Le Fonds africain pour le cacao (ACF) porté par l’Ong américaine Rainforest Alliance vient d’allouer un deuxième financement à la Société coopérative des producteurs de cacao de Tonga (Socoprocato), en activité dans le département du Ndé, région de l’Ouest-Cameroun. L’allocation fait suite aux activités mises en œuvre sur le terrain par la coopérative (créée en 2012 et dotée d’un conseil d’administration avec plus de 500 membres) pour préserver le paysage et diversifier/améliorer les sources de revenus des producteurs. Lors du lancement officiel de cette deuxième phase le 29 septembre 2023, il a été relevé que l’appui financier débloqué est surtout le résultat des efforts fournis par les cacaoculteurs de la zone pour produire un cacao durable et de qualité, c’est-à-dire produit sans dégrader le couvert forestier et impliquer les enfants dans les cacaoyères.
« La première phase a été importante pour la société coopérative qui avait des non-conformités par rapport à leur certificat de production durable du cacao Rainforest Alliance. L’appui apporté a permis de les aider à conserver leur certificat au niveau micro. Pour maintenir le certificat, il faut être conforme », a expliqué Boris Hermann Fokouo Talla, représentant de l’organisation Services d’appui à la protection de l’environnement et au développement (Saped), partenaire technique de mise en œuvre du projet. Avis conforté par le point focal du projet ACF pour le Cameroun, Yannick Cyrille Mboba selon qui le projet accompagne la Socoprocato à demeurer certifié et conforme au standard Rainforest Alliance.
Un projet adossé à la gestion communautaire des paysages
Le projet rentre également en droite ligne de l’atteinte des objectifs du projet « Gestion communautaire des paysages au Cameroun » ou « Community Based Landscape Management (Cobalam) dont l’une des missions principales est de réduire la pression sur les ressources naturelles, en élaborant des plans de gestion participative et intégrée du paysage, dans lesquels tous les utilisateurs des terres s’accordent pour conserver l’écosystème naturel tout en améliorant leurs moyens de subsistance. Le chef de la brigade d’arrondissement des contrôles et de la répression des fraudes de Tonga, Mouliom Mohamed Nouray, entrevoit le relèvement du prix du cacao, à travers la promotion du label Made in Cameroon.
Sur le terrain, la deuxième phase du projet ACF-Tonga prévoit la restauration d’environ 3000 hectares de cacaoyer et autres espaces dégradés et le renforcement des capacités d’au moins 100 producteurs sur les bonnes pratiques respectueuses de l’environnement. Par ailleurs, le financement qui est de 107 000 dollars, soit 67 millions de F.CFA, permettra de fournir environ 45 000 plants de cacaoyer aux producteurs de la Socoprocato, pour continuer à rajeunir et améliorer les densités dans les plantations. « Les pépinières vont être mises en terre dès le mois d’octobre. L’ambition est qu’au terme de cette saison, ces plants soient effectivement distribués aux producteurs et mis en terre », certifie Yannick Cyrille Mboba. L’organisation Saped précise que les plants produits et distribués vont être mappés à travers une carte qui ressort la répartition au sein des plantations de la coopérative. A ce titre, 15 personnes seront formées aux techniques de cartographie pendant l’exécution du projet.
La promotion de l’agroforesterie pour diversifier les sources de revenus des cacaoculteurs
In fine, l’enjeu est de renforcer le pouvoir économique des cacaoculteurs, à travers 10 000 plants d’arbres à valeur économique (oranger, avocatier, safoutier…). « Les producteurs ne doivent pas seulement compter sur la vente du cacao marchand. Ils peuvent également avoir des revenus issus d’autres sources telles que la vente des fruits qui seront à maturité d’ici trois à quatre ans », soutient Boris Hermann Fokouo Talla. L’autre pendant du projet est le ralentissement de la dégradation des terres pendant cette phase, à travers des sessions de formation aux bonnes pratiques environnementales et de gestion des cacaoyères. « Les cacaoculteurs ont là une opportunité de faire de la lutte contre le changement climatique une quête permanente. Nous voulons également voir les revenus des populations s’améliorer sans que les parcelles soient déforestées », déclare Yannick Mboba. La mise en œuvre va s’étendre d’octobre 2023 à décembre 2024.
Lors de la première phase, la coopérative a bénéficié d’une subvention d’environ 81 000 dollars, soit 47 millions de F.CFA à peu près, pour la mise en œuvre d’un projet de densification des cacaoyères et de restauration à travers la production d’arbres d’ombrage. 34 375 plants de cacao et 10 000 plants d’arbres agroforestiers ont ainsi été produits et distribués à 412 producteurs, pour un objectif de rajeunissement d’environ 2000 hectares de cacaoyère. « Nous avons reboisé nos champs, nous avons redensifié nos exploitations. On a bénéficié de l’accompagnement d’une équipe de Rainforest Alliance dans nos champs pour qu’aucun plant ne meurt », a fait savoir le PCA de la coopérative, Daniel Njike. En perspective, le planting de 45 000 plants de cacaoyer permet d’espérer, d’ici cinq à 10 ans, 45 tonnes de cacao supplémentaires et plus de 10 000 arbres d’ombrage. « Nous allons augmenter nos revenus. Avec le coût du cacao qui est à la hausse, nous allons sortir progressivement de la pauvreté », ajoute notre interlocuteur. Ce dernier ne manque pas de saluer les retombées du processus de durabilité engagé avec Rainforest Alliance depuis 12 ans. La capacité actuelle de production est de 600 tonnes de cacao par campagne. Quant au volume de livraison du cacao, il est de 1200 tonnes.
Toutefois, il faut relever que les activités réalisées sont encore loin de combler les besoins des cacaoculteurs. Le plan de rajeunissement, de densification des plantations et de restauration des jachères et autres espaces dégradés élaboré pour une période de 10 ans a révélé que les besoins estimés sont de 1,2 million de plants de cacao et d’environ 100 000 arbres d’ombrage.
L’approche genre mise en avant
L’activité de production du cacao qui était jusqu’à une période récente réservée aux hommes est de plus en plus pratiquée par les femmes. « Avant, nous étions seulement basées sur les cultures vivrières comme le maïs, le haricot et autres. Mais, les revenus étaient modestes. Or en nous impliquant dans la culture du cacao, nous aidons nos maris à améliorer leurs rendements. Quand les femmes s’impliquent, le secteur se porte davantage bien », explique Micheline Tchatchoua, cacaocultrice. Par ailleurs, la cacaoculture est une opportunité pour les femmes de participer aux charges du foyer. « La cacaoculture permet d’assurer la santé des enfants, de participer aux besoins du ménage, d’avoir des revenus décents et pourquoi pas créer des entreprises viables. Au lieu de vendre les fèves brutes, on pourrait créer toute une chaîne de valeurs dans la transformation du cacao en bonbons, chocolat, huile et autres. Avec les formations qui sont annoncées, nous espérons voir nos conditions de vie changées », confie Marthe Mfassu, cacaocultrice.
En plus de la culture du cacao, les femmes se spécialisent dans la transformation du cacao en dérivés comme le beurre, le vin, l’huile. Le projet ACF-Tonga II a d’ailleurs pris en compte l’approche genre. Sur 100 producteurs qui seront formés aux bonnes pratiques de gestion de la cacaoyère (agribusiness), 20 femmes sont dans la cohorte. 20 autres femmes feront partie de la formation de 100 producteurs à la fabrication des biofertilisants. Sur les 15 personnes à former à la cartographie des arbres, trois femmes seront retenues.