Coordination du numéro : Damien Conaré (Chaire Unesco Alimentations du monde/Montpellier SupAgro, France), Steve Déry ([VertigO]/ Université Laval, Canada), Patrick Mundler (Université Laval, Canada), Pascal Thériault (Université McGill, Canada) et Eric Duchemin ([VertigO]/UQÀM, Canada)
[VertigO] - La revue électronique en sciences de l'environnement prépare un nouveau dossier qui paraîtra en mai 2014. Pour ce dossier, nous recherchons des analyses et des recherches sur les thèmes de l'agriculture et de la sécurité alimentaire.
La malnutrition et l'insécurité alimentaire touchent 870 millions de personnes (FAO, 2012) avec une aggravation de la situation dans certaines parties du monde, principalement en Afrique. Pourtant, une grande majorité de ces populations vivent encore en milieu rural, d'où le rôle essentiel que peut jouer l'agriculture, tant pour améliorer les disponibilités alimentaires que pour générer des revenus. En outre, avec une urbanisation croissante et une présence accrue de l'insécurité alimentaire dans les villes, il apparait important de revoir le système alimentaire ou la production afin de fournir à ces populations un accès adéquat aux denrées alimentaires de qualité.
" La sécurité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine " (Sommet mondial de l'alimentation, 1996). Si cette définition de la sécurité alimentaire prend en considération la disponibilité de l'alimentation, elle met aussi en évidence les liens entre la faim et la pauvreté ou les facteurs sociaux. Pour certains observateurs pourtant, la question de la sécurité alimentaire est plus politique et doit permettre de questionner tant les pratiques agricoles, que la gouvernance de l'agriculture ou celle des marchés des terres agricoles (Rousseau et al., 2009[1]). Les objectifs de sécurité alimentaire imposent également de tenir compte des enjeux de préservation des ressources naturelles et du capital productif. Comme le note le Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation (De Schutter, 2010[2]), si le réinvestissement dans l'agriculture apparait essentiel pour la réalisation concrète du droit à l'alimentation, celui-ci doit se faire en prenant en considération les contextes de crise écologique, alimentaire et énergétique.
Les enjeux actuels liés au développement agricole et à la sécurité alimentaire sont donc vastes, complexes et nombreux : la volatilité des prix agricoles ; la forte croissance de la demande urbaine sur fond de globalisation des échanges dans un contexte parfois de transition agraire (comme dans certains pays asiatiques, cf. De Koninck, 2004[3]) ; la dégradation accélérée des ressources naturelles sur lesquelles reposent certaines agricultures au Nord comme au Sud ; la libéralisation progressive des marchés agricoles et la diminution de capacité d'intervention des États pour définir et mettre en oeuvre des politiques agricoles ; la montée en puissance de l'investissement agro-industriel privé ou issu de fonds souverains ; mais également les dynamiques d'innovation techniques ou organisationnelles visant à inventer des nouveaux systèmes alimentaires durables.
Ainsi, dans le cadre de ce dossier, le comité formé par les rédacteurs associés est à la recherche de textes qui questionnent le système alimentaire dans une perspective transversale de sécurité alimentaire. Cette trame de fond s'appuie sur la représentation classique de ce qu'est un système alimentaire : " un réseau interdépendant d'acteurs (entreprises, institutions financières, organismes publics et privés) participant directement ou indirectement à la création de flux de biens et services orientés vers la satisfaction des besoins alimentaires d'un groupe de consommateurs dans un espace géographique donné " (Rastoin, 1996[4]). Cette représentation du système alimentaire englobe donc tout le cycle de l'alimentation, allant de la production agricole à la consommation alimentaire. Elle prend également en considération l'aspect multidimensionnel des enjeux mentionnés ci-dessus, tels que les dimensions sociale, culturelle, économique, environnementale, politique, géographique, voire même géopolitique ou juridique de l'alimentation. Elle renvoie au fond à la réalité du monde agricole d'aujourd'hui, comprise dans une perspective de sécurité alimentaire et de droit à l'alimentation pour tous ; et encourage à ce que les défis sociaux, environnementaux et économiques de la production agricole et de la consommation alimentaire soient articulés.
La thématique pourra plus précisément être abordée selon quatre entrées complémentaires :
La sécurité alimentaire comme question socialeLa faim et l'insécurité alimentaire touchent encore un sixième de la population mondiale et cette population est principalement rurale. Si de nombreux observateurs s'accordent à dire que l'agriculture est une activité d'avenir, les agriculteurs restent marginalisés dans de nombreux pays, lorsqu'ils ne sont pas tout simplement évincés de l'accès au foncier par une course constante aux gains de productivité. En outre, les enjeux agricoles sont de plus en plus des défis de société, sans compter que l'autonomisation des populations, la prise en charge du pouvoir productif et de distribution par les citoyens, la solidarité ville-campagne jouent un rôle important dans la mise en place d'une sécurité alimentaire citoyenne. A cet égard, le comité éditorial souhaite des contributions susceptibles d'éclairer la diversité des agricultures et permettant d'analyser leur capacité à répondre aux enjeux sociétaux d'un développement agricole durable. Quels rôles respectifs peuvent jouer les agricultures industrielles, familiales ou de subsistance dans l'atteinte de la sécurité alimentaire ? La contribution au développement au sens large des différents types d'agriculture reste très discutée et mérite une attention renouvelée.
