Les participants au dialogue étaient invités à réfléchir à des solutions communes pour atteindre la troisième cible de l’objectif 14 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui appelle à « réduire au maximum l’acidification des océans et lutter contre ses effets, notamment en renforçant la coopération scientifique à tous les niveaux ».
En sa qualité de Coprésident du dialogue de partenaires, le Prince Albert II de Monaco a rappelé que le phénomène « encore méconnu » de l’acidification des océans avait fait son apparition avec la révolution industrielle. Depuis lors, a-t-il dit, l’humanité a rejeté des centaines de milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, notamment par la consommation des combustibles fossiles. Malheureusement, a ajouté l’animateur du dialogue, M. Petteri Taalas, Secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la concentration moyenne de dioxyde de carbone à la surface du globe a fortement augmenté au cours des dernières années, au point d’atteindre un niveau record en 2015.
« Nous sommes donc encore loin de la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur les changements climatiques», a-t-il regretté, ajoutant qu’environ 26% du dioxyde de carbone rejeté dans l’atmosphère est absorbé par les océans. Cette contribution essentielle, a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, n’est toutefois pas sans conséquences, car le dioxyde de carbone modifie la chimie de l’eau de mer et acidifie les océans, dont le taux d’acidité pourrait croître de 150% d’ici 2050.
Si la tendance actuelle se poursuit, les écosystèmes marins auront de plus en plus de mal à s’adapter à la hausse du taux d’acidité, a prévenu une chercheuse au Laboratoire marin de Plymouth, au Royaume-Uni, disant craindre pour les organismes calcificateurs qui auraient une moindre capacité de former leur coquille ou la structure de leur squelette, avec une incidence directe sur la croissance et la survie des récifs coralliens, des coquillages et des crustacés. Les conséquences de ce phénomène, quoiqu’incertaines à l’heure actuelle, se font déjà sentir. Les scientifiques ont observé un taux de mortalité de 80% des huitres dans l’océan Pacifique.
Outre les huitres, les récifs coralliens sont particulièrement touchés, a noté le chef de la Division des laboratoires de l’environnement de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Les récifs sont extrêmement sensibles à l’acidification des océans, au point que 90% d’entre eux pourraient être menacés d’ici à 2030 et près de 100% d’ici à 2050. Il s’agit d’un problème « vital » pour les petits États insulaires en développement, s’est inquiétée la Directrice adjointe de l’Institut des affaires maritimes de Trinité-et-Tobago, soulignant que les récifs coralliens sont d’une importance capitale pour la pêche, le tourisme et la protection des côtes. Dans un pays comme Trinité-et-Tobago, a-t-elle précisé, la destruction des récifs coralliens pourrait affecter jusqu’à 34% de l’économie nationale. De manière générale, a-t-elle ajouté, dans les pays en développement de la zone pacifique, un quart des poissons pêchés proviennent des récifs coralliens.
Outre ces conséquences économiques, elle a noté que les petits États insulaires en développement consomment beaucoup de fruits de mer par manque de choix. Plus largement, M. AGOSTINHO MONDLANE, Ministre de la mer, des eaux intérieures et de la pêche du Mozambique et Coprésident du dialogue a insisté sur le fait que l’acidification des océans pourrait avoir des répercussions graves sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de l’ensemble des collectivités de pêcheurs et d’aquaculteurs de la planète, notamment pour les pays qui ont de vastes zones côtières, comme le Mozambique.
Force est toutefois de constater, a regretté le Prince Albert II de Monaco, que l’état actuel des connaissances scientifiques ne permet pas de mesurer l’ampleur exacte des répercussions de l’acidification des océans sur le milieu marin. Le représentant des Tuvalu a en effet regretté qu’aucune étude sérieuse n’ait été menée jusqu’ici pour mieux comprendre les effets de l’acidification des océans sur les écosystèmes marins. Pour combler ce manque de connaissances scientifiques, son homologue des Palaos a appelé les États à allouer les fonds nécessaires à la recherche.
Un appel qui a offert au Chef de la Division des laboratoires de l’environnement de l’(AIEA) la chance d’indiquer que son agence travaille actuellement en partenariat avec d’autres organismes de l’ONU mais aussi avec des institutions scientifiques de différents pays, dont Monaco. Il a également jugé important de combler les lacunes juridiques car, selon lui, les instruments juridiques internationaux existants ne permettent pas de faire efficacement face au phénomène. « Il faut jeter des ponts entre la recherche scientifique et la politique », a-t-il estimé.
