Le présent article s'insère dans la revue électronique eJournal USA sur les actions climatiques locales.
Karuna Singh
Directrice du Jour de la Terre en Inde, Karuna Singh fait partie de l'association Earth Day Network (réseau du Jour de la Terre) depuis 2010. Auparavant, elle a occupé diverses fonctions au consulat des États-Unis à Calcutta, dont celle de principale responsable des affaires écologiques.
Que se passerait-il si 1 milliard de personnes agissaient de concert pour défendre la viabilité de l'environnement et pour lutter contre les changements climatiques ?
C'était là la question centrale qui guidait l'association mondiale de défense de l'environnement, Earth Day Network, lorsqu'elle a ouvert en août 2010 son premier bureau en Inde, pays dont la croissance économique rapide a permis de faire sortir des millions de personnes de la pauvreté et d'accroître le pouvoir d'achat de ceux qui font déjà partie des classes moyennes, mais au détriment de l'environnement.
La mission de ce nouveau bureau situé à Calcutta est d'aider les Indiens à prendre conscience des risques et des problèmes causés par les changements climatiques et d'encourager toute personne à agir afin de prévenir une crise écologique. En lançant sa campagne intitulée " Un milliard de gestes verts ", l'association cherche à donner un cadre au débat public sur les changements climatiques en Inde.
La gageure de la campagne Un milliard de gestes verts
La satisfaction des besoins et des aspirations de la population de plus en plus aisée de l'Inde exige un équilibre délicat entre la satisfaction des besoins matériels et la protection de l'écologie fragile du pays.
Comptant 1,2 milliard d'habitants et un tiers des pauvres du monde, l'Inde continue de dépendre fortement de l'agriculture. Son économie rurale et son littoral long de 7.500 km la rendent extrêmement vulnérable aux changements climatiques. Les inondations, sécheresses, vagues de chaleur, cyclones, ondes de tempête, déplacements, maladies et parasites ne constituent plus des prévisions pour un avenir lointain ; elles se réalisent dès maintenant. De tels problèmes peuvent mettre à rude épreuve les institutions politiques de l'Inde et la capacité de résistance de la société.
Comment peut-on donc mobiliser les Indiens pour s'attaquer aux changements climatiques ?
Pour le découvrir, le personnel de l'association Earth Day Network en Inde a demandé à des responsables indiens dans le domaine de l'environnement des conseils sur la façon de préparer des messages et des stratégies efficaces et adaptés à la culture du pays pour le Jour de la Terre de 2011.
Selon le coordinateur national du mouvement Indian Youth Climate Network (IYCN), Chaitanya Kumar, toute action relative aux changements climatiques doit moins porter sur la consommation et plus sur la protection des ressources naturelles et sur leur croissance. " L'Inde comprend deux grands groupes de personnes, a-t-il dit. Les très pauvres, qui subissent le plus les changements climatiques, constituent le groupe majoritaire. Ce qui les préoccupe surtout, c'est de gagner leur vie. Le groupe minoritaire d'Indiens aisés n'est pas touché par les effets immédiats des changements climatiques. "
Pour sa part, Nazeeb Arif, cadre de direction de la société ITC Limited qui est arrivée à réduire à zéro son empreinte carbone, a fait remarquer que 800 millions d'Indiens disposent de moins de 2 dollars par jour pour vivre et qu'on ne peut pas leur demander de consommer moins alors qu'ils ont déjà des difficultés à survivre.
Le directeur du programme sur les changements climatiques de la fondation M. S. Swaminathan, Arivudai Nambi, s'est déclaré du même avis. " Il y a une différence entre les émissions (de gaz à effet de serre) causées pour survivre et les émissions dues aux produits de luxe ", a-t-il dit.
Les spécialistes étaient tous d'avis qu'il fallait constituer immédiatement un capital naturel, en particulier en accroissant les espaces verts du pays ainsi qu'en conservant ses ressources hydriques et en les protégeant.
L'ampleur croissante du militantisme au niveau local
Afin de favoriser la sensibilisation de la population locale aux problèmes écologiques et d'encourager une croissance économique durable, l'association Earth Day Network a établi des rapports avec plusieurs organisations non gouvernementales. Il s'agit d'aider la population à comprendre le conflit entre la satisfaction des besoins matériels et les effets de la croissance sur l'environnement et à lui permettre de découvrir les moyens de réduire ce conflit.
Au cours de l'année écoulée, cette association a financé plusieurs programmes qui ont abouti à la célébration du Jour de la Terre de 2011 dans quelque 200 villes et districts dans tout le pays. Elle a collaboré avec des associations locales en vue de l'organisation de manifestations dans des villes grandes et moyennes et dans une multitude de villages de toutes les grandes régions du pays.