L'économie de la sécurité alimentaireQu'on le déplore ou non, la question alimentaire reste une question économique, et ce à toutes les échelles géographiques. Les politiques agricoles (ou leur absence), les investissements publics et privés, la libéralisation des marchés des matières premières agricoles, ont un impact sur les prix de l'alimentation et peuvent, selon les cas, provoquer ou résoudre les risques de crise alimentaire. Dans le cadre de cet axe du dossier, le comité éditorial sera attentif aux analyses permettant de mettre en lumière comment la diversité des agricultures et des systèmes alimentaires (de l'agro-industrie mondiale aux systèmes alternatifs locaux), peuvent jouer un rôle dans la construction d'une économie agricole viable pouvant répondre aux besoins alimentaires de tous. Des propositions traitant du droit à l'alimentation (disponibilité, accessibilité, valeur), de la question de la souveraineté alimentaire, ou de celle du rôle respectif des marchés et des politiques supranationales, nationales et régionales seront également bienvenues.
Les ressources de la sécurité alimentaireUne activité agricole durable qui permettra la sécurité alimentaire des populations ne peut se passer d'une réflexion sur l'utilisation des ressources naturelles essentielles à l'activité agricole. A l'heure où la concurrence pour l'accès à l'eau et au foncier se renforce, dans le cadre de cet axe " ressources " du dossier, des textes portant sur la préservation et ou l'usage soutenable des ressources naturelles par l'agriculture sont les bienvenus. Cette question des ressources peut être considérée selon deux logiques : celle de l'usage (usage de l'eau, des sols, de l'énergie, etc.) par l'agriculture selon des modes divers liés aux types d'agriculture pratiquée ; et celle des risques épidémiques ou d'occurrence de crises alimentaires liées aux modifications des conditions écologiques de production (changement climatique, affaiblissement de la biodiversité, salinisation des réserves aquifères, etc.). Ces deux logiques sont plus ou moins bien prises en compte dans les politiques agricoles ou dans les politiques d'aménagement. Elles donnent lieu par ailleurs à des initiatives variées et à des échanges de pratiques et de savoirs concernant la transition vers des systèmes d'agriculture économe en ressources.
La gouvernance de la sécurité alimentaireDans le cadre de ce quatrième axe du dossier, le comité éditorial choisira des recherches offrant des éclairages concernant les enjeux et les défis entourant les politiques alimentaires et de développement agricole mises en oeuvre à différentes échelles territoriales et visant la sécurité alimentaire. Le comité cherche aussi à renseigner les conséquences de la fragmentation de la gouvernance globale de la sécurité alimentaire. En effet, si les enjeux de sécurité alimentaire semblent partagés par de nombreuses institutions (FAO, FIDA, PAM, Banque mondiale, OMC, PNUD, Unicef, etc.), l'examen de leurs projets montre qu'elles s'opposent souvent sur les priorités et même sur les conceptions de ce que doit être la sécurité alimentaire. A l'approche humaniste des Nations Unies portée notamment par le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, répond souvent la logique implacable des organisations issues de Bretton Woods qui ne semblent pas entrevoir d'autres solutions que celles offertes par la dérégulation des marchés. Les inquiétudes récentes sur la capacité de l'agriculture à nourrir le monde ont entraîné un regain d'intérêt pour les investissements et le développement agricoles, mais les modèles proposés restent pour le moment en opposition et ne semblent pas pouvoir cohabiter. Les articles explorant tant les modèles d'action publique que les modèles de développement agricoles prônés sont encouragés.
[VertigO] acceptera aussi quelques contributions de type "Débats et Perspectives". Ces textes doivent être de courts textes (moins de 3000 mots) soulevant et questionnant des concepts, des notions, des approches méthodologiques, et ce, afin de mettre la table pour des Débats. Des textes peuvent aussi être soumis dans la section "Regards et Terrain" sur ce thème. Cette section s'adresse aux interventions innovatrices sur le terrain afin de favoriser un partage d'expériences, d'approches pratiques et de cas gagnants.
ÉchéancierSauf pour les dates du 15 juin et du 30 septembre, l'échéancier est fourni à titre indicatif.
Les propositions (résumés et textes complets) sont soumises par courrier électronique à l'une ou l'autre des deux adresses suivantes : vertigoweb@sympatico.ca ou eric.duchemin@editionsvertigo.org
Vous pouvez aussi nous faire parvenir d'autres propositions de textes pour les différentes sections de la revue. La revue accepte la soumission de textes scientifiques en tout temps.
Vous pouvez aussi nous faire parvenir en tout temps des propositions de textes pour les sections " Débats et Perspectives ", " Regards sur le monde " et " Lectures ".
[1] Rousseau, J.-F., et al. (dir.) (2009) Une seule terre à cultiver. Les défis agricoles et alimentaires mondiaux. Québec, Presses de l'Université du Québec.
[2] De Schutter, O. (2010) Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, Nations Unies A/HRC/16/49.
[3] De Koninck, R. (2004) The Challenges of the Agrarian Transition in Southeast Asia. Labour, Capital and Society(37): 285-288.
[4] Rastoin J.-L. 1996. Dynamique du système alimentaire français, Agroalimentaria n°3.
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07/10/24 à 12h30 GMT