Auteur(s): Michel Capron
A l'heure de la mondialisation économique, les entreprises, les Etats et les organisations de la société civile cherchent à s'adapter aux nouvelles donnes en essayant d'en comprendre les enjeux et les défis. Le mouvement de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) est l'un de ces phénomènes nouveaux qui interpellent autant les entreprises que les syndicats et les ONG ainsi que, dans une certaine mesure, les pouvoirs publics nationaux et internationaux. Dans un contexte post-fordiste, où les modes de régulation doivent désormais dépasser les cadres nationaux, les défis sont d'emblée mondiaux et la question des inégalités sociales et écologiques dans le monde constitue l'un des fondements de la réflexion.
Ce document est destiné à comprendre et à interpréter les dynamiques
interactives entre les firmes, les mouvements sociaux et l'Etat en France par
rapport aux inégalités entre le Nord et le Sud, en cherchant à cerner les
principaux acteurs, leurs réactions, leurs anticipations et leurs influences
respectives. L'auteur cherche en particulier à étudier comment les acteurs de la
société civile réagissent aux activités des firmes multinationales françaises
dans les pays en développement et comment ces réactions influencent ou peuvent
influencer les politiques gouvernementales et celles des firmes.
Le texte
se décompose en six parties. Après une rapide présentation du contexte
historique français qui permet d'éclairer l'arrière-plan de la situation
actuelle et de l'implication des firmes françaises dans les pays du Sud,
notamment en Afrique pour la première partie, la nature de l'activisme en
réaction aux comportements des firmes est examinée dans la seconde. La troisième
partie est consacrée aux initiatives des pouvoirs publics. Les réactions des
milieux économiques sont étudiées dans la quatrième partie. Ensuite, la
cinquième partie s'attache à l'analyse des dynamiques entre les firmes
françaises, les mouvements sociaux et l'Etat par le biais de quatre études de
cas particulièrement caractéristiques: la production d'uranium avec AREVA, la
distribution de l'eau, le pétrole avec Total (et les firmes qui l'ont constitué)
et les principales entreprises engagées dans l'exploitation forestière en
Afrique. Enfin, la sixième et dernière partie est une réflexion d'ensemble sur
les limites et les potentiels d'influence de la société civile en France sur les
politiques publiques et sur la responsabilité sociale des firmes multinationales
françaises. Cette réflexion met en avant les rapports entre syndicats et ONG
comme clé du développement de la RSE en France.
Il semble qu'il n'existe
pas de liens évidents entre les mouvements sociaux traditionnels ou nouveaux,
les initiatives liées à la RSE et la dénonciation de la Françafrique. Les
nouveaux mouvements sociaux sont composés d'une nébuleuse d'organisations qui
interviennent sur des champs extrêmement différents, à des niveaux différents,
avec des stratégies diverses et avec leurs propres agendas. Tous n'ont pas de
préoccupations internationales et n'entretiennent pas nécessairement de
relations avec les organisations plus traditionnelles (syndicats notamment). A
l'intérieur de cette mouvance, il existe de "nouveaux mouvements sociaux
économiques" qui ont pour terrain d'action et pour levier la sphère économique.
Ils ne sont généralement pas en contact direct avec les mouvements sociaux dont
l'objet principal est la dénonciation des injustices et des inégalités dans le
monde, même s'ils en partagent les vues à long terme.
Les initiatives en matière de RSE sont très diverses: la pression des ONG et
la réactivité des firmes constituent désormais une dynamique donnant lieu à une
floraison de dispositifs, d'instruments, de propositions et d'organismes
spécialisés. Dans ce foisonnement, chacun a sa propre démarche et son propre
agenda, ce qui rend le paysage assez confus et complexe. Dans ce jeu, le
gouvernement est bien présent en donnant un certain rythme à l'agenda en matière
de RSE. Celui-ci reste essentiellement dicté par la question de la mise à jour
de la loi sur le reporting social et environnemental et après la mise en
veilleuse du Conseil national du développement durable, par les points de la
négociation du "Grenelle de l'environnement" portant sur la RSE. La tradition
colbertiste étant toujours très forte en France, ce rythme imposé par les
pouvoirs publics a aussi tendance à imprimer le rythme des autres acteurs
économiques et sociaux.
Cette recherche a été menée dans le cadre de
l'étude de l'UNRISD ayant pour thème Réponses sociales aux inégalités et
changements de politique, faisant elle-même partie d'un plus large projet,
Inégalité: Mécanismes, effets et politiques (INEQ). Le projet INEQ implique huit
instituts de recherche basés en Europe et a été financé par la Commission
européenne sous le sixième programme cadre, Priorité 7--Les citoyens et la
gouvernance dans la société de la connaissance. La contribution de l'UNRISD
examine les formes contemporaines de l'activisme et des campagnes de propagande
en France, Italie et Royaume-Uni sur les thèmes de l'allégement de la dette, la
politique de l'aide, la fiscalité internationale, la justice commerciale et la
responsabilité des entreprises. Cette recherche a pour but de comprendre le
potentiel et les limites d'un tel activisme et son influence sur les politiques
publiques conduisant à une justice mondiale comme à des relations Nord-Sud plus
équitables.
Pub. Date: 16 Oct 2009
Pub. Place: Geneva
ISSN: 1991-9921
From: UNRISD
Pour en savoir plus (769 hits)
07/10/24 à 12h30 GMT