Par Chantal Gailloux
GaïaPresse
Le prochain Sommet de la terre, Rio + 20, portera sur deux thématiques majeures: la gouvernance et l'économie verte.
La société civile québécoise, rencontrée lors d'une journée de consultation à Québec à la fin novembre, a produit une liste de recommandations à l'intention des dirigeants des pays qui se rencontreront du 20 au 22 juin prochain, au Brésil.
Réunis grâce à l'intervention du Réseau canadien de l'environnement (RCEN), quinze intervenants issus des milieux universitaire et communautaire, de même que des environnementalistes, disent que c'est trop peu, trop tard. " On est vraiment en retard par rapport à 1992 ", clament ensemble les participants de la consultation civile en prévision de Rio+20.
" On est en retard, une négociation plus active aurait dû avoir lieu comme en 1992. Une demi-journée pour discuter d'enjeux aussi globaux, c'est trop peu ", lance Christian Simard, directeur de Nature Québec, qui avait participé aux consultations préparatoires pour Rio il y a 20 ans. " En 1992, le processus préparatoire s'était étendu sur un an; les rapporteurs [des consultations comme celle d'aujourd'hui] pouvaient faire des allers retours entre les propositions du gouvernement et le conseil d'administration de leur organisme. Il y a donc un grand retard ", conclut-il.
Quelles revendications pour la gouvernance et l'économie verte?
La gouvernance et l'économie verte, les deux principales thématiques de la conférence mondiale de Ri0+20, comportent chacune leur lot de défis. Les quelque 500 traités et accords multipartites en droit international qui doivent être cohérents et coordonnés permettent d'entrevoir la complexité des enjeux de la gouvernance. En ce qui a trait à l'économie verte, malgré la publication d'un rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) intitulé " Vers une économie verte - Pour un développement durable et une éradication de la pauvreté - Synthèse à l'intention des décideurs " en prévision de Rio+20, le " comment " de la transition économique demeure encore difficile à cerner. Se dirige-t-on vers une économie de technologies plus écologiques pour une " croissance verte " ou plutôt vers une économie écologique nécessitant un changement de paradigme de consommation et de production?
Malgré le défi de la consultation, une première recommandation semble s'être imposée d'elle-même : impliquer davantage les provinces dans les processus de consultation et mieux les représenter au sein de la délégation canadienne à Rio+20. Comme le souligne Paule Halley de la Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement (CRCDE) de l'Université Laval, en vertu de la Constitution du Canada, les compétences les plus importantes en matière d'environnement reviennent de toute façon aux provinces.
Aucune autre recommandation n'a été formellement approuvée en cet après-midi du 22 novembre à Québec. Un rapport sera préparé par la rapporteuse et organisatrice de la consultation, Anne Beaulieu, du Secrétariat des organismes environnementaux du Québec. La discussion abondante et diversifiée a mis en évidence les points et propositions suivants :
Gouvernance
Centraliser ou décentraliser la gouvernance de l'environnement?
Création d'une agence spécialisée de l'environnement, au même titre que l'Organisation internationale du Travail (OIT) ou encore imbriquer un service de l'environnement à tous les organes supranationaux existants. (Discuté par les parties présentes, pas de réponses précises)
Coercition ou souplesse des organes internationaux au sujet des inégalités Nord-Sud?
