Le 31 mars 2018, le cercle d’études de l’Institut camp Molayi située à Matadi, dans la province du Congo Central en RDC était réuni pour discuter de la marchandisation de l’éducation. L’animateur a d’abord présenté une étude de cas :
« Un responsable du secteur adresse à tous les chefs d’établissement scolaires de son entité une lettre pour exiger les frais de 3 catégories comme suite : taxe de foi, œuvre pontificale missionnaire et fonds d’appui à l’éducation chrétienne. Ces frais sont payés par les enseignants, les personnels de l’école et les parents d’élèves. Les enseignants ne veulent pas dénoncer cette situation de crainte d’être exclus de cette catégorie d’écoles réputées bien encadrer les élèves. »
La première question qui a été posée aux neuf enseignantes et enseignants membres du cercle d’étude était :
Peut-on imposer aux parents de prendre en charge des besoins hors l’école ? Pourquoi ?
Il est ressorti rapidement de la discussion que ce cas était fréquent dans les écoles protestantes de la RDC. « Ils ont l’habitude de demander de l’argent aux enseignants et ils retirent à la source. On exige même aux enseignants de payer la dîme, a affirmé une enseignante. Moi-même, j’ai vécu cette situation chez les Adventistes. »
« On ne devrait pas imposer aux parents de prendre en charge l’école, a ajouté un enseignant. Pourtant, les directions d’écoles exigent aux parents de payer pour la motivation des enseignants et d’autres frais allant jusqu’à la rénovation ou la construction de leur école. »
Comment des parents qui ont six enfants arriveront-ils à payer tous ces frais quand leur salaire n’augmente pas ?
2ème question : Quel est l’impact de ces frais sur l’éducation des enfants ?
« Cette année, de nombreux enfants ont dû retourner à la maison parce que leurs parents n’avaient pas payé les frais, a déploré une participante. C’est démotivant, quand on se retrouve devant un seul enfant dans sa classe. »
Les membres du syndicat constatent en effet une déperdition importante du nombre d’élèves au cours de l’année scolaire en cours. « J’ai débuté l’année avec 42 élèves, il en reste 31 actuellement », illustre un participant.
Toutefois, quand un père paie les frais à la fin de l’année scolaire, il exige que son enfant passe à l’année suivante, même s’il a raté la majorité des cours. Si les écoles publiques refusent, ce n’est pas le cas dans les écoles privées qui font réussir tous les élèves si les parents paient les frais de scolarité. Car toutes les écoles de la RDC, qu’elles soient publiques ou privées, exigent des frais aux élèves, ce qui fait dire à certains que l’école publique est privatisée.
3ème question : comment protéger l’école contre ces actes ?
La réponse a fusé : « En supprimant tous ces frais et en les faisant assumer par l’État. La construction des écoles, c’est la responsabilité de l’État, tout comme le paiement des salaires des agents de l’État que sont les enseignants. »
4ème question : comment les enseignants peuvent-ils combattre ces actes ?
Les participants au cercle d’études étaient unanimes sur un point: ils ne veulent pas que les parents continuent à prendre en charge le salaire des enseignants. « Les parents ne nous respectent plus, car ils exigent que nous fassions réussir leur enfant, puisqu’ils nous ont payé. »
« Il faut faire pression sur le gouvernement, a ajouté un participant, car ce gouvernement ne fait rien s’il n’y a pas de pression. »
« Comme l’État ne paie pas les enseignants comme il se doit, ou ne les paie pas du tout, ceux-ci demandent aux enfants de les rémunérer. Nous nous retrouvons donc complices du gouvernement en rançonnant les enfants. »
Un participant a alors pris la parole afin d’inciter les enseignants à se comporter dignement pour que leurs revendications soient respectées. « Nous devons changer de comportement, a-t-il précisé, car actuellement, chacun y trouve son compte au détriment des enfants. C’est l’État qui permet tout ça, c’est l’État qui doit prendre les choses en main. Quand un enseignant est bien payé, il est plus motivé, il ne demande pas d’argent aux enfants, et la qualité de l’éducation augmente. »
Pendant ce temps, il y a prolifération des écoles privées, car les enfants qui échouent au public savent qu’ils réussiront s’ils paient leurs frais de scolarité au privé. « Ces écoles ne respectent pas les programmes, il n’y a pas de suivi, dénonce une participante. Au secondaire, un même enseignant doit enseigner le français, les mathématiques, l’éducation physique, etc. La seule motivation de ces écoles, c’est l’argent. Ils font passer tous les élèves pour garder l’effectif. »
En conclusion, la marchandisation de l’éducation se manifeste en RDC non seulement par la prolifération des écoles privées, mais par la privatisation de l’école publique. En effet, ces écoles se voient obligées de charger des frais de scolarité aux parents d’élèves pour simplement continuer à exister.
05/07/24 à 13h25 GMT