par Tim McSoreley, traduit et adapté par Maude Prud'homme, pour GaïaPresse.
DURBAN, AFRIQUE DU SUD--Le vert est aveuglément présent à Durban cette semaine. Des panneaux publicitaires aux uniformes, il est impossible d'ignorer que cette ville sud-africaine est l'hôtesse de la 17e Conférence des Parties(CdP) de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC).
Le rivière Athabasca, en Alberta, est loin des palmiers et des milliers de délégués qui entament une autre ronde de négociations climatiques de haut niveau. Elle a néanmoins servi à réunir des militant-e-s environnementaux de l'Afrique, de Moyen-Orient et de l'Amérique du Nord autour des sables bitumineux de l'Alberta et des projets semblables autour du globe.
L'évènement annuel qui vise à mettre en lumière les communautés situées en aval des sables bitumineux et les ramifications de ce projet extractif a eu lieu à Edmonton ces quatre premières années. La rencontre a pris de l'ampleur et se tient cette année à Durban, afin de construire des liens avec des communautés de partout dans le monde, particulièrement africaines, qui voient arriver chez eux des projets extractifs non conventionnels semblables.
"Il y a beaucoup de développement en ce moment autour des sables bitumineux, des gaz et du pétrole de schiste et autres projets extractifs", souligne Oliver Meth, un militant écologiste de Durban et membre du comité organisateur de Everyone's Downstream 5 (EDS).
Militants inquiets
Des militant-es de Brazzaville au Congo,, de Madagascar, d'Israël, de l'Ouganda et de l'Afrique du Sud étaient présents pour partager leurs luttes contre les menaces grandissantes affectant la santé humaine, l'environnement et l'eau potable.
Alors que la diversité des participant-e-s témoigne des inquiétudes grandissantes quant aux extractions non conventionnelles, ces enjeux sont relativement récents et " nous avons besoin de plus de conscientisation sur ces projets souligne Meth. " Personne ne parle de ces projets, ", complète-t-il.
Il y a évidemment des différences majeures d'une communauté à l'autre, mais plusieurs personnes font écho aux inquiétudes présentes au Canada depuis près de dix ans, alors que l'impact environnemental des sables bitumineux est devenu plus clair.
" Si l'extraction de 40 tonnes d'huile conventionnelle ne nous a pas apporté de développement économique, les sables bitumineux, avec les impacts qu'ils ont eu au Canada, meilleur exemple du genre, ne nous apporteront rien non plus " mentionne Christian Mounzeo, président de Engagement for Peace and Human Rights de Brazzaville, République du Congo.
Projets sans consultation publique
Depuis 2008, la compagnie italienne ENI a développé une production massive d'énergie qui comprend des plantations de palme, du gaz naturel et un projet majeur d'exploitation de sables bitumineux. La compagnie a annoncé il y a deux mois qu'elle entrerait en phase d'exploration, mais " même s'il n'y a pas encore eu une seule goutte de pétrole d'extraite, l'inquiétude grandit " affirme Mounzeo. " La compagnie n'a pas été claire quant à la façon dont serait effectuée l'étude d'impact environnemental et les communautés n'ont pas reçu d'information de base quant au projet, ni pris part à des consultations publiques. Il y a un problème d'accès à l'information et de participation publique" ajoute-t-il.
Ces constats rejoignent ceux de nombreuses communautés autochtones du Canada qui font appel depuis longtemps au droit au consentement libre et éclairé avant que de tels projets d'extraction ne soient entamés sur leurs terres, que ce soit pour de l'extraction minérale ou d'hydrocarbures, conventionnelle ou non.
D'autres militant-e-s de partout en Afrique ont fait état de situations similaires. Il a aussi été question de corruption étatique, d'instabilité politique et de façons de rendre les multinationales imputables de leurs actes, en soulignant que celles-ci bénéficient de taux d'imposition avantageux et bénéficient des portes tournantes(1).
Responsabiliser les entreprises
En Ouganda, depuis 2000, les militant-e-s environnementaux essaient de faire assumer leurs responsabilités aux compagnies concernant, les infractions aux droits humains, l'évasion fiscale et la dévastation environnementale des abords du lac Albert. Ce lac fait partie du bassin versant du lac Victoria en Afrique centrale, lequel se déverse ensuite dans la partie sud du Nil qui compte parmi les écosystèmes les plus diversifiés au monde.
Bwengue Rajab Yusuf de Nape-Oil Watch Ouganda dénonce le constant changement de présence corporative : de Heritage Oil(Bourse de Toronto) à Tullow Oil (Afrique du Sud) puis à Total (France) jusqu'aux firmes chinoises plus récemment. Cela complique grandement l'obtention de compensations financières. " Qui doit-on poursuivre? " demande-t-il, ajoutant que la corruption des gouvernements rend la tâche encore plus ardue, ceux-ci n'appliquant pas les normes environnementales ou la protection des zones de conservation en vigueur.
" Les résidants du Congo sont quant à eux pris dans une chaîne d'exploration pétrolière, de conflits, de dette, de corruption et de sous-développement " précise Mouzeno.
Si les défis sont partagés, la volonté de construire de nouvelles résistances ancrées dans les communautés l'est aussi. " En Ouganda, cela a pris la forme de Sustainability Schools qui se concentrent sur la construction de la résilience communautaire en offrant des ateliers d'action militante, de recherche et d'enquête" commente Yusuf.
La résistance des femmes
Sorbarikor Demual a décrit comment les femmes Ogoni subissent particulièrement le développement sur leur milieu de vie puisqu'elles cultivent les terres qui sont dévastées par les fuites de pétrole et la pollution chimique. Elles font aussi face aux conséquences extrêmes de la présence militaire et para-militaire qui est envoyée pour combattre les mouvements de résistance. L'usage du viol est fréquent pour les punir de leur engagement dans les luttes locales. Les femmes ont récemment dénoncé les impacts du développement pétrolier et le manque de ressources du peuple Ogoni en prenant la rue, nues. " Cette action témoigne du désespoir et de la magnitude des efforts consentis afin d'obtenir une compensation pour la destruction de leurs terres " précise Celestine Akpobari, qui habite cette région.
Plusieurs considèrent que la rencontre EDS est nécessaire afin de faire contrepoids à la bureaucratique rencontre des gouvernements qui s'amorçait alors au Centre de congrès international de Durban. " Cela donne une chance de se parler dans un langage qui nous appartient, et que nous comprenons " souligne Meth, ajoutant que " les délégué-e-s et représentant-e-s des gouvernements et des ONG internationales qui participent à la CdP 17 sont souvent déconnectés des réalités du terrain, et que d'autres forums sont nécessaires. Nous ne devrions pas être inquiets ou dérangés par la CdP 17 mais nous devons dénoncer l'exclusion des communautés les plus affectées ". Il cite le fait qu'il y a des représentants de la compagnie sudafricaines ESKOM à la table, mais pas de représentation officielle des communautés autochtones.
Plusieurs doutent de l'impact d'évènements de la taille d'Everyone is Down Stream, comme il s'en tiendra beaucoup durant la CdP, mais il est intéressant de souligner que plusieurs délégations majeures ont déjà déclaré qu'elles ne s'attendent pas à la signature d'une autre phase de Kyoto avant 2020.
Tim McSorley, Dru Oja Jay et Maude Prud'homme font partie d'une délégation de six personnes pour la Coop media de Montréal pour couvrir la CdP17 et les évènements parallèles à la rencontre. Pour en savoir plus : http://mediacoop.ca/durban.
(COP17-climat)
17/10/24 à 09h35 GMT