« Dialogue social, facteur de promotion du travail décent et de progrès socioéconomique au Cameroun ». Tel est le thème retenu par les autorités camerounaises pour la célébration de la 132ème fête du travail. Mais en dix (10) ans de célébration de la fête du travail au Cameroun de 2008 à 2018, la récurrence des notions travail décent et dialogue social dans les différents thèmes retenus par le gouvernement, parallèlement aux thèmes internationaux est étonnante. « Travail décent et lutte contre la corruption » pour le 1er mai 2013 ; « paix, solidarité et travail décent » pour la fête du travail en 2015 ; « responsabilité sociale des entreprises et des syndicats pour le travail décent » pour le 1er mai 2016 et « dialogue social, croissance économique et cohésion sociale » pour le 1er mai 2017.
Comment comprendre que depuis une dizaine d’années, la problématique du 1er mai tourne et retourne les mêmes concepts ?
A bien y voir, le fait dénote tout simplement de l’échec du dialogue social pour ne pas parler de son absence et l’incapacité aussi bien de l’Etat que du patronat à offrir des conditions viables et un environnement propice aux employés pour un « travail décent ».
Au fil des années, le chômage galopant aidant, la politique patronale, avec la complicité du Gouvernement, n’a pas évolué vis-à-vis des employés pour ne pas dire qu’elle s’empire jour après jour. Le dialogue social plus qu’une vue de l’esprit est devenu un slogan politique creux à travers lequel le gouvernement qui se refuse d’arbitrer, de jouer pleinement son rôle, se donne une bonne conscience.
Le 1er mai est le seul jour dans l’année où les employés sont autorisés dans une certaine mesure, à parler de syndicat, des droits des travailleurs, des difficultés de leur quotidien. C’est le seul jour où les employeurs (encore que certains ne le font pas) organisent les agapes pour les employés mais surtout habillent ces derniers aux couleurs de l’entreprise. Si ce jour les employeurs semblent engagés aux côtés des travailleurs, c’est tout simplement qu’à travers les mobilisations et défilés monstres aux couleurs des entreprises, le patronat bénéficie d’un marketing certain sans avoir à payer. Le reste du temps, on ne verra jamais le patronat organiser ne serait-ce que des soirées débat sur la vie de l’entreprise, on ne verra jamais le patronat faire l’évaluation des conditions de travail à travers un questionnaire appliqué aux employés.
Au-delà des définitions classiques, le dialogue social s’entend comme un mécanisme destiné à protéger et à promouvoir les intérêts des partenaires sociaux sur les principes de la démocratie et de la dignité humaine au sein d’une communauté donnée telle le lieu de travail, le village… Mais de quel dialogue social parle-t-on quand les patrons licencient même les délégués du personnel au mépris de la règlementation, violent les intérêts des partenaires ainsi que leur dignité humaine, sans que le gouvernement ne lève le petit doigt ? De quel travail décent parle-t ’on quand ce sont des salaires de misère qui sont versés aux travailleurs ?
Aujourd’hui, l’Etat tout comme le patronat, ont créé de faux syndicats où les employés sont instrumentalisés pour contrecarrer les véritables syndicats qui se battent pour l’amélioration des conditions de travail des employés. Pour tout dire, le dialogue social au Cameroun et la notion du travail décent, comme des promesses politiques, n’engagent que ceux qui y croient. Pour le moment, défilés, charters, agapes, uniformes sont des « faire valoir » du prétendu dialogue social au Cameroun.