Dakar et sa banlieue au bord de l'implosion. Si le rythme de pluies se maintient jusqu'à la fin de l'hivernage, la situation devrait s'aggraver. Sale et inondée à certains endroits, surtout dans les rues de quartier où coulent sans cesse des eaux déversées çà et là, la ville est au bord de l'asphyxie au niveau de la banlieue à Yeumbeul, Bène Barak, Thiaroye, Pikine, Rufisque. L'hivernage est toujours une occasion de révéler ce terrible visage.
Sur la route de Rufisque, à hauteur de l'ex-manufacture sénégalaise des papiers transformés, un nouveau marché de mangues est né, assailli tous les jours, du matin au soir, par des femmes qui se battent pour écouler leurs stocks. Abritées sous des parasols, les paniers, les bassines ou les bols de mangues devant les pieds, elles occupent les trottoirs sur une longue rangée, sans souci pour les piétons. Derrière elles se dressent des restaurants, des ateliers de mécanique, des boutiques et autres.L'hivernage
bat son plein. La ville de Dakar n'est pas en reste. En faisant le tour de la
banlieue, on découvre le panorama de la désolation, la saleté, le désordre,
l'encombrement et la puanteur. Comme dans un véritable marché, les piétons et
les véhicules se faufilent difficilement pour déboucher vers le rond-point du
bureau de poste.
« C'est un espace public. Mais, nous ne faisons que
travailler. Il nous faut vendre nos mangues pour subvenir à nos besoins. Nous
ne pouvons pas aller au marché. Cette place est plus stratégique pour nous. Les
passagers des voitures nous aperçoivent très bien. C'est pour cette raison que
nous sommes ici », explique Adji Kane.
Selon les informations recueillies sur place, toutes ces
femmes paient à la mairie leur droit d'occupation « illégale » de l'espace
public. « C'est inadmissible ! Elles doivent être déplacés », crie Mbaye
Seck. «Regardez comment elles ont encombré le passage. En plus, leurs
parasols fixés par des briques peuvent être dangereux pour les piétons en
tombant. Leurs fers peuvent faire des dégâts. Un jour, j'attendais
tranquillement un car quand un parasol est tombé sur moi. Je l'avais échappé
belle. Ma tête pouvait être percée », explique-t-il.
Dans la saleté et la boue
Outre cette situation d'encombrement et d'occupation
illicite de l'espace public, les ordures déposées n'importe où, l'inondation
des routes et des rues minent aussi la vie en banlieue. Sur cette même voie en
construction, du côté du garage de Poste Thiaroye où s'illustrent des
restauratrices, est logé un dépotoir où elles déversent leurs eaux.
Toujours humide, cette poubelle produit des vers qui se
baladent jusqu'au rebord de la route, sous le regard des piétons. A côté, Mor,
vendeur d'accessoires de cellulaires, sans doute résigné à cette vision, prend
tranquillement son repas, tout en se débattant des mouches qui veulent humer le
contenu de ses cuillerées bien chargées. A Thiaroye Gare, sur la route menant
au croisement de Yeumbeul, communément appelée Tally Diallo, sur plusieurs
dizaines de mètres, les voitures pataugent dans une eau de couleur marron.
Une véritable rivière de boue. Sur ce tronçon, les
passagers ont même du mal à descendre aux arrêts à cause du mauvais état de la
route. Une vieille femme qui descend à hauteur de la pharmacie Tally Diallo se
fait asperger d'une bonne giclée de boue par un car rapide qui passe à vive
allure. Médusée et énervée, la pauvre vieille dame ouvre la bouche pour
protester.
Patauger comme des crapauds
Elle n'a pas le temps de réaliser ce qui lui arrive quand
un autre véhicule lui déverse une autre portion de boue. Habillée en grand
boubou jaune, insultant et grondant ce chauffeur impénitent, elle ruisselait
d'eau et de boue.
Les piétons le calment et lui suggèrent simplement de
rebrousser chemin. A Yeumbeul, en face de la maternité municipale, les deux
stations jumelles du coin sont envahies par les eaux. Sur la route menant vers
Guédiawaye et Pikine, en face du commissariat de Police de Thiaroye, la station
d'essence est devenue un bassin de rétention des eaux. Non loin de là, après la
pharmacie pikinoise, se trouve le quartier Djida 2, devenue elle aussi une zone
dans les eaux.
Dans la rue, de jeunes filles et garçons se débattent pour
trouver un passage aux eaux stagnantes. «Nous souffrons beaucoup, surtout
quand il pleut. L'eau entre dans nos chambres. Et nous nous battons pour
l'évacuer », a déclaré Serigne Fallou Sow.
Très en verve sur les questions environnementales, il
déplore le danger que cela représente pour les petits-enfants qui aiment y
jouer. « Les enfants aiment patauger dans les eaux stagnantes. Ce qui
représente un grand danger pour leur santé. Les parents malheureusement n'y
prennent aucune précaution. Je les chasse toujours en les voyant », dit-il.
Au même instant, deux petites filles, l'une tenant à la
main un sac noir en plastic, jouent dans l'eau qui a submergé toute la rue. Une
adolescente sort de chez elle, saute comme une gazelle pour regagner la porte
de la maison d'en face. La rue est complètement inondée. Pour rejoindre la
boutique du coin, il faut passer sur des pierres aménagées par les jeunes du
quartier. Voilà une situation hideuse qui risque de se compliquer d'avantage au
fil de la durée de l'hivernage.
Sur ce point, il semble nécessaire de prendre certaines
mesures de sécurité pour parer à d'éventuelles complications, surtout du point de
vue médical, avec la menace du paludisme et de la diarrhée.
Article
de Cherif Faye paru le 7 Août 2008 dans Sud Quotidien (Sénégal)
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