permettre à tous d’y accéder.

    Les montants des contributions des APEE devenant de plus en plus exorbitants, il arrive que certains parents soient incapables de payer et leurs enfants purement et simplement exclus de ces institutions pourtant publiques. Le phénomène est d’autant plus récurent que les parents doivent débourser les mêmes sommes d’argent pour autant d’enfants envoyés à l’école. L’on sait par ailleurs que les ménages camerounais ont très peu ou pas du tout d’argent. Leur demander à tout moment des contributions pour l’éducation de leurs enfants est simplement synonyme de renvoyer ces derniers à la maison et, plus grave, dans la rue.

    La FECASE a engagé des actions de sensibilisation des parents dans les médias. Ses responsables ont participé à des débats télévisés, radiodiffusés et dans la presse écrite sur ce sujet et bien d’autres. Seule la sensibilisation peut permettre de constituer une masse critique afin d’inverser la tendance actuelle.

     

     

     

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