Dans le même ordre d’idée, la représentante des États-Unis a appelé à combler les lacunes de la coopération internationale en matière de recherche, prônant la mise en place de réseaux de surveillance rassemblant les scientifiques expérimentés du monde entier.
Non seulement les connaissances scientifiques sont limitées, mais les indicateurs pour rendre compte avec précision de l’évolution de l’acidification des océans sont également inadaptés, a estimé le représentant de Vanuatu. Il a appelé à d’autres indicateurs, en plus de ceux qui existent pour suivre la mise en œuvre de l’objectif 14.
Pour endiguer à long terme l’acidification des océans, la plupart des intervenants ont estimé qu’il fallait avant tout réduire les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Le chef du dicastère pour le développement humain intégral du Saint-Siège a appelé les pays à prendre exemple sur le Pape François qui s’efforce de « décarboniser le Vatican ». Pour cela, a-t-il dit, les solutions techniques ne suffisent pas et la sensibilisation de l’opinion publique est d’une importance capitale pour changer les comportements.
Plusieurs intervenants ont également appelé à réduire les émissions de gaz à effet de serre imputables au secteur maritime et à celui de la pêche. Le représentant de la Chambre internationale de la marine marchande (CIMM) a assuré les participants des efforts déployés par le secteur maritime pour répondre aux ambitions de l’Accord de Paris. La Chambre est sur le point de proposer des objectifs ambitieux pour maintenir le niveau des émissions de l’industrie en deçà du niveau de 2008.
Certes, ces initiatives sont importantes, a déclaré la Directrice adjointe de l’Institut des affaires maritimes de Trinité-et-Tobago, mais il faut surtout que les États signataires de l’Accord de Paris respectent leurs engagements. « Regrettable » a dit la représentante de l’Islande après la décision des États-Unis de se retirer de l’Accord de Paris, « le principal instrument de réduction des émissions de carbone », et par conséquent de lutte contre l’acidification des océans.
À la recherche de solutions complètes, le Ministre de la mer, des eaux intérieures et de la pêche du Mozambique a voulu que l’on jette des ponts entre l’objectif 14 du Programme de développement durable et l’objectif 13, intitulé « prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions ». En effet, a-t-il dit, outre le phénomène d’acidification, la majeure partie de la chaleur due à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère est absorbée par les océans, qui se réchauffent et perdent ainsi de l’oxygène.
Des solutions innovantes existent pour répondre à l’ensemble de ces problèmes, a estimé la chercheuse au Laboratoire marin de Plymouth: la culture de micro-algues permet de retirer une partie du dioxyde de carbone des océans et d’infléchir le cours de leur acidification et de leur désoxygénation. Le représentant des Tuvalu a attiré l’attention sur les concombres de mer qui permettent également de freiner l’acidification des océans. Or, s’est-il inquiété, la valeur marchande de cette espèce ne cesse de croître en Asie. Le représentant s’est prononcé contre le commerce de cette « espèce menacée. »
Entre autres solutions innovantes, le représentant du Centre scientifique de Monaco a mentionné la restauration de récifs coralliens, la mise en place de nouvelles zones protégées et la sélection d’espèces marines résistantes à l’acidification. Cette dernière piste, a déclaré le représentant des Palaos, est justement explorée chez nous où des études scientifiques pour tenter de comprendre pourquoi certaines espèces marines démontrent une résilience à l’acidification des océans sont en cours.
Mieux comprendre les raisons de cette résilience, a expliqué le représentant, permettrait de mettre en place les politiques les plus efficaces et les plus adaptées.
Outre la résilience des espèces marines, le Prince Albert II de Monaco a appelé à renforcer la résilience des communautés touchées et de leurs systèmes socioéconomiques pour limiter les effets de l’acidification des océans. Plusieurs intervenants ont encouragé les scientifiques des pays en développement et des pays développés à mener des expériences et des recherches conjointes sur la résilience des communautés touchées.
Si les pouvoirs publics et les milieux universitaires sont les principaux moteurs de la recherche et du suivi dans le domaine de l’acidification des océans, a déclaré le représentant de la Banque européenne d’investissement (BEI), le secteur privé a aussi un rôle à jouer, celui de participer activement au financement de la recherche. La BEI accorde environ 18 milliards de crédits par an, dont 25% pour des projets contre le réchauffement climatique.
Document de réflexion de l'ONU
[ODD2030-14]
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04/09/24 à 08h48 GMT