COP8 : Vers une Charte foncière régionale au Sahel et en Afrique de l’Ouest
Vers une Charte foncière régionale au Sahel et en Afrique de l’Ouest
1. Introduction
Au sortir du Forum régional sur le foncier Praia+9 à Bamako 2003, les états ouest africains se sont engagés à inscrire leurs actions de développement et de lutte contre la pauvreté et la désertification dans la durabilité à travers la mise en œuvre d’un certain nombre d’orientations, dont l’adoption d’un instrument de politique foncière commune, telle qu’une Charte foncière.
L’idée d’élaborer une Charte sur le foncier rural au Sahel et en Afrique de l’Ouest est liée au caractère crucial que revêt aujourd’hui la question du foncier rural en termes de paix sociale, de promotion des investissements, de lutte contre la pauvreté rurale et d’intégration régionale. En effet, une telle Charte devrait traduire en termes opérationnels et pratiques dans le domaine du foncier les principes de la libre circulation des personnes et des biens et celui du droit d’établissement contenus aussi bien dans la Charte de la CEDEAO que dans celle de l’UEMOA.
Comme tel, «la Charte apparaît donc comme un outil indispensable pour conjurer les périls actuels et poser les éléments fondateurs d’une gestion sécurisée, partagée et durable du foncier et des ressources naturelles au niveau de la sous-région ».
Sur la base des premières réflexions conduites par le CILSS au sortir du forum de 2003, la Charte foncière régionale peut être à l’image de la Charte des Paysans adoptée en 1979 sous l’égide de la FAO à l’issue de la conférence mondiale sur la réforme agraire et le développement rural tenue à Rome en juillet 1979. Elle pourrait être composée d’une Déclaration de Principes et d’un Programme d’Action.
La Déclaration de principes devra s’articuler autour d’orientations théoriques et morales que les différents pays s’engageront à observer dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs politiques, législations et programmes de gestion foncière et de ressources naturelles. Quant au Programme d’Actions, il devra notamment comporter des actions d’appui qui pourraient être mises en œuvre par les principales OIG de la sous-région (CEDEAO, UEMOA, CILSS) avec l’appui des partenaires de coopération internationale en vue de soutenir les pays dans cette entreprise.
La Charte devrait poser les principes fondateurs d’une gestion intégrée et sécurisée du foncier et des ressources naturelles dans la sous-région. Elle pourrait constituer la base pour l’élaboration d’un droit communautaire en matière foncière dans la sous-région, notamment dans le cadre de l’UEMOA et de la CEDEAO. Elle aura à la fois une forte valeur morale et juridique. Adoptée en principe de manière solennelle, elle va constituer un engagement moral fort que les différents Etats se devraient de respecter. Au plan juridique, elle va constituer matière à recours pour les citoyens tant au plan national que sous-régional.
2. Eléments de feuille de route pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une Charte régionale sur le foncier rural au Sahel et en Afrique de l’Ouest
La présente feuille de route issue d’un processus participatif se fonde sur les résultats de l’analyse des rapports faisant l’état de l’évolution des reformes foncières dans les pays depuis la tenue du forum de Praia+9 organisé en 2003 à Bamako au Mali. Elle intègre également les résultats de la synthèse régionale élaborée en 2003.
Analysant les préoccupations foncières de l’heure et prenant en compte les évolutions foncières dans la région et au niveau continental, cette feuille de route se veut un outil consensuel, permettant d’emmener de façon collégiale l’ensemble des acteurs du processus de Praia+9 (pays, partenaires techniques et financiers, OIG, Organisations paysannes etc.) dans une dynamique d’ensemble vers l’élaboration et la mise en œuvre de la charte foncière régionale au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Il s’agit là d’un cadre référentiel, qui détermine les différentes étapes du processus, mais aussi les responsabilités et les engagements des uns et des autres et cela à tous les niveaux (local, national et régional).
2.1. Contenu de la feuille de route
La feuille de route comprend trois principaux axes d’intervention sur un horizon de dix (10) à vingt (20) ans et devant aboutir à terme à la mise en œuvre d’une Charte foncière régionale à savoir :
Phase I - L’appropriation et le pilotage du processus : Cette phase concerne la mise en place des organes de pilotage du processus au niveaux national et régional et le partage du contenu de la feuille de route, entre tous les acteurs, ainsi que la définition des outils de communication autour de la charte. L’objectif est de relancer le processus et d’acquérir les engagements des acteurs clefs et des partenaires techniques et financiers autour du processus.
