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Les défis de la gestion territoriale des ressources en eau au Burkina Faso



  • Comme nous l'avons vu tout au long de nos précédentes publications, les collectivités territoriales du Burkina Faso - régions et communes - ont à leur disposition des instruments concrets d'intervention en matière de planification et de gestion des ressources hydrauliques. Nonobstant la présence de ces dispositifs, de nombreux défis subsistent. Il s'agit de l'inadéquation dans le transfert des ressources financières aux collectivités territoriales (A) et les risques de surenchère politique dans la gouvernance locale de l'eau et de l'assainissement (B).

     

    A. L'inadéquation du transfert des ressources financières aux collectivités territoriales

    Elle s'analyse en mettant en miroir les compétences des collectivités territoriales (1) et les ressources financières qui leur ont été transférées (2).

     

  • Un transfert important de compétences
  • Le législateur a procédé à un transfert important de compétences aux collectivités territoriales par l'entremise du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). Ce transfert se fait de manière progressive comme l'indique l'article 72 du CGCT et, conformément aux dispositions des articles 75 et 76 du Code Général des Collectivités Territoriales, a dû être effectif entre 2005 - pour les communes rurales - et 2009 (3 ans au plus tard après la mise en place des organes délibérants).

    Depuis lors, les collectivités doivent intervenir dans des domaines complexes et transversaux dans lesquelles l'État n'a pas su répondre depuis de nombreuses années : la santé, l'enseignement préscolaire et de base, l'alphabétisation, la culture, la gestion des ressources naturelles etc. Les régions, tout comme les communes urbaines et rurales disposent en effet de 11 blocs de compétences tous aussi larges les uns que les autres (articles 80 à 105 du CGCT).

    La mise en oeuvre de ces nouvelles compétences nécessite des ressources financières énormes dont les collectivités n'ont pas encore été dotées, en dépit des  dispositions de l'article 36 du CGCT qui énonce que " Les transferts de compétences par l'État doivent être accompagnés du transfert aux collectivités territoriales des moyens et des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences dans les conditions prévues par la loi ".

     

  • Un transfert moindre de ressources financières
  • L'article 36 du CGCT est l'expression du besoin des collectivités territoriales en ressources humaines, financières et matériels pour remplir leurs missions de développement local durable.

    En 2009, 3ère année de fonctionnement des collectivités, l'Etat a transféré la somme de six milliards huit cent dix-neuf millions neuf cent quatre-vingt-onze mille (6 819 991 000) de francs CFA, soit 0,7 % du budget national gestion 2009 dont le montant s'élevait de 919 432 078 000 F CFA. Ce qui fait dire en 2009 à Bala W. SANOU et Théa HILHORST in Les capacités des communes rurales au Burkina Faso, Naviguer entre l'apprentissage et le pré-requis qu'il " est (...) important de relever la non prise en compte du seuil minimal de ressources financières nécessaires au bon fonctionnement d'une collectivité territoriale dans la répartition des dotations globales. Une simulation a permis de fixer ce montant à 16 millions de FCFA pour chaque commune rurale ".

    Les collectivités territoriales manquent de ressources humaines dotées d'expertise suffisante pour la gestion des compétences transférées. A cela s'ajoute la difficulté de mobilisation des ressources locales qui comprennent les recettes fiscales et non fiscales.

    En 2003 déjà, la Maison de la Coopération Décentralisée (MCD) notait que les recettes fiscales des communes urbaines (impôts et taxes municipales) ne représentaient que 2,21% des recettes fiscales de l'État, soit 5 milliards de francs CFA (762,2 millions d'euros) pour les communes contre 230 milliards pour l'État (35 milliards d'euros).

    Les collectivités territoriales, prises au dépourvu et incitées par l'Etat, ne peuvent que se tourner vers le secteur privé, provoquant ainsi, comme nous le verrons dans un de nos prochains articles, une privatisation du secteur de l'eau et de l'assainissement.

     

    B. Les risques de surenchère politique dans la gouvernance locale de l'eau et de l'assainissement

    Avant tout propos, il convient de signaler que la surenchère politique s'applique à tous les secteurs de la vie locale burkinabé et constitue une maladie congénitale de la décentralisation.

    Conçue comme un processus de renforcement de la démocratie, elle s'est très vite transformée en un moyen pour bon nombre d'élus, de chefs coutumiers, de cadres ... de s'enrichir. La Banque Mondiale, dans son Rapport n°38377 - BF, Réussir la décentralisation - de juin 2007, faisait d'ailleurs le constat suivant à propos de la décentralisation au Burkina Faso : " Le parti au pouvoir contrôle l'appareil de l'État et le clientélisme demeure le principal mode de régulation politique. Ceci sous-tend la motivation de création de centres locaux de pouvoir par la décentralisation, qui dans le cas présent, signifie la création d'un nombre accru de postes à distribuer à ses alliés ".

    L'enjeu ne réside pas ici tant dans la politisation de la gestion des affaires locales qui est somme toute normale, mais à l'usage des pouvoirs détenus par les nouvelles autorités décentralisées. Vu sous cet angle, le processus de décentralisation, gangréné depuis lors, se traduit notamment par des accaparements de terres, des attributions de marchés publics et de parcelles en toute illégalité.

    Dans le domaine de la gestion de l'eau et de l'assainissement, ces comportements qui favorisent le clientélisme et le népotisme engendreront inéluctablement des dysfonctionnements dans la passation des marchés publics, la gestion et le contrôle des services de l'eau et de l'assainissement.

    Ismaël MILLOGO

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