Par TCHOKOUAGUEU Franck Aurelien, étudiant Master de Spécialisation en gestion des risques et des catastrophes à l’Université de Liège
Au Sénégal, plusieurs régions comme celle de Fatick dépendent d’une économie locale qui s’appuie essentiellement sur les ressources naturelles (agriculture, pêche, élevage et tourisme). Durant ces dernières années, la baisse de la pluviométrie a entrainé une diminution de la production agricole et du cheptel (Mohamadou Sall, 2011). Cette chute des précipitations a contribué à freiner l’activité économique des éleveurs et des agriculteurs qui représentent plus de 70 % de la population nationale sénégalaise.
Par ailleurs, la zone côtière au Sénégal est confrontée aux effets de l’urbanisation, allant de la pollution au prélèvement de sable marin. Avec la hausse de la température mondiale, les côtes sont également affectées par l’élévation du niveau de la mer. Ainsi, on observe une migration des espèces marines loin des côtes sénégalaises et, conséquemment, un ralentissement de la filière halieutique.
Au niveau sanitaire, le risque de recrudescence de maladies hydriques telles que le choléra et parasitaires dont le paludisme est accru en raison notamment des inondations plus fréquentes. On observe également des risques plus élevés d’infections respiratoires aigües (IRA) et de méningite cérébro-spinale (Fall, 2009).
Le nombre d’émigrants sénégalais était évalué à 2 millions d’individus en 2010, un nombre largement sous-estimé compte tenu du manque de données fiables sur les émigrants (Fall, 2010). Le flux d’émigrants sénégalais était estimé à 479 515 sur la période 1995-2005. Plus de la moitié de ces derniers vont dans les pays européens (Aymar, 2009). Concernant les départs illégaux, Marion (2008) mentionne 27 000 arrivées aux Canaries et 17 000 à Lampedusa en 2006, dont la moitié serait d’origine sénégalaise.
Selon les statistiques du Centre d’information, de réflexion et d’échanges en matière de franchissement des frontières et d’immigration, 19 775 sénégalais en situation irrégulière ont été appréhendés en 2006 dans 24 des 27 pays de l’Union européenne et 5 839 expulsés. En 2007, ce sont 8 483 sénégalais qui ont été pris par la police dans 24 pays de l’Union européenne et 3 407 expulsés (Aymar, 2009).
En réaction au changement climatique, certains sénégalais se reconvertissent dans de nouvelles activités professionnelles. Il s’agit notamment de la menuiserie métallique, la menuiserie de bois, la couture et la coiffure (Mohamadou Sall, 2011). Ces stratégies individuelles prennent de nouvelles formes au niveau familial. En effet, amplifiée par le décalage entre le vécu quotidien des migrants potentiels et l’image qu’ils se forgent de l’Espagne (eldorado), la mobilité apparaît pour certaines familles démunies comme une stratégie de survie (Diané, 2009).
Ainsi, certains jeunes membres du ménage en migration représentent une stratégie de réduction de la vulnérabilité des économies domestiques (Stark et Bloom, 1985). Selon Oumoul (2014), un habitant de Toug Wolof rapportait qu’« il n’y a pas une seule maison qui ne compte de jeunes partis ou qui aient tenté de partir par des pirogues ».
Ce mouvement est soutenu par la capacité des migrants internationaux sénégalais à transférer massivement l’argent au pays et l’image donnée par les migrants de retour. En effet, selon la Banque Mondiale, les transferts des migrants sénégalais sont estimés à 310 milliards de francs CFA pour l’année 2004, ce qui représente environ 15,1 % du PIB du pays.
Face à l’ampleur des conséquences des changements climatiques, plusieurs initiatives novatrices sont prises pas les jeunes pêcheurs et agriculteurs sénégalais, majoritairement affectés par ces dernières. Une première consiste à anticiper les impacts dramatiques du réchauffement climatique en s’appuyant sur les prévisions météorologiques. Dans la région Kaolack où le projet pilote a été lancé, les jeunes se sont montrés très impliqués dans la recherche et le relais des prévisions météorologiques à travers les radios communautaires.
Une autre initiative menée par l’association Soukio Marikari, consiste à impliquer plus de 200 jeunes dans la plantation des arbres sur une superficie de 250 hectares à Mbanan. Ladite initiative a pour objectif de restaurer l’écosystème sahélien de Mbanan menacé de par la désertification. L’Association Marikari, depuis 2006, intervient également dans la Grande muraille verte qui va de Dakar à Djibouti en passant par la Gambie.
Afin de réduire les migrations dans un contexte de changement climatique, quelques pistes de solution impliquant les jeunes apparaissent. D’une part, il est suggéré de soutenir financièrement des études de terrain relatives aux difficultés des jeunes à faire face au changement climatique. En effet, les meilleures politiques ne peuvent être prises qu’à la suite d’une identification fiable des difficultés auxquelles font face les populations, lesquelles s’obtiennent à la suite des études participatives auprès des acteurs concernés.
D’autre part, le renforcement des initiatives comme celle du plan Retour vers l’Agriculture, ou REVA, permettrait non seulement de lutter contre les migrations clandestines des jeunes, mais également de mobiliser ces derniers au profit du dividende démographique.
AYMAR Narodar Some, (2009), Migration au Sénégal : profil national 2009, Organisation internationale pour les migrations, 148p.
DIANE Lanfia, (2009), Migration au Sénégal : Document thématique 2009 Migrations régulières et irrégulières : défis, retombées et implications politiques au Sénégal, Organisation internationale pour les migrations, 51p.
FALL PAPA Demba, (2010), Sénégal Migration, marché du travail et développement, Organisation internationale du Travail, 54p.
MAGGI Jenny, (2008), Louga, Sénégal : Représentations autour de la migration auprès d’une communauté d’origine, Réseau universitaire international de Genève (RUIG), 38p.
SALL Mohamadou et al, (2011), Changements climatiques, stratégies d’adaptation et mobilités. Evidence à partir de quatre sites au Sénégal, Human Settlements Working Paper Series, International Institute for Environment and Development, 49p.
STARK O. & BLOOM D.E., (1985), «The New Economics of Labour Migration », The American Economic Review, N° 75, Vol. 2, pp. 173-178.
L'initiative jeunesse de lutte contre les changements climatiques a pour objectif de sensibiliser les jeunes francophones aux changements climatiques. Elle permet également de faire connaître les actions et l’engagement de la jeunesse francophone pour lutter contre les changements climatiques sous la forme d’une série d’articles publiés et relayés sur le portail Médiaterre de même que dans les réseaux sociaux.
Ce projet est mené par ENvironnement JEUnesse en collaboration avec l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD), organe subsidiaire de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Pour en savoir plus, veuillez consulter la page dédiée au projet sur le site web d'ENvironnement JEUnesse.
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