Un grand nombre de personnes attirées par la variété et la créativité des manifestations y ont participé. Comme la directrice d'une association active dans les zones tribales, Maneesha Sharma, l'a fait remarquer, la population locale joue le rôle principal pour ce qui est d'apporter des changements qui transforment la vie et le travail de tous. Lors du Jour de la Terre, son association a mis en place des jardins potagers arrosés au moyen de l'eau de ruissellement de pompes hydrauliques publiques.
Au Leh, région montagneuse dotée de monastères bouddhistes qui a été ravagée par des crues soudaines en 2010, les responsables locaux ont participé à une visite à pied de divers villages destinée à expliquer le réchauffement climatique. Des bénévoles de la société Pallishree ont passé une semaine dans des villages de pêcheurs situés autour de Chilka, le plus grand lagon d'eau saumâtre d'Asie, pour leur faire prendre conscience de la nécessité de protéger la faune et la flore de ce lagon. " Cela ne peut que vous profiter ", était l'essentiel de leur message.
À Almora, une région qui a connu un déboisement intensif, des femmes ont adopté des arbres, et, au Kerala, des agriculteurs ont appris des méthodes de culture biologique. Enfin, dans le nord-est du pays, dont la biodiversité est très grande, des bénévoles ont parcouru à pied de nombreux kilomètres pour se rendre dans des hameaux et pour expliquer aux habitants les raisons pour lesquelles il importe de protéger la végétation.
La mobilisation des jeunes
L'Inde compte de nombreux jeunes : 72 % de ses habitants ont moins de quarante ans. Il est donc logique que l'association Earth Day Network cherche à toucher ce groupe important.
Dans des centaines d'écoles, des programmes novateurs incitent les jeunes à devenir des amis de l'environnement. Leur participation s'est révélée jusqu'ici importante :
. 40.000 élèves des villes ont découvert la nature en passant du temps dans des réserves forestières ;
. 10.000 enfants des zones tribales ont appris l'utilité des arbres et ont participé à des projets de plantation d'arbres ;
. des centaines d'enfants ont participé avec joie à des jeux organisés en faisant de la bicyclette.
Tous ces enfants forment un grand ensemble d'ambassadeurs en faveur de la Terre.
En effet, le militantisme des jeunes portant sur les questions écologiques devient de plus en plus important en Inde. Des groupes tels que l'IYCN comprennent des membres qui sont engagés, audacieux, informés et qui connaissent les techniques du marketing social.
C'est ainsi que, dans le cadre d'un programme original, l'IYCN a envoyé à travers le pays des bénévoles qui ont parcouru des milliers de kilomètres dans des voitures solaires, dans des camionnettes consommant de l'huile végétale usée au lieu de l'essence et dans des camions au biodiesel. Ils étaient accompagnés d'un groupe de jeunes musiciens des États-Unis, Solar Punch, qui se sert de l'énergie solaire pour amplifier le son de ses instruments. Si l'on ne tient pas compte de leur nationalité, tous ces jeunes sont des citoyens de la Terre en premier alors qu'ils ouvrent de concert pour sauver leur patrimoine commun.
Earth Day Network a aussi apporté son soutien à l'Association des travailleuses indépendantes (Self Employed Women's Association ou SEWA), lors de manifestations organisées dans plusieurs districts afin d'encourager la création de moyens d'existence verts pour les femmes. Des bénévoles de la SEWA ont fait connaître des méthodes de culture plus écologiques à des femmes dans des zones rurales. Elles ont aussi offert des prêts à faible intérêt afin de permettre à des femmes d'acquérir des fourneaux de cuisine non polluants, des lampes solaires et d'autres appareils non polluants.
Plusieurs grandes sociétés spécialisées dans la fabrication de logiciels et des sociétés de conseils ont encouragé leurs salariés à transmettre à titre bénévole leurs connaissances sur les technologies vertes. " En général, les grandes entreprises qui sont bien établies sont en faveur de plans à long terme. Elles comprennent donc bien les risques dus aux changements climatiques et la nécessité d'élaborer des stratégies opérationnelles et de former des modèles de partenariat ", a indiqué Surojit Bose, un des responsables du service viabilité et changements climatiques de la société de conseils PricewaterhouseCoopers.
Des organismes publics et des membres du secteur privé et des médias ont apporté leur soutien à ces efforts. Le Conseil national des musées des sciences a célébré le Jour de la Terre dans tous ses 24 musées et a ainsi atteint des milliers de personnes.
La multitude des activités qui ont eu lieu à l'occasion du Jour de la Terre en Inde ont montré aux organisateurs que la campagne Un milliard de gestes verts avait des effets vastes et profonds. L'association Earth Day Network se fondera sur cet élan pour veiller à ce que finalement chaque jour devienne un Jour de la Terre dans ce pays.
Source : Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat.
Site Internet : http://iipdigital.usembassy.gov/iipdigital-fr/index.html
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