Cette dépêche a été co-rédigée avec Monique Henry du CEGEP de St-Laurent (Québec)
Le consommateur d'eau, qu'il boive préférentiellement de l'eau du robinet ou qu'il ait choisi des eaux embouteillées, reste toujours perplexe en lisant le compte-rendu sur la qualité de l'eau qu'il reçoit régulièrement de son distributeur ou quand il lit l'étiquette sur la bouteille d'eau qu'il consomme. En particulier, tous ces ions, en concentration plus ou moins importante dans l'eau, correspondent-ils à une eau de qualité ou non ?
En première approche, on peut déjà signaler que toutes les eaux continentales contiennent naturellement des ions, en quantité plus ou moins importante. Ces ions se divisent en cations, à charge positive, et en anions qui sont chargés négativement. Dans les cations et anions identifiés dans les eaux, il y a ceux qu'on qualifie de majeurs, parce que presque toujours présents, comme le calcium (Ca+2) ou les bicarbonates (HCO3-), et les mineurs, présents évidemment en faible quantité et souvent le reflet d'eaux particulières ou polluées.
Les cations majeurs comprennent donc le calcium (Ca+2), le magnésium (Mg+2), le sodium (Na+) et le potassium (K+). Dans les anions majeurs, on compte les bicarbonates (HCO3-), les chlorures (Cl-) et les sulfates (SO4-2).
On peut comparer quantitativement les cations et les anions, majeurs et mineurs, présents dans l'eau, et voir, par un bilan ionique, si la somme des uns correspond à celle des autres. Cette balance ionique, effectuée en utilisant une unité commune, l'équivalent par litre (éq/l), permet de vérifier si l'analyse a été bien faite. Dans le cas d'une trop grande différence entre cations et anions, il faut revoir les calculs et/ou les mesures, car une espèce a peut-être été mal estimée ou oubliée.
Tous ces ions, issus de substances qui se sont plus ou moins dissoutes dans l'eau, engendrent une certaine conductivité (K), qu'on mesure facilement avec un conductimètre, appareil muni d'une sonde pré-étalonnée qu'on peut facilement utiliser in situ. Ainsi, des contrastes de conductivité permettent de mettre en évidence des pollutions, des zones de mélange, des infiltrations,...Plus généralement, la conductivité, proportionnelle à la concentration de chaque ion, à leur charge et à leur mobilité, augmente parallèlement à la teneur ionique globale ; il existe même une relation empirique selon laquelle :
Somme des cations (en méq/l ) = Somme des anions (en méq/l) ~ K/100 (en µS/cm)
Ces ions contribuent aussi au résidu sec, affiché sur les bouteilles d'eau, qui s'évalue en pesant les composés restant après évaporation et séchage à 105°C d'un échantillon préalablement filtré. On parle aussi de solides totaux dissous (TDS) ou de résidu sec "filtrable". A noter que les TDS et la conductivité sont liés et que la mesure d'un des paramètres peut nous donner la valeur de l'autre, par simple calcul. Là encore, la relation empirique s'écrit :
0,55 < TDS/K < 0,7
Dans cette relation, les TDS sont en mg/l et K en µS/cm. Les conductimètres adoptent souvent la valeur 0,66 pour évaluer les TDS; il est toujours mieux de calibrer soi-même cette valeur à partir de mesures expérimentales.
Si on étudie de près les ions présents, on peut déjà comprendre que l'aluminium (Al+3), le fluor (F-) ou le fer (Fe+2 et/ou Fe+3), par exemple, sont des ions mineurs et qu'une forte présence de l'un d'eux traduit une eau très particulière, issue d'un dépôt riche en cette matière, comme c'est le cas de certaines eaux souterraines riches en fluor au Sénégal, ou d'une pollution, par exemple lorsqu'une station de potabilisation relargue trop d'aluminium, après utilisation de sels d'aluminium lors du traitement.
Les ions majeurs parlent aussi. Les bicarbonates traduisent ainsi une alcalinité plus ou moins importante. Quant au calcium et au magnésium, ils font partie de ces cations et bi et trivalents à l'origine de la dureté. On distingue ainsi les régions où les eaux sont très douces, pauvres en cations de ce type, comme le Limousin (France) des régions où l'eau est très dure comme dans le nord de la France.
Les eaux peu minéralisées contiennent moins de 100 mg/l de sels dissous, provenant souvent de régions granitiques, alors que certaines eaux "minérales" (par exemple de régions calcaires) en contiennent plus de 2 ou 3000 mg/l !
À titre d'exemple, les analyses individuelles des cations et des anions d'un échantillon d'eau du Saint Laurent (Québec) conduisent respectivement à 3,15 méq/l et 3,25 méq/l, la conductivité est de 310 µS/cm et les TDS valent 210 mg/l.
On peut vérifier que :
Somme des cations ~ Somme des anions (à 3% près...)
K/100 = 310/100 = 3,1
TDS/K = 210/310 = 0,677
Les eaux plus ou moins chargées en ions seront qualifiées suivant leurs teneurs en ions. Elles seront bicarbonatées calciques, chlorurées sodiques,... reflétant le dépôt dans lequel elles ont baignées.
En définitive, les cations et les anions nous donnent une bonne image de l'eau que l'on boit, en définissent le caractère et nous informent de son origine. Savoir lire l'étiquette d'une bouteille d'eau peut nous aider à consommer une eau aux propriétés organoleptiques ( voir actu,20130218103536,1.html ) qui nous conviennent. Par contre, la teneur ionique et donc la conductivité ne nous renseigne en rien sur la pollution organique des eaux naturelles, traitées ou usées ni sur sa qualité microbiologique qui reste le critère primordial pour les eaux de consommation.
[TECHEAUA]
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22/10/24 à 11h20 GMT