À l'occasion de la conférence des Nations Unies à Nagoya (Japon) sur la biodiversité, la Banque mondiale a inauguré un partenariat mondial pour la promotion de la " comptabilité verte ". L'initiative a pour objectif d'encourager les pays à évaluer la valeur économique de leurs écosystèmes, tels que les forêts et les récifs coralliens, et d'intégrer cette donnée dans la prise de décision et les plans économiques nationaux. Pour commencer, un projet pilote sur cinq ans sera mené dans six à dix pays, dont l'Inde et la Colombie.
Une publication à paraître de la Banque, The Changing Wealth of Nations (" La nouvelle richesse des nations "), chiffre la valeur économique des terres agricoles, forêts, minéraux et ressources énergétiques à plus de 44 000 milliards de dollars au niveau planétaire. De manière similaire, le groupe d'étude sur l'Économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB) conclut que le coût global de la dégradation des milieux naturels s'élève à $2-5 milliards par an. De plus, les subventions accordées à l'industrie de la pêche, ainsi que les carences de la réglementation et du contrôle dans ce secteur ont conduit à une surexploitation et à un déficit de performance de 50 milliards de dollars chaque année, selon une étude réalisée en 2009 par la Banque mondiale et la FAO. Pourtant, l'invisibilité économique des services rendus par les écosystèmes fait que le capital naturel soit souvent négligé, menant aux décisions qui nuisent à la biodiversité.
" Que ce soit au niveau des pays ou au niveau mondial, nous devons éclairer pleinement la prise de décision en fournissant aux décideurs les informations qui leur manquent et dont ils ont besoin ", a déclaré le président de la Banque mondiale Robert Zoellick.
" La richesse d'un pays ne peut se mesurer uniquement à l'aune des biens qu'il peut exploiter ", a-t-il expliqué. " Les comptes nationaux doivent refléter les services essentiels que fournissent les forêts en fixant le carbone ou encore ceux que fournissent les récifs coralliens et les mangroves en protégeant les côtes. Ces services, rendus par la nature, font partie de la richesse d'une nation au même titre que les biens d'équipement qu'elle produit ou que son capital humain. "
D'après la Banque mondiale, bien que la majeure partie des pays développés utilisent une forme de comptabilité verte dans leurs programmes nationaux, les pays en développement, à quelques exceptions près, ne l'ont expérimentée au cours des vingt dernières années que dans le cadre d'études de cas et de projets de démonstration.
Le nouveau partenariat de la Banque mondiale, baptisé Global Partnership for Ecosystems and Ecosystem Services Valuation and Wealth Accounting, vise donc à affiner la méthodologie utilisée pour le calcul de la valeur des écosystèmes et à diffuser la comptabilité verte dans les pays pilotes. Une fois l'efficacité de cette initiative démontrée, la Banque mondiale prévoit son adoption par de nombreux pays. " Nous cherchons à institutionnaliser le processus ", a précisé Glenn-Marie Lange, économiste de l'environnement de la Banque mondiale. " La clé de notre partenariat consiste à convaincre les ministères des Finances, c'est pourquoi il est si important d'avancer de bons arguments économiques et scientifiques."
La prise en compte de la valeur économique de la nature revêt une importance d'autant plus importante pour les pays en développement, où le capital naturel constitue une plus grande part de la richesse nationale, soit 30 % contre 2 % dans les pays de l'OCDE selon Kirk Hamilton, économiste en chef pour le Groupe de recherche en économie du développement de la Banque mondiale. " La gestion de la richesse naturelle revêt beaucoup plus d'importance dans les pays en développement, car ces derniers sont bien plus dépendants de leurs ressources naturelles, " précise-t-il. " Elles représentent une part considérable de leur richesse, bien au-delà de leurs infrastructures ou de tout bien produit ".
Une estimation correcte de la valeur de la nature permettrait aussi de générer de nouveaux financements pour sa conservation, en engageant le secteur privé. La question des mécanismes novateurs de financement a pourtant fait l'objet de vives controverses à Nagoya, et une décision visant à promouvoir la recherche de tels financements a été retirée pendant la plénière finale, faute d'un accord entre pays. Plusieurs pays en développement, et notamment la Bolivie, ont exprimé leur méfiance à l'égard des instruments novateurs et d'une évaluation économique de la nature. Au pôle opposé, les pays développés ont insisté sur le besoin de financements novateurs et additionnels et sur les opportunités que présente l'approche TEEB.
La référence à cette approche a été gardée dans plusieurs décisions de la réunion, notamment dans le Plan stratégique 2011-2020, dont le deuxième objectif veut que : " D'ici à 2020 au plus tard, les valeurs de la diversité biologique ont été intégrées dans les stratégies et les processus de planification nationaux et locaux de développement et de réduction de la pauvreté, et incorporés dans les comptes nationaux, selon que de besoin, et dans les systèmes de notification. "
Ainsi, l'initiative de la Banque Mondiale répond directement à cet objectif ; elle vise à faciliter la prise en compte de la vraie valeur du capital naturel, pour que les décideurs se rendent compte de ce que Benjamin Franklin écrivait au 18ème siècle :
" Enfin j'ai conçu que la plus grande partie des malheurs de l'humanité viennent des estimations fausses que l'on fait de la valeur des choses "
Laura Baroni, UICN, pour l'IEPF
[COP10-MOP5]
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