Pour atteindre de manière efficace les objectifs climatiques de la communauté internationale tout en encourageant la croissance, il est impératif que les pays fixent un prix du carbone, avec l’objectif d’atteindre entre 40 et 80 dollars par tonne de CO2 en 2020, puis entre 50 et 100 dollars en 2030. Telle est la principale conclusion de la Commission de haut niveau sur les prix du carbone, co-présidée par le prix Nobel Joseph Stiglitz et par Lord Nicholas Stern.
Cette Commission a été constituée en 2016, lors de la COP22, à Marrakech par la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone (CPLC), et est soutenue par le Groupe de la Banque Mondiale et le gouvernement français – via le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire et l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie. Elle comprend 13 économistes de premier plan, venant de neuf pays, développés et en développement, et a été chargée de déterminer la fourchette de prix du carbone qui, associée à d’autres mesures, permettrait d’atteindre les objectifs climatiques sur lesquels près de 200 pays se sont entendus en décembre 2015, à Paris, lors de la COP21.
« La transition vers une économie résiliente et à faibles émissions de carbone est la condition de la croissance pour le siècle en cours », ont déclaré les co-présidents de la Commission, Joseph Stiglitz et Nicholas Stern. « Nous voyons déjà le potentiel de cette transformation en termes d’innovation, de résilience, de villes vivables, de qualité de l’air et de santé. Notre rapport s’appuie sur une meilleure compréhension des possibilités qu’offre la tarification du carbone, ainsi que d’autres mesures climatiques, pour accélérer la croissance durable et la lutte contre la pauvreté, et atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et les Objectifs de développement durable ».
D’après le rapport de la Commission, publié à l’occasion du sommet Think20, l’efficacité de la stratégie de croissance et de réduction des émissions de gaz à effet de serre repose sur une tarification judicieuse du carbone. Le rapport affirme qu’une trajectoire prévisible du prix du carbone peut envoyer un signal clair aux ménages et aux entreprises que l’avenir passe par une réduction des émissions, et ainsi modifier les investissements et les modes de production et de consommation.
La Commission a conclu qu’une fourchette de prix compris entre 40 et 80 dollars en 2020, puis portée à 50-100 dollars d’ici à 2030, était compatible avec l’objectif central de l’Accord de Paris de maintenir l’augmentation de la température mondiale à moins de 2°C. Les prix du carbone et les instruments utilisés, ainsi que le calendrier de mise en œuvre, dépendront du contexte de chaque pays. L’objectif de température de l’Accord de Paris demeure atteignable avec des prix du carbone plus bas sur le court terme, s’ils sont accompagnés d’autres politiques climatiques et sont suivis de prix plus élevés plus tard. Cependant, une telle stratégie pourrait augmenter le coût total de la transition.
La Commission a souligné que la tarification du carbone devait impérativement s’accompagner de mesures bien conçues visant à promouvoir l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, l’innovation et les avancées technologiques, ainsi que les investissements sur le long terme dans des infrastructures durables, mais aussi à aider la population dans la transition vers une croissance sobre en carbone.
« Il faudra adapter les niveaux de prix du carbone à la situation et aux choix des pays en matière de politique publique », a déclaré Harald Winkler, professeur à l’Université du Cap (Afrique du Sud) et membre de la Commission. « La tarification du carbone se justifie dans tous les pays, mais les pays à faible revenu, qui sont ceux qui auront du mal à protéger les populations vulnérables des effets négatifs, peuvent décider de commencer avec un prix plus bas, qu’ils relèveront progressivement par la suite. »
En cinq mois de délibérations, la Commission a exploré de multiples sources de données avant de définir le niveau de prix qui permettrait d’atteindre l’objectif fixé dans l’Accord de Paris : limiter à 2°C la hausse des températures sur l’ensemble de la planète. Elle a ainsi analysé les stratégies nationales d’atténuation et de développement, les scénarios technologiques et les modèles d’évaluation intégrés à l’échelle mondiale.
La Commission a constaté qu’une tarification explicite du carbone, par exemple par une taxe carbone ou un marché de quotas d’émissions, est un moyen efficace pour accroître les recettes fiscales que les différents pays peuvent utiliser pour encourager une croissance verte et équitable. Selon leur contexte et situation économiques, les pays pourront notamment accorder des remises aux ménages, réduire les taxes sur le travail ou sur l’investissement, développer les services sociaux pour aider les plus défavorisés, promouvoir la recherche et l’innovation sur les technologies vertes, soutenir les entreprises qui optent pour des technologies à faibles émissions de carbone, ou investir dans des services essentiels, comme l’énergie, l’eau et l’assainissement.
Le rapport souligne également le rôle du secteur privé : des centaines d’entreprises utilisent déjà un prix du carbone afin d’éclairer leur prise de décision. Avec la Carbon Pricing Corridor Initiative, pilotée par l’organisation We Mean Business et le Carbon Disclosure Project (CDP) et axée sur la tarification du carbone dans le secteur énergétique, le rapport de la Commission contribuera à l’élaboration de politiques climatiques et d’instruments de tarification du carbone dans le monde entier.
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15/10/24 à 07h39 GMT