L’aménagement du territoire, comme le montre Samuel Pierre (2013)[1], est une discipline qui traite des enjeux liés à l’organisation de l’espace et au développement des régions. Il formalise le processus de prise de décisions relatives à la gestion des ressources en considérant les acteurs et les facteurs qui interviennent dans ce processus aux échelles locales, régionales et nationales. Ainsi, comprenons-nous que le but, en matière d'aménagement du territoire, serait de répondre aux besoins des populations concernées tout en respectant les principes de développement durable et d’équité entre les régions et les grands centres urbains.
Par ailleurs, si les pays sont nombreux dans le monde à entreprendre des dispositifs pour favoriser une meilleure organisation de leurs espaces et une meilleure utilisation des ressources afin de mieux agencer les services dans l’intérêt des populations, dans le cas d’Haïti, la situation reste toujours une importante préoccupation. L’organisation de l’espace et les ressources disponibles dans le pays ne permettent pas à la population d’avoir accès aux services sociaux de bases comme l’accès à l’électricité, aux soins sanitaires, accès à l’eau, etc. En effet, l’eau représente, partout dans le monde, l’enjeu vital auquel l’humanité toute entière est confrontée. En Haïti, la concentration des services, la bidonvilisation, les constructions anarchiques dans une grande partie de l’espace Métropolitain de Port-au-Prince crée d’énormes problèmes en matière d’accès à l’eau et aux divers autres services. Le problème d’accessibilité à l’eau est d’une très grande importance au niveau de la région Métropolitaine de Port-au-Prince que personne ne peut se permettre d’ignorer. En effet, cela peut être considéré comme étant une piste permettant de questionner davantage les problèmes qui nous attendent en ignorant l’importance des dispositifs en matière d’aménagement du territoire en Haïti. Avec l’application des dispositifs d’aménagement du territoire, on pourra mieux desservir la population en matière d’accès aux services de bases tout en donnant lieu à une meilleure organisation de l’espace du territoire national. De plus, cela ne va pas se faire en absence d’un véritable plan de développement soutenable pour décongestionner les espaces urbains, entre autres la Métropole de Port-au-Prince, et permettre l’accessibilité aux services qui sont très difficiles à atteindre, par exemple pour les milliers de gens habitant au flanc du morne Hôpital. Le développement des espaces économiques d’accueil au niveau des provinces pour attirer la population des espaces surpeuplés et concentrés de Port-au-Prince peut aussi faciliter l’accès aux services dans le pays.
En effet, depuis les périodes qui ont suivi les guerres de l’indépendance de 1804, s’est constitué dans le pays des problèmes environnementaux de toute sorte. Au fil des années, des dispositifs ont été mis en place pour essayer d’intervenir dans une perspective d’aménager les espaces, ressources et services. En 1960, il a été observé un certain effort en matière d’aménagement du territoire dans le pays. Comme le montre Samuel (2013), cet effort est parti du constat que le pays était aux prises avec un schéma d’aménagement monopolaire qui faisait de la capitale, Port-au-Prince, le seul centre d’activités important du pays, avec pour conséquences l’accroissement des disparités entre les principales villes du pays et une migration intensive vers la capitale. À cet effet, sont apparues deux grandes préoccupations. Il s’agit, d’une part, de la nécessité de régionaliser le pays et, d’autre part, de prendre des dispositifs en matière de décentralisation et de planification du territoire du pays.
Dans cette même perspective, il a été créé en 1963 le Conseil National de Développement et de Planification (CONADEP). Le CONADEP est devenu dans les années 1976 la Direction de l’Aménagement du Territoire et de la Protection de l’Environnement (DAPTE) qui a été renommée plus tard en « Unité d’Aménagement du Territoire ». En plus, en janvier 2009, le Comité d’Aménagement du Territoire (CIAT) va faire son apparition avec pour mission de définir la politique du gouvernement en matière d’aménagement du territoire, de protection et de gestion des bassins versant, de gestion de l’eau, de l’assainissement, de l’urbanisme et de l’équipement. Il s’agit, donc, d’une institution qui a été créée en réponse à un constat alarmant et à la nécessité d’actions cohérentes et coordonnées en matière d’aménagement du territoire. Les priorités du CIAT se sont tournées autour de l’équilibre du territoire national en diminuant le poids de Port-au-Prince, de l’arrêt du processus de dégradation de l’environnement afin de sortir le pays de son état d’extrême vulnérabilité aux aléas naturels et de la réduction de la pauvreté extrême et les inégalités sociales. Par contre, comme le montre Samuel P. (2013), l’adoption et la pratique d’une bonne gouvernance demeure une condition à ses priorités sur le plan environnemental et en matière d’aménagement du territoire.
En effet, dans la région Métropolitaine de Port-au-Prince, l’explosion urbaine s’est accompagnée de la prolifération des bidonvilles et des dégradations des conditions de vie des habitants. Le service public d’eau potable, très déficient s’est doublé de formes multiples d’alimentation en eau (Véronique, 1999)[2]. Le rapport[3] de l’atelier de travail du 15 décembre 2009 de la DINEPA et de l’Île de France, portant sur la thématique « Eau et Assainissement en Haïti », montre de façon claire les défis auxquels le pays se trouve confronté. Outre les indicateurs socio-économiques particulièrement bas, il affiche des taux d’accès à l’eau et à l’assainissement alarmants. 42 % de la population n’ont pas accès à l’eau potable et 68 % de la population ne dispose pas d’accès à l’assainissement.
En se basant sur différents travaux de recherches consultés sur la thématique, sur différentes observations et interventions réalisées dans la région Métropolitaine de Port-au-Prince, nous avons pu, dans un premier temps, comprendre qu’une grande partie de la population, même quand elle se trouve au niveau de l’espace Métropolitain de Port-au-Prince, n’a pas l’accès à un ensemble de services sociaux de base dans son environnement. Par ailleurs, l’accès à l’eau reste, au niveau de ces communautés, l’un des plus graves problèmes auxquels les personnes sont confrontées. Pour en avoir accès, les gens doivent de déplacer sur de longues distances et dans de très mauvaises conditions de déplacement. Toute cette situation attire notre attention en tant que chercheur. Cela nous pousse à nous engager dans un processus de compréhension en profondeur de la situation afin d’arriver à dégager une alternative dans le domaine de l’aménagement du territoire du pays, non seulement pour le bien-être de tous les citoyens haïtiens, mais aussi pour celui des citoyens du monde entier.
Frantzso ALEXANDRE
Travailleur Social et Éducateur
[1] Samuel Pierre dans son article « Haïti et Perspectives », Volume 2, Numéro 2, publié en été 2013.
[2] VERDEIL, Véronique (1999). « De l’eau pour les pauvres à Port-au-Prince, Haïti », Mappemonde, Vol. 55, no 3.
[3] GERARD, Sounia ; VINCENT, Dussaux (2009). Eau et assainissement en Haïti : reforme sectorielle et développement de la coopération décentralisée et non gouvernementale, rapport de la rencontre du conseil régional Ile de France et DINEPA.