Les océans et les mers couvrant les deux tiers de notre maison, peut-être devrions l’appeler « Planète Eau » plutôt que « Planète Terre », a plaisanté M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. De nombreuses nationalités comme la mienne, a-t-il rappelé, ont une relation particulière avec la mer mais « la vérité est que la mer a une relation particulière avec chacun d’entre nous: elle nous garde en vie ». Cette relation étant plus que jamais menacée, le Secrétaire général s’est attardé sur une donnée: la quantité de déchets plastiques pourrait dépasser celle des poissons d’ici à 2050. La montée des eaux menace des pays entiers, les océans se réchauffent et s’acidifient, provoquant le blanchissement des coraux et réduisant la biodiversité. Les tempêtes et les sécheresses se multiplient. La pêche s’effondre dans certains endroits. Les zones mortes, ces déserts sous-marins asphyxiés par le manque d’oxygène, s’accroissent en superficie et en nombre. Certaines espèces pourraient disparaître dans quelques décennies. Les besoins contradictoires de l’industrie, de la pêche, du transport maritime, de l’exploitation minière et du tourisme créent des niveaux non viables de pression sur les écosystèmes côtiers.
Face à ce diagnostic, le Secrétaire général a constaté que les gouvernements n’utilisent pas les outils à leur disposition dont la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et ONU-Océans. Nous sommes ici pour aller à contre-courant, a-t-il lancé. Nous avons créé ces problèmes, et avec une action décisive et coordonnée, nous pouvons les résoudre. La première chose à faire, selon M. Guterres, est de mettre fin à la dichotomie « artificielle » entre besoins économiques et santé des océans. La conservation et l’exploitation durable des ressources marines sont les deux côtés d’une même pièce. En second lieu, le Secrétaire général a préconisé la promotion d’un leadership politique fort et de nouveaux partenariats qui s’appuient sur le cadre juridique existant. Il a salué les signataires de l’Appel à l’action qui sera formellement adopté cette semaine et prévenu qu’il faut désormais des mesures concrètes, allant de l’expansion des zones marines protégées à la gestion des pêches, en passant par le nettoyage des déchets plastiques et la réduction de la pollution.
Le Secrétaire général a souligné que le travail en cours sur la mise en place d’un cadre juridique pour la conservation et l’exploitation durable de la biodiversité dans des zones se situant au-delà des juridictions nationales est particulièrement important pour l’avenir des océans et de leur biodiversité. Le troisième point, a-t-il poursuivi, est de traduire la volonté politique du Programme de développement durable à l’horizon 2030, de l’Accord de Paris sur les changements climatiques et du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement en des engagements financiers concrets. Quatrièmement, a-t-il dit, nous devons approfondir notre base de connaissances, avec de meilleures données, informations et analyses parce que « nous ne pouvons améliorer ce que nous ne mesurons pas ». Enfin, il faut partager les pratiques et expériences exemplaires car même si la plupart des solutions sont locales, elles ont souvent une portée plus large.
L’ONU a un rôle crucial à jouer, a estimé le Secrétaire général. Pour qu’elle puisse offrir un appui intégré et coordonné à la mise en œuvre des accords historiques de l’année dernière, y compris le quatorzième objectif de développement durable, je suis déterminé, a dit le Secrétaire général, à briser les barrières entre les agences et les programmes et à améliorer ainsi les performances et la redevabilité. Nous mettons déjà en place, a-t-il affirmé, des partenariats avec les gouvernements, le secteur privé, la société civile et autres parties prenantes, et travaillons avec les institutions financières internationales sur des financements innovants. Nous exploitons le pouvoir des mégadonnées, a-t-il ajouté, pour améliorer la base des processus de décisions et la redevabilité. ONU-Océans et l’ensemble du système des Nations Unies continueront à jouer leur rôle de forum pour le partage des informations, le plaidoyer et le développement du droit international, a encore dit le Secrétaire général.
« De ma langue, vous pouvez voir la mer », a dit le Secrétaire général en citant l’écrivain portugais, Vergilio Ferreira. Il y a 1 300 ans, les Suédois circulaient déjà dans la mer Baltique et autour de ce qu’on appelle aujourd’hui Istanbul. Les Fidjiens battaient des records de vitesse dans le Pacifique. Un mythe japonais de la création nous apprend comment l’archipel a été fabriqué par la mer. Un mythe inuit tourne autour de Sedna, la déesse de la Mer. « La mer nous appartient tous », en a conclu le Secrétaire général, prévenant qu’améliorer la santé des océans est un test du multilatéralisme que nous ne pouvons rater. Nous devons résoudre nos problèmes de gouvernance et trouver une nouvelle vision stratégique. À moins de mettre de côté nos intérêts territoriaux et économiques qui ont bloqué les progrès jusqu’ici, nous n’arrêterons pas la détérioration de nos océans. « Renonçons à nos intérêts à court terme pour prévenir une catastrophe mondiale à long terme. » « Conserver les océans et les exploiter de manière durable, c’est préserver la vie elle-même », a conclu le Secrétaire général.
[ODD2030-14]
17/10/24 à 09h35 GMT