De la nourriture biologique locale à petit prix dans nos institutions (écoles, hôpitaux, résidences…) : «c’est possible !» C’est ce que nous expliquent les intervenants de la conférence « Du bio local dans nos institutions : apprendre des modèles danois et américain », qui s’est tenue le mercredi 5 septembre à la Maison du développement durable. Ils citent les facteurs de succès suivants : volonté politique de changement, engagement des décisionnaires institutionnels, accompagnement à la transition, et reconnaissance des efforts accomplis.
Cette conférence organisée par la Maison du développement durable, en collaboration avec Équiterre et Nourrir la santé, rassemblait deux expertes locales ainsi qu’un spécialiste danois et un gestionnaire américain venus exposer les modèles employés par ces deux pays, dont les institutions sont à l’avant-garde dans le domaine de l’alimentation biologique.
Selon la Canadienne Beth Hunter, directrice du programme Nourrir la Santé à la Fondation McConnell, l’alimentation est un enjeu de santé publique majeur au pays : le taux de maladies chroniques augmente de 14% chaque année, et représente 67% des frais de soin de santé. Une mauvaise alimentation fait souvent partie des causes de ces maladies.
Elle décrit un nouveau système de repas mis en place dans 6 hôpitaux du Canada, dont le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine. Dans ce nouveau modèle, les patients peuvent choisir leur menu, qui est ensuite préparé sur place et apporté dans leur chambre 45 minutes plus tard. Grâce à cette approche qui redonne sa place au bien manger, le taux de satisfaction des patients augmente significativement. De plus, ce changement de régime permettrait selon Mme Hunter de remettre les patients sur pied plus rapidement, car « les séjours à l’hôpital sont de 2 à 3 jours plus longs lorsque les patients sont mal nourris ».
Murielle Vrins, Chargée du projet « alimentation institutionnelle » à Equiterre, travaille depuis 15 ans avec des institutions dans toute la province (CPE, écoles, établissements de santé, universités, etc.) pour augmenter la part d’aliments locaux et biologiques compris dans leurs menus. À l’heure actuelle, plus de 70 institutions participent à la démarche, totalisant plus de 15 000 repas par jour. Parmi les actions qu’elle mène : faciliter l’approvisionnement local et bio par la mise en relation des institutions avec des producteurs et l’apport de connaissances sur ces produits, sensibiliser la clientèle et les gestionnaires des services alimentaires et faire la promotion de ces initiatives pour encourager d’autres institutions à se lancer. Ainsi, Aliments du Québec et Equiterre ont lancé un programme de reconnaissance pour les institutions qui cuisinent leurs plats avec des aliments produits au Québec. Elle ne nie pas l’obstacle économique, mais le tempère en citant la baisse du prix des aliments locaux, et l’exemple du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, pour lequel l’introduction de cette gestion a permis de réaliser des économies en réduisant le gaspillage alimentaire.
Jens Kondrup, ancien médecin en nutrition clinique et membre de la corporation des hôpitaux de Copenhague (Danemark) explique que dans les institutions de la ville, 90% des aliments consommés sont biologiques. Ce résultat a été obtenu grâce à des interventions dans les cuisines, et grâce aussi une volonté politique, car la mairesse de Copenhague s’est beaucoup impliquée dans le projet. Le processus de conversion a eu lieu sur une durée de 10 ans : pour remplacer 100% des produits par du bio en limitant l’explosion des coûts, il a fallu ajuster d’autres variables, telles que le choix des coupes et les quantités de viande, la restriction aux légumes et fruits de saison, une meilleure gestion des stocks, et la préparation des aliments à partir de zéro au lieu d’acheter des ingrédients préparés. Le coût de cette conversion n’a pas excédé 1 million de dollars par an.
Skip Skivington, de la compagnie d’assurances américaine Kaiser Permanente, expose lors de son intervention le modèle choisi pour les 39 hôpitaux gérés par son entreprise. Dans le cadre du programme « partnership for a healthier america » lancé par Michelle Obama, l’approvisionnement alimentaire s’est davantage tourné vers des produits certifiés biologiques. Le changement n’a pas coûté si cher car le prix des produits bio a tendance à descendre, puisque de plus en plus de fermiers se tournent vers ce mode de production. Selon lui, plus les institutions s’approvisionnant en produits bio et locaux seront nombreuses, plus les producteurs seront en mesure d’offrir ces produits à moindre coût. Il ajoute qu’il paraît évident qu’une meilleure alimentation participe à un prompt rétablissement des patients – et donc à leur permettre de sortir de l’hôpital plus rapidement. Ainsi une saine alimentation dans les hôpitaux, en plus d’améliorer le confort des patients, permettrait de diminuer les coûts des soins de santé.
Ces différentes interventions dressent le portrait d’une transition bénéfique d’un point de vue social et environnemental, qui peut s’effectuer à coûts minimes si l’approvisionnement et la transformation sont bien gérés, et dont le prix ira en s’amoindrissant au fur et à mesure que la proportion de producteurs certifiés bio augmentera. Le mot de la fin ? « en cette période électorale, interpellez vos candidats sur cette question ! », a recommandé l’une des intervenantes.
Voici un lien vers la vidéo de la conférence, disponible dans son intégralité : https://lamdd.org/actu/2018/bio-local-nos-institutions-apprendre-modeles-danois-americain
À propos de l’auteure : Bérénice La Selve est étudiante à la maîtrise en environnement à l’université de Montréal et elle se passionne pour les questions de gestion des matières résiduelles et d’alimentation.
Photo : Yves Ouellette / Maison du développement durable
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