Stéphane POUFFARY, ENERGIES 2050 pour l'IEPF
Doha ... début d'une nouvelle Conférence internationale sur les changements climatiques ou de l'urgence d'un engagement renouvelé et ambitieux
Du 26 novembre au 7 décembre 2012, se déroule à Doha au Qatar, la 18ème Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CDP-18) et la 8ème Conférence des Parties agissant comme Réunion des Parties au Protocole de Kyoto (CRP-8).
La conférence de Doha commence aujourd'hui dans un cadre international plus préoccupant que jamais avec des pays confrontés à des crises politiques, économiques, sociales et environnementales brutales et complexes dans leurs ampleurs et dans leurs dépendances. Pour autant, force est de constater que les signaux avant-coureurs ont été très largement identifiés et que, de Conférences sur les changements climatiques en Conférences sur le développement durable ou autres Sommets internationaux sectoriels, les enjeux et les défis mais aussi les opportunités d'action sont bien identifiés, connus et très souvent partagés par l'ensemble des acteurs concernés (politiques, privés, organisations internationales, société civile...).
Pour autant et même si l'objectif officiel affiché des négociations reste d'arriver à maintenir le réchauffement planétaire à un niveau inférieur à 2°C, les derniers rapports publiés il y a quelques jours par la Banque Mondiale, le PNUE -Programme des Nations Unies pour l'Environnement- ou encore l'Agence Internationale de l'Energie nous alertent une fois de plus sur des tendances affolantes en terme d'émissions de gaz à effet de serre ou d'augmentation de la température moyenne d'ici à 2050 ou 2060.
Les chiffres annoncés et, unanimement validés par la communauté scientifique internationale, sont effrayants. Si le scenario A2 du précédent rapport du GIEC -Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat- parlait d'une augmentation possible de 3°C à 4°C des températures moyennes d'ici à 2100, le dernier rapport de la Banque mondiale parle de 4°C dès 2060 avec un risque d'arriver à des valeurs extrêmes de 6°C d'ici à la fin du siècle (à noter que le prochain rapport du GIEC sortira en 2013).
De tels scénarios deviennent plus probables et apparemment "inévitables" de jour en jour et les conséquences attendues sont annoncées comme "chaotiques et partiellement imprévisibles". Certains même, comme la Banque mondiale, parlent "d'une cascade de changements cataclysmiques" qui concernera essentiellement les pays pauvres même si aucun pays ne sera épargné comme en témoigne les récents évènements climatiques aux Etats-Unis ou en Europe.
Pour autant, rien n'est encore perdu et les opportunités existent pour infléchir les tendances et organiser différemment nos modes de consommation et de production.
C'est en cela que Doha est une Conférence de la plus haute importance.
Les Etats et Parties présentes ici auront notamment la responsabilité de s'accorder sur les modalités de mise en oeuvre de la seconde période d'engagement du protocole de Kyoto notamment sur sa durée et sur l'ambition des objectifs (pour mémoire, fin décembre 2012 prendra fin la première période du Protocole de Kyoto qui est à ce jour le seul accord international sur le changement climatique contraignant pour les pays qui l'ont signé).
Il s'agira également de s'accorder sur les financements à mobiliser qu'il s'agisse des mécanismes à même de renforcer les mesures d'atténuation mais aussi et surtout les mesures pour prendre en compte les besoins en adaptation des pays en développement et plus particulièrement les pays les moins avancés (l'opérationnalisation du Fonds Vert pour le Climat et surtout son financement sera au coeur des débats).
Enfin, il s'agira également de ne pas oublier le principe de responsabilité partagée mais différenciée qui est la base de l'esprit de la Convention Cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Ce point sujet à forte controverse dans le contexte des crises que rencontrent nos sociétés doit rester une priorité même si l'ordre mondial d'aujourd'hui peut plaider pour une nouvelle définition du partage des solutions à mettre en place. En effet, il ne faudrait pas que l'urgence de l'action se traduise par une nouvelle "injustice" climatique vis-à-vis des pays les moins avancés.
Dans tous les cas, qu'il s'agisse du respect de la feuille de route de Bali ou de l'opérationnalisation des outils et décisions de Durban, Doha reste une formidable opportunité pour infléchir et démentir les tendances.
Clin d'oeil malicieux ou opportunité historique de donner au monde une nouvelle inspiration, la COP-18 se déroule à Doha qui est le pays qui produit le plus d'émissions de CO2 par habitant au monde.
Chacun ici, dans des bâtiments gigantesques et sur-climatisés, devrait se souvenir que le mieux vivre ensemble peut se faire dans un monde sobre en carbone avec un usage équitable et moral des ressources naturelles. ENERGIES 2050, au même titre que les autres représentants de la société civile engagés dans ce combat titanesque, est mobilisé à plus d'un titre depuis de longs mois. Qu'il s'agisse de rappeler les enjeux et les défis mais aussi et surtout les opportunités, d'argumenter ou de contribuer à des plaidoyers, d'échanger avec des délégués ou des représentants des institutions internationales, le temps est à la mobilisation générale pour que Doha ne soit pas un nouveau témoignage de l'incapacité de la communauté internationale à répondre aux défis et aux enjeux auxquels nos sociétés sont confrontées. Doha ne pourra vraisemblablement pas répondre à toutes les questions mais il nous appartient de faire en sorte que les choses avancent dans le bon sens et que la marche arrière ne puisse pas être une option.
Stéphane POUFFARY, ENERGIES 2050 pour l'IEPF à Doha, le 25 novembre 2012
[COP18-climat]