L’agriculture moderne subira une crise majeure d’ici 20 à 30 ans si nous continuons les pratiques agricoles actuelles qui accordent autant d’importance à la production au plus bas coût possible. Voilà ce qui ressort d’un rapport préliminaire publié par les Nations Unies.
Depuis 3 ans les experts mondiaux en matière d’agriculture préparent la sortie, mardi 15 avril, d’un rapport sur l’avenir de l’agriculture mondiale. Un peu à la manière du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), quelque 400 scientifiques se sont réunis pour produire un rapport dont la portée devrait faire réfléchir l’ensemble des acteurs de l’industrie agricole et des décideurs politiques.
Un des objectifs du rapport est d’influencer ces décideurs à la lumière du constat de non-durabilité de l’agriculture industrielle. Selon le président qui a veillé à l’évolution des échanges d’experts, Robert Watson – ancien président du GIEC - le déroulement des affaires habituel ne peut plus durer, «le statu quo n’est plus une option». Les observations vont essentiellement dans un sens : l’agriculture industrielle actuelle est un échec dans son ensemble et pose un obstacle aux objectifs internationaux en développement durable.
Le groupe est connu sous son nom anglais «International Assessment of Agricultural Science and Technology for Development (IAASTD)». Les 400 experts qui y sont rattachés sont des représentants de la société civile et du secteur privé et proviennent autant de gouvernements des pays industrialisés que des pays et en développement. Au Québec, ce rapport fait écho au récent rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire (février 2008).
Parmi les parallèles qui seront à étudier, celui de l’utilisation du concept de multifonctionnalité de l’agriculture qui reconnaît «qu’au-delà de sa fonction première qui consiste à fournir des aliments et des fibres, l’activité agricole peut également façonner le paysage, apporter des avantages environnementaux tels que la conservation des sols, la gestion durable des ressources naturelles renouvelables et la préservation de la biodiversité, ainsi que la contribution à la viabilité socio-économique de nombreuses zones rurales» (OCDE).
Le processus du IAASTD a coûté plus de 11 millions de dollars et a été supporté et suivis attentivement par l’ensemble des organisations internationales intéressées par l’agriculture ; le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Programme des Nations Unies pour l’environnement, l’UNESCO, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) et le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (PAM).
Ce rapport fait état de la situation de l’agriculture au sein des cinq grandes régions des Nations Unies. On reconnait que les défis posés sont très différents entre l’Amérique du Nord et l’Asie par exemple. Des priorités sont ainsi identifiées par région. Pour l’Amérique du Nord, on note l’impact mitigé de l’influence qu’exercent les grandes multinationales sur les sciences et pratiques agricoles. De manière générale, le rapport est aussi critique par rapport aux effets de l’ignorance collective sur l'interaction entre agriculture et systèmes naturels. Il y a aujourd’hui sur nos tables des produits de basse qualité qui ne sont pas bons pour notre santé. Ceux-ci sont aussi taxés d’une dette environnementale importante en ce qu’ils nécessitent d’importantes ressources hydriques, en énergies fossiles et puisqu’ils sont souvent produits au détriment de la biodiversité et de la qualité des sols. La fertilisation excessive des sols est une des dettes environnementales les plus lourdes et est notée par le IAASTD. Dans le best-seller de 2006 «The Omnivore’s Dilemma» Michael Pollan écrit que les techniques de fertilisation modernes qui facilitent la fixation du nitrogène transforment la chaîne alimentaire radicalement. Elle passe «d’une logique biologique à une logique industrielle».
Le rapport est bienvenu pour un ensemble d’organisations non gouvernementales (ONG) actives en matière de réduction des impacts environnementaux en agriculture. La simple reconnaissance du concept de multifonctionnalité de l’agriculture permet de souligner formellement l’importance des services environnementaux offerts par l’agriculture. C’est une reconnaissance que les ONG environnementales cherchent à souligner depuis longtemps.
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