Extrait de l'allocution de M. Ibrahim Thiaw Sous-Secrétaire Général des Nations Unies et Directeur Exécutif Adjoint du PNUE.
"En janvier 2014, la Présidente de la Commission de l'Union Africaine lisait, devant un parterre de chefs d'état et de gouvernement, un courriel qu'elle adressait au futur. Dans ce message, elle décrivait l'Afrique qu'elle aimerait voir en 2063. C'était une version, fort émouvante, de «I have a dream» pour une Afrique unie, prospère ; une Afrique éclairée aux énergies renouvelables ; une Afrique exempte de conflits et mettant en valeur toutes ses ressources naturelles. En l'écoutant, on se regorge d'énergie et l'on conclut : oui c'est possible !
La vision 2063 de l'Afrique est certes ambitieuse, mais réaliste. Le moteur du développement économique et social africain carbure aux ressources naturelles, richesses exceptionnelles d'un continent béni par la nature. La logique du développement durable avec sa triptyque économique, sociale et environnementale s'applique à l'Afrique, peut-être mieux que partout ailleurs.
Comment en effet, imaginer une Afrique qui décollerait en laissant en rade ses richesses naturelles ? De quoi serait fait le lendemain des jeunes africains si les ressources de leur sol, de leur sous-sol et de leurs fonds marins sont pillées, volées, saccagées par des groupes de criminels de diverses origines ? Des bandes criminelles de plus en plus sophistiquées sillonnent le continent et scient la fondation de son développement, dans une quasi-impunité.
De l'exploitation illégale de la flore et de la faune, à l'extraction illicite des ressources minières à haute valeur monétaire, jusqu' à l'extorsion et la taxation de revenus alimentant, dans certains cas, des bandes armées, voire des groupes terroristes. La nature des crimes a évolué, se complexifiant davantage et associant le trafic de ressources naturelles au trafic d'armes, de drogue, voire d'êtres humains.
Les revenus générés par le commerce illicite des ressources naturelles est estimée, au niveau global, jusqu'à 213 milliards de dollars par an. Ces trafics affectent principalement les pays en développement, notamment ceux connaissant des situations d'instabilité ou de crises. Ils concernent le bois, la faune, les mines, les produits halieutiques et le dumping de produits chimiques dangereux. En comparaison, l'aide publique au développement s'élève grosso modo à 130 milliards de dollars par an.
Le niveau de gravité et de sophistication du commerce illicite de la faune et de la flore a atteint des proportions inégalées. Il détruit les écosystèmes ; il asphyxie le tourisme, source de revenu par essence des états et des populations locales.
Le commerce illicite des ressources naturelles a ceci de plus vicieux que le trafic de drogue, en ce qu'il prive les pays pauvres de revenus qui autrement auraient été utilisés pour construire des écoles, soigner des malades ou ériger des infrastructures. Bref, ces activités malveillantes dérobent les pays pauvres des moteurs et du carburant nécessaires à leur décollage économique.
Le commerce illicite a ceci de pernicieux, en ce qu'il alimente des conflits internes, souvent sciemment entretenus pour durer dans le temps, car la paix et la stabilité n'arrangent en rien les trafiquants. Nous en avons de nombreux exemples en Afrique, y compris dans les pays des Grands Lacs.
Une étude sur les conflits armés majeurs survenus entre 1950 et 2000 a révélé que 90% des conflits ont eu lieu dans des pays riches en biodiversité. Une étude de la Banque mondiale révèle en 2003 qu'au cours des 40 années précédentes, les pays en développement ne disposant pas de richesses naturelles s'étaient développés 2 ou 3 fois plus rapidement que les pays riches en ressources naturelles rares. "
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