Il a été recommandé que le cadre législatif exigé par les négociations internationales (obligation des conventions internationales, par exemple) soit plus rigide pour ralentir la course vers le plus bas dénominateur commun des pays pollueurs et industrialisés tout en respectant le droit au développement des pays en voie de développement. (Proposition commune des parties présentes)
Principe de non-régression
Paule Halley du CRCDE propose que soit instauré un Principe de non-régression en droit international de l'environnement. Ce principe s'appliquerait au pouvoir des organisations internationales de manière à ce que les obligations et normes ne puissent pas régressées. (Voir la 1re recommandation de Limoges, la 3e réunion mondiale des juristes en environnement dans leurs recommandations à l'ONU)
Principe de précaution
Les entreprises ont le fardeau de montrer quelle est la portée socio-économique et environnementale du développement des projets proposés. (Par Paule Halley, CRCDE)
Transparence et droit à l'information
Signer la convention internationale sur l'accès à l'information (2e recommandation de Limoges) pour favoriser une plus grande transparence des multinationales. (Par Paule Halley, CRCDE)
Demander aux dirigeants de ne pas jouer avec les mots, de parler de manière précise et de mesurer les éléments appropriés. (Par Paule Halley, CRCDE)
Économie verte
Message positif et pouvoir d'action
Jean Robitaille de la CSQ explique qu'il est nécessaire d'insister sur un message positif; c'est un devoir nécessaire pour offrir un pouvoir d'action aux citoyens dans la lutte aux problèmes environnementaux.
Christian Simard de Nature Québec affirme qu'" il faut relayer la forte inquiétude de la population civile quant au déséquilibre du pouvoir économique qui conditionne les politiques publiques ".
Pouvoir d'action
Décroissance économique? Il faut appuyer les actions de consommation locale, explique Estelle Richard des AmiEs de la Terre.
Indicateurs économiques
Développer des indicateurs clairs de l'économie verte afin de définir les limites de la " croissance verte " -- le PIB n'est pas approprié; il faut penser à remplacer le produit intérieur brut (PIB) par l'Indice du progrès véritable. (Proposition commune)
Économie réelle
Intégrer les externalités et les coûts environnementaux pour représenter avec plus de légitimité les gains et les pertes. (Proposition commune)
Pendant cette consultation, aucune réelle discussion ne s'est amorcée entre les intervenants environnementalistes et les trois observateurs gouvernementaux du ministère des Relations internationales et du ministère du Développement Durable, de l'Environnement et des Parcs. Au-delà des quelques réponses d'ordre techniques, les fonctionnaires n'ont rien divulgué au sujet des documents officiels pour Rio+20. " La position québécoise est en élaboration, aucun document n'est prêt à être diffusé, explique Luc Vézina, directeur du bureau de coordination du développement durable du MDDEP, en rappelant de ne pas se fier au document préparé par les parties fédérées du réseau international NRG4SD intitulé Subnational Governments : Key Actors in the Transition to a Green Economy.
La consultation finale où seront mises en commun les conclusions des dix consultations préparatoires canadiennes se tiendra à Ottawa au début 2012 (la date est indéterminée pour l'instant).
Les participants à la consultation civile Rio +20 à Québec :
Organisatrice et animatrice déléguée par le RCEN
> Anne Beaulieu, Secrétariat des organismes environnementaux du Québec
Groupes environnementaux invités
> Alexandre Turgeon, Conseil régional de l'environnement Capitale nationale
> Bruno Massé, écrivain engagé (par téléphone)
> Cédric Chaperon, Regroupement national des Conseils régionaux de l'environnement du Québec
> Christian Simard, Nature Québec
> Claudia Bennicelli, Vivre en Ville
> Élyse Arcand, Regroupement des groupes de femmes (par téléphone)
> Estelle Richard, Les AmiEs de la Terre
> Jean Robitaille, Centrale des Syndicats du Québec
> Jean-Éric Turcotte, Stratégie Saint-Laurent
> Jocelyne Néron, Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société
> Maude Prud'homme, Réseau québécois des groupes écologistes (par téléphone)
> Michel Leclerc, Les AmiEs de la Terre
> Paule Halley, Faculté de droit de l'Université Laval, Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement
> Xavier Mericer-Méthé, Accès transports viables
> Yan Turgeon, Objectif Terre, Université Laval
> Chantal Gailloux, GaïaPresse
Observateurs
> Luc Vézina, directeur du bureau de coordination du développement durable au ministère du Développement Durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP)
> Naomi Verdon, MDDEP
> Vincent Royer, Coordonnateur aux changements climatiques à la Direction des organisations internationales du ministère des Relations internationales
Informations complémentaires - Documents à consulter :
Source: GaïaPresse
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