Effet de serre: les gaz fluorés en sursis
Ils sont moins familiers que le CO2 mais ils contribuent au moins pour 5% à l'effet de serre. Ce sont les gaz fluorés dont l'Union européenne et surtout le Parlement entendent encadrer et réduire fortement l'utilisation. C'est ce qui ressort des deux rapports d'Avril DOYLE (PPE-DE, IE), adoptés ce mercredi 26 octobre par les députés en deuxième lecture.
Les gaz fluorés sont largement répandus dans les conditionnements d'air, les réfrigérateurs, les mousses isolantes,... On les trouve même dans les semelles de certaines chaussures de sport sophistiquées. S'ils s'échappent dans l'atmosphère, leurs effets nocifs peuvent durer des centaines, voire des milliers d'années. Leur nocivité ou "potentiel de réchauffement planétaire" est graduée sur une échelle qui peut aller de 1 (pour le CO2) à plus de 20 000 pour l'hexafluorure de soufre (SF6).
Le premier rapport adopté par le Parlement porte sur une directive qui vise à réglementer l'utilisation de ces gaz dans les systèmes de climatisation des véhicules. Le Parlement a opté pour une interdiction des gaz fluorés d'un potentiel supérieur à 150 dans les nouveaux modèles de voitures à l'horizon 2011 et dans tous les types de véhicules à partir de 2017. Ce seuil de 150 éliminera certains gaz actuellement utilisés par les constructeurs et équipementiers, notamment le HFC-134a, mais permettra d'utiliser encore le HFC-152a, d'un potentiel dix fois moins nocif (120) et devrait encourager l'innovation technologique. Un seul amendement a été adopté concernant cette directive: il s'agit d'autoriser les Etats membres à promouvoir d'autres systèmes de climatisation éventuellement par le biais d'incitation fiscales. Un accord avec le Conseil en deuxième lecture semble donc acquis.
Une base juridique très politique
L'autre rapport, portant sur un règlement général sur l'ensemble des gaz fluorés, a fait l'objet de débats beaucoup plus vifs, en particulier sur la base juridique. Il ne s'agit pas d'une querelle entre juristes pointilleux mais d'un véritable choix politique. Le Conseil, dans sa position commune, avait opté pour une double base: marché intérieur (art 95 CE) et environnement (art 175 CE).
Les députés étaient très partagés sur ce point et y avaient consacré l'essentiel de leur débat lundi soir. Le rapporteur, Avril Doyle, soutenue par la commission de l'Environnement, souhaitait une base juridique unique, en l'occurrence l'article 175. Quelle différence ? L'article 95 favorise l'harmonisation, dans la logique du marché intérieur. L'article 175 permet plus facilement aux Etats qui le souhaitent d'édicter ou de maintenir des normes plus strictes, comme celles qui prévalent aujourd'hui au Danemark par exemple. "Ma principale priorité a été de garantir la sécurité juridique pour l'industrie", avait expliqué le rapporteur.
Il n'empêche que nombre d'industriels, producteurs d'appareils de réfrigération ou de climatisation fixe, craignaient précisément l'article 175 et un éventuel morcellement du marché européen. Pour les rassurer, le rapporteur a indiqué que, article 175 ou pas, "le marché intérieur restera à l'abri de barrières commerciales injustifiées". En outre, une double base pouvait conduire certains Etats membres à introduire un recours devant la Cour de Justice qui, selon le rapporteur, trancherait quand même pour l'article 175 après une période d'incertitude inutile.
Le débat fut très polémique. Horst SCHNELLHARDT (PPE-DE, DE) et Alessandro FOGLIETTA (UEN, IT), par exemple, ont tout deux plaidé pour la double base juridique, dénonçant les risques de distorsion du marché intérieur. "Il est inutile de faire obstacle à l'harmonisation", a ainsi déclaré M. Foglietta. A l'inverse, Richard SEEBER (PPE-DE, AT) et Dorette CORBEY (PSE, NL) ont plaidé pour l'article 175: "L'Union européenne n'est pas là pour empêcher les Etats membres de mener des politiques environnementales ambitieuses", a déclaré Dorette Corbey. Une position également soutenue par Johannes BLOKLAND (IND/DEM, NL), Jonas SJÖSTEDT (GUE/NGL, SE) et Caroline LUCAS (Verts/ALE, UK), les deux derniers déplorant l'insistance des lobbies industriels sur ce point. Le groupe ALDE et une bonne partie du PPE penchaient quant à eux en faveur d'une base juridique unique, mais celle du marché intérieur, selon les amendements déposés par Holger KRAHMER (ALDE, AT) et Vittorio PRODI (ALDE, IT) d'une part, Malcolm HARBOUR (PPE-DE, UK), Anja WEISGERBER et Karl-Heinz FLORENZ (PPE-DE, DE) d'autre part.
Finalement, au moment du vote, aucun de ces amendements n'a recueilli la majorité qualifiée requise de 367 voix. Ce règlement restera donc fondé sur la double base juridique telle que formulée dans la position commune du Conseil.
La commission de l'Environnement avait adopté plusieurs amendements établissant un calendrier pour l'élimination des gaz fluorés d'un certains nombre d'appareils et de produits: systèmes de réfrigération domestique ou industriel, climatisation fixe, mousses d'isolation, aérosols, etc. Tous ces amendements ont été rejetés par la plénière comme l'avait suggéré le commissaire Stavros DIMAS selon qui des études d'impact devaient précéder de telles décisions. Les députés demandent cependant à la Commission d'élaborer pour la fin 2008 au plus tard de nouvelles propositions législatives pour les systèmes de climatisation autres que ceux des voitures et pour les systèmes de réfrigération dans les transports.
Les députés renforcent les dispositions prévues en matière d'étiquetage des appareils, et en matière de contrôles, de formation professionnelle et de certification des entreprises qui manipulent ces gaz fluorés. En outre, pour aider les petites et moyennes entreprises, les députés demandent qu'un registre européen leur soit accessible, où seront consignées toutes mesureséventuelles prises dans les Etats membres pour restreindre la commercialisation de certains produits. Enfin, plusieurs amendements adoptés visent à autoriser les Etats membres qui le souhaitent à adopter ou conserver certaines mesures plus strictes, surtout si elles s'inscrivent dans leur politique de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto.
Référence :
2005/10/25 08:30:00
Avril Doyle (IE) - EPP-ED - A6-0301/2005 et A6-0294/2005
Plus plus d'information :
André Riche
32 (0) 498 98 35 85
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