D’ici 2050, deux tiers des Africains devraient vivre dans des villes. Les formes que prendra l’urbanisation en Afrique seront par conséquent déterminantes pour la croissance et le développement futurs du continent. Telles sont les conclusions des Perspectives économiques en Afrique 2016, publiées aujourd’hui à l’occasion des 51es Assemblées générales annuelles du Groupe de la Banque africaine de développement.
Les performances économiques de l’Afrique se sont maintenues en 2015, en dépit des turbulences mondiales et des chocs régionaux. Le continent est resté la région économique du monde qui a enregistré la deuxième plus forte croissance, derrière l’Asie de l’Est. D’après les prévisions prudentes du rapport, la croissance moyenne du continent devrait rester modeste, à 3.7 % en 2016, avant de se redresser à 4.5 % en 2017, sous réserve d’un renforcement de l’économie mondiale et d’une remontée progressive des prix des produits de base.
En 2015, les flux financiers nets en direction de l’Afrique ont été estimés à 208 milliards USD, soit 1.8 % de moins qu’en 2014 sous l’effet d’une contraction de l’investissement. À 56 milliards USD en 2015, l’aide publique au développement a toutefois augmenté de 4 %, les envois de fonds restant la source de financement extérieure la plus stable et la plus importante, à 64 milliards USD en 2015.
« Les pays africains, parmi lesquels figurent des champions de la croissance mondiale, ont fait preuve d’une résilience exceptionnelle face à l’adversité économique internationale. Transformer cette résilience durable en une amélioration des conditions de vie des Africains nécessite une intervention dynamique des pouvoirs publics, visant à promouvoir une croissance plus rapide et plus inclusive », a estimé Abebe Shimeles, Directeur par intérim, Recherche développement, à la Banque africaine de développement.
Le continent connaît un rythme d’urbanisation inégalé dans son histoire, associé à une croissance démographique sans précédent : la population urbaine a doublé entre 1995 et 2015, année où elle a atteint les 472 millions d’habitants. D’après le chapitre thématique spécial du rapport, ce phénomène est différent de ceux qu’ont connus d’autres régions, telles que l’Asie, et s’accompagne d’une lente transformation structurelle.
Les auteurs estiment que l’absence de planification urbaine a entraîné un étalement urbain coûteux. À Accra, au Ghana, par exemple, la population a presque doublé entre 1991 et 2000, passant de 1,3 million à 2,5 millions d'habitants à un taux de croissance annuel moyen de 7,2%. Au cours de la même période, la zone bâtie d'Accra a triplé, passant de 10 mille hectares à 32 mille hectares avec un taux annuel moyen de 12,8%.
L’urbanisation est une mégatendance qui modifie en profondeur les sociétés africaines. Deux tiers des investissements dans les infrastructures urbaines nécessaires à l’horizon 2050 doivent encore être faits. Des politiques urbaines nouvelles et de vaste portée sont nécessaires pour transformer les villes africaines en moteurs de croissance et de développement durable à l’échelle du continent.
À condition d’être encadrée par des politiques appropriées, l’urbanisation peut contribuer à faire progresser le développement économique par la hausse de la productivité agricole, l’industrialisation, l’essor de la classe moyenne et ses répercussions bénéfiques sur les services, et l’investissement direct étranger dans les corridors urbains. Elle peut également promouvoir le développement social grâce à un habitat urbain plus sûr et inclusif, et des systèmes robustes de protection sociale. Enfin, elle peut favoriser une saine gestion environnementale en remédiant aux effets du changement climatique ainsi qu’à la rareté en eau et en autres ressources naturelles, en agissant sur la pollution atmosphérique, en développant des systèmes de transports publics propres et d’un bon rapport coût-efficience, et en améliorant la collecte des déchets et l’accès à l’énergie.
« La transition urbaine que l’Afrique traverse à l’heure actuelle, qui s’exerce dans de multiples domaines, et la densification qu’elle entraîne ouvrent des perspectives nouvelles d’amélioration du développement économique et social et de protection globale de l’environnement. Ces perspectives peuvent être mises à profit pour soutenir les Objectifs de développement durable – en particulier l’ODD 11 sur les villes et les communautés durables – ainsi que les objectifs inscrits à l’Agenda 2063 de l’Union africaine », a déclaré le Directeur du Centre de développement et Directeur intérimaire de la Direction de la coopération pour le développement de l’OCDE, M. Mario Pezzini. « L’urbanisation pourrait avoir des retombées positives aussi bien sur les habitants des villes que sur ceux des régions rurales, si les gouvernements adoptaient une approche intégrée », a-t-il poursuivi.
Cette approche consiste notamment à investir massivement dans les infrastructures urbaines, à améliorer la connectivité avec les zones rurales, à améliorer l’adéquation entre les marchés de l’immobilier et la demande de logements en précisant les droits fonciers, à encadrer la croissance des villes intermédiaires et à améliorer la fourniture des infrastructures et des services au sein des villes et entre ces dernières. Ces investissements doivent s’accompagner d’emplois formels productifs – en particulier pour les jeunes – et de biens publics en quantité suffisante.
En 2015, quelque 879 millions d’Africains vivaient dans des pays à faible développement humain, alors que 295 millions d’entre eux vivaient dans des pays affichant un niveau moyen ou élevé de développement humain. Les jeunes sont particulièrement touchés par la lenteur des progrès en matière de développement humain. En Afrique subsaharienne, neuf jeunes en activité sur dix sont pauvres ou quasi-pauvres.
D’après les Perspectives 2016, des réformes courageuses des politiques et des initiatives ambitieuses de planification seront nécessaires pour récolter les fruits de l’urbanisation. Il est par exemple essentiel d’adapter les stratégies urbaines nationales aux contextes spécifiques et à des réalités urbaines diverses. Il sera en outre impératif de mettre à profit les nouveaux instruments de financement. Les initiatives en cours visant à promouvoir des systèmes efficients de gouvernance à plusieurs niveaux, notamment la décentralisation, le renforcement des capacités et l’amélioration de la transparence, doivent être renforcées.
« En 2016, la position commune récente de l’Afrique en matière de développement urbain et le Nouvel agenda urbain mondial qui sera examiné à Quito en octobre nous donnent l’occasion de commencer à traduire les politiques d’urbanisation ambitieuses en stratégies concrètes à l’appui de la transformation structurelle de l’Afrique », a déclaré le Directeur du Bureau régional Afrique du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), M. Abdoulaye Mar Dieye. « Nous devons investir dans l’amélioration des débouchés économiques, en particulier de ceux des femmes, qui sont 92 % à travailler dans le secteur informel. Les villes ont un rôle de premier plan à jouer dans ce processus, mais elles ne pourront le remplir que si les gouvernements se décident à prendre des mesures courageuses ».
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