Comme disait l’ancien président des États-Unis Dwight D. Eisenhower, « les plans ne sont rien, c’est la planification qui compte ».
Cela aurait pu être le slogan de la Singapore Urban Week, qui a réuni quelque 200 responsables municipaux et urbanistes du monde entier autour d’une question primordiale : comment planifier des villes plus durables ?
Connue pour son souci du renouvellement urbain, Singapour constitue sans aucun doute une excellente synthèse de ce qu’est une planification tournée vers l’avenir. Venue d’Afrique du Sud, et plus précisément de la ville de Johannesburg, où elle dirige le département de planification du développement, Yondela Silimela se dit particulièrement frappée par la capacité de Singapour à mettre au point des plans extrêmement bien articulés pour les décennies à venir.
« Il y a là de réelles leçons à retenir pour Johannesburg, notamment l’importance d’avoir une vision à long terme et de s’y tenir. C’est quelque chose que nous avons beaucoup de mal à faire », explique-t-elle, ajoutant que la difficulté dans sa ville consiste notamment à intégrer les populations pauvres dans la planification à long terme, afin qu'elles reçoivent leur juste part des dividendes du développement urbain. Et d’insister aussi sur la nécessité de mettre en place des systèmes de gouvernance qui permettent de s’assurer que les plans continuent d’avancer.
Johannesburg fait partie de la Plateforme mondiale pour des villes durables (GPSC), un programme de gestion et de partage de connaissances lancé durant la Singapore Urban Week.
Avec 24 villes participantes dans 11 pays et le soutien de plusieurs partenaires de développement (Banque africaine de développement, Banque islamique de développement et plusieurs agences des Nations Unies), cette initiative regroupe des projets urbains au sein d’une seule et unique plateforme et favorise une approche intégrée du développement des villes qui accorde la même importance à la planification, au financement et à la mise en œuvre.
De fait, Sanjay Kumar, commissaire au plan pour la ville indienne de Bhopal — 2,3 millions d’habitants, un étalement urbain important et une pénurie de logements abordables — fait face à des difficultés sur ces trois fronts. Mais, selon lui, du point de vue du développement durable, la planification et la mise en œuvre, de même que l’intégration des deux, constituent des problèmes plus difficiles à résoudre que le financement.
« Bâtir des infrastructures ne résoudra pas le problème et ne conduira pas à un développement durable. Nous devons absolument avoir une approche intégrative », souligne-t-il. Si sa ville pouvait accéder à des indicateurs et des bases de référence, elle pourrait plus facilement déterminer comment passer à l’étape suivante. C’est précisément ce que fournit la nouvelle plateforme. « Ce forum nous a aidé à voir quels types d’indicateurs et de données pourraient aider nos villes », ajoute Sanjay Kumar. La plateforme fournit aussi des indicateurs de diagnostic qui aident les urbanistes à mieux appréhender les causes structurelles des évolutions dans la ville.
Pour Datuk Zainel Bin Hussin, maire de Melaka, une ville de Malaisie qui aspire à suivre une trajectoire de développement plus durable, la plateforme est aussi synonyme de financements. Les transferts des administrations centrales aux villes sont souvent insuffisants, explique-t-il. « Ils apportent un soutien, mais ça n’est pas suffisant. »
Comment édifier une architecture de financement ? Là encore, on peut s’inspirer de Singapour et de son modèle d’« écosystème ».
« Construire un écosystème, cela signifie que vous avez une entreprise qui s’occupe des infrastructures, des institutions financières qui s’occupent des infrastructures, et aussi des assureurs qui s’occupent des infrastructures », explique Kow Juan Tiang, directeur de la division Environnement et Solutions d’International Enterprise Singapore, l’agence d’État chargée du développement du commerce extérieur de Singapour.
N’en déduisez pas pour autant qu’il faille nécessairement reproduire partout un même écosystème : les solutions doivent être adaptées aux besoins spécifiques de chaque ville.
« Nous ne prétendons pas tout savoir », poursuit Kow Juan Tiang. « Mais nous avons des capacités, un historique, et nous pouvons partager notre expérience. ».
D’autres agences de Singapour partagent également leurs connaissances. L’office de réaménagement urbain (Urban Redevelopment Authority) pourrait proposer prochainement une formation destinée aux responsables municipaux autour du développement des infrastructures vertes.
Pour Yondela Silimela, le fait de permettre aux villes de déterminer elles-mêmes leur trajectoire de développement est effectivement un aspect essentiel. Lorsqu’on lui demande si le fait d’en savoir plus sur les expériences des autres villes se traduit par une certaine forme de compétition, elle répond : « En fin de compte, nous sommes en concurrence, oui, parce que nous essayons d’attirer les investissements. Mais, à mes yeux, il s’agit plus d’une source d’inspiration que d’une réelle concurrence. Si les autres peuvent atteindre ces résultats, nous devrions y parvenir aussi. »
La Singapore Urban Week a été organisée conjointement par le Groupe de la Banque mondiale (Pôle de Singapour pour les infrastructures et le développement urbain), le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et plusieurs agences singapouriennes, dont l’Urban Redevelopment Authority, International Enterprise Singapore et le Center for Livable Cities.