L’Ong internationale Rainforest Alliance vient de publier une étude sur les rendements des cacaoyères des grands bassins de production du Cameroun. Les résultats présentés le 31 janvier 2023 à Yaoundé ont été obtenus suite à une descente sur le terrain effectuée par le cabinet Meo Consult, du 1er novembre au 15 décembre 2022, dans cinq régions du pays. Il s’agit du Centre (Mbam-et-Kim, Mbam-et-Inoubou, Lékié, Nyong-et-So’o et Nyong-et-Kellé), du Sud (Dja-et-Lobo, Mintom, Mvila et Sangmelima), de l’Est (Boumba-et-Ngoko), de l’Ouest (Ndé, Santchou et Haut-Nkam) et du Littoral (Mbanga). Les chiffres qui ressortent de l’étude révèlent que la moyenne nationale tourne donc autour de 700 kg à hectare. Dans le département du Mbam-et-Kim en particulier, les rendements sont de l’ordre de 1,2 tonne, soit 1200 kg à l’hectare. Dans les départements du Mbam-et-Inoubou et de la Lékié, ils s’établissent à pratiquement une tonne/hectare, soit 1000 kg. La région du Sud enregistre le rendement le plus faible, soit 400 à 500 kg/ha.
A travers ces résultats qui constituent une première dans la filière au cours de ces 20 dernières années selon le directeur général de l’Office national du cacao et du café (ONCC), Michael Ndoping, Rainforest Alliance vient de frapper un grand coup. Jusqu’à présent, les données disponibles étaient soit rares, soit empiriques, au point de se situer à environ 600 kg à l’hectare après les années 2000, contre 250 kg/ha avant les années 90 et 400 kg/ha autour des années 90. Une variation en majorité liée aux performances agronomiques des variétés issues de la recherche, aux conditions pédoclimatiques et de végétation des différents bassins.
Un baromètre pour mieux planifier les productions
L’étude a été motivée non seulement par la rareté des données/statistiques sur les rendements de cacao au niveau national, mais surtout par le fait que la plupart des détenteurs de certificats Rainforest Alliance rencontraient d’énormes problèmes pour faire l’évaluation des productions de leurs membres. « En termes d’objectifs de production, cette étude va permettre de déterminer le potentiel réel des agro-industries ou des bassins de production, de maîtriser la production plus ou moins réelle des plantations. Cela permettra même aux potentiels investisseurs qui arrivent et qui voudraient être certifiés d’avoir une idée sur les rendements potentiels des bassins de production. Cet outil est très important quand on veut planifier un bon projet de certification », explique Yannick Cyrille Mboba, responsable de certification pour l’Afrique centrale à Rainforest Alliance.
La certification et la traçabilité comme priorités
Pour les producteurs, l’objectif est de faire de meilleures planifications en termes de production, d’objectifs et de vente de leurs produits. L’autre enjeu est de promouvoir une chaîne d’approvisionnement durable du cacao, pour garantir l’intégrité du produit. D’où l’exigence 2.1.1 qui stipule que le volume estimé pour l’année de certification à venir est déterminé chaque année sur la base d’une méthodologie crédible appliquée par l’exploitation agricole. Avec un portefeuille d’une trentaine de titulaires de certificats [parmi lesquels sept acteurs de la chaîne d’approvisionnement qui sont des transformateurs et environ une vingtaine certifiées pour les exploitations agricoles] pour environ 40 000 producteurs avec plus ou moins 45 000 plantations certifiées, Rainforest Alliance veut permettre à ses partenaires de disposer de chiffres précis sur les volumes certifiés, pour assurer la crédibilité de son programme de certification et de son système de traçabilité. « Ceci rentre également en droite ligne des exigences du règlement européen qui met un accent sur la traçabilité des produits. L’étude permettra de densifier ou d’apporter des éléments pour permettre aux exportateurs de s’y conformer. L’idée est de savoir si le surplus n’a pas été produit dans une zone ayant déforesté ou détruit la forêt », ajoute Yannick Cyrille Mboba.
Du côté des pouvoirs publics, l’étude réalisée est une aubaine. « Ces résultats vont permettre d’intégrer dans nos programmes étatiques le rendement comme un élément essentiel permettant de régler les autres problèmes de la filière. Que ce soit le régime du producteur, le travail des enfants ou la déforestation », précise Michael Ndoping de l’ONCC. Gael Meko du cabinet Meo Consult abonde dans le même sens. A son avis, « il serait intéressant pour l’Etat de prendre en compte ces résultats pour faire des prévisions, planifier et apporter des corrections dans les principaux bassins de production pour que la production augmente ». Ses recommandations tournent entre autres autour de la maîtrise des superficies et de l’application d’une méthode de lutte intégrée qui consiste à nettoyer les plantations au moins deux fois par an.