Phase II - Les concertations autour des enjeux de la charte : Elle concerne la réalisation de diagnostics de la situation foncière dans les pays et d’études des dynamiques foncières au niveau international, l’organisation de consultations nationales dans les pays autour des études diagnostics et des enjeux de la charte assorties d’une concertation régionale. L’objectif recherché est de dégager un consensus à tous les niveaux autour de la charte et de ses enjeux.
Phase III - L’élaboration, l’adoption, la ratification et la mise en œuvre de la charte : Cette phase comporte l’élaboration du projet de charte qui sera soumis à des consultations nationales assorties d’une validation au niveau régional, les processus de ratification par les pays et d’approbation devant les instances du CILSS, de l’UEMOA et de la CEDEAO, ainsi que le processus de mise en œuvre (diffusion, élaboration de plan d’action régional et appui aux pays pour l’application des principes de la charte). L’objectif recherché est de disposer d’un document consensuel accepté par tous, approprié par les acteurs et mis en application.
2.2. Principes de base pour la mise en œuvre de la feuille de route
Au tout au long du processus de mise en œuvre de la feuille de route, une synergie d’actions entre les acteurs, notamment entre le Secrétariat Exécutif du CILSS, l’UEMOA, la CEDEAO, les Etats, les acteurs dans les différents pays et partenaires techniques et financiers qui accompagnent le processus serait indispensable pour une mise en œuvre efficiente de la feuille de route.
La charte foncière régionale, telle que formulée dans la déclaration finale de Bamako 2003, a besoin d’être mieux étayée et mieux développée dans tout son contenu en terme d’approfondissement et d’orientations précises. Ceci devra permettre à tous les Etats parties prenantes d’avoir une compréhension commune et une approche partagée pour faciliter les débats dans les pays sur les enjeux majeurs.
Le processus doit être emprunt de prudence, de progressivité et de flexibilité. Aussi, un horizon temporel de 10-20 ans sera nécessaire pour aller à l’adoption de la charte régionale et sa mise en œuvre .
La mise en œuvre de la feuille de route et le processus d’élaboration de la Charte doivent s’inscrire dans l’optique de la consolidation des acquis de l’intégration sous régionale et le respect des principes et valeurs internationaux acceptés par les Etats et les Organisations sous régionales telles que l’UEMOA et la CEDEAO ;
Partir de « l’existant commun » appartenant à tous les Etats et basé sur les pratiques, les modes de vie et de gestion des peuples de la sous région, les pratiques des Etats et le partenariat, tout en intégrant les dynamiques foncières en cours dans la sous région. ;
Tout au long du processus, des actions importantes de communication doivent être entreprises à tous les niveaux. De même, les acquis au niveau des pays doivent être capitalisés et renforcés aussi bien en matière de décentralisation que dans le domaine foncier.
Le processus d’élaboration de la Charte foncière régionale, au niveau des Etats doit se baser sur des visions prospectives claires qui seront le produit des débats engagés au niveau des Etats sous leur seule responsabilité. En effet, ces débats nationaux devront être libres, et permettre à toutes les Parties prenantes, grâce à une volonté de recherche de consensus, d’aboutir à une clarification des enjeux fonciers et une meilleure définition d’orientations ou de principes directeurs acceptés de tous.
2.3. Stratégie de mise en œuvre de la feuille de route
Elle se fonde sur les recommandations du forum de Bamako 2003 et les instructions des instances statutaires du CILSS et de la CEDEAO ayant approuvé la Déclaration finale de Bamako 2003. A l’atelier de relance du processus en Novembre 2006 à Bamako, tout comme en 2003, le CILSS en tant que porteur de l’initiative Praia+9, a été responsabilisé pour prendre les dispositions nécessaires pour assurer une mise en œuvre conséquente de la feuille de route en collaboration avec les acteurs clefs identifiés depuis le début du processus à savoir l’UEMOA et la CEDEAO.
La stratégie à adopter sera axée sur :
Le partenariat aussi bien aux niveaux local et national, que régional. Dans ce cadre, l’atelier de relance de Novembre 2006 a recommandé la participation et l’implication de tous les acteurs ouest africains ayant démarré le processus depuis Novembre 2003 à Bamako et tous ceux désireux de l’accompagner ;
Les concertations permanentes et le partage de l’information entre tous les acteurs du processus ;
La création de synergie d’actions et la valorisation de l’existant.
En terme de dispositif de mise en œuvre, au regard de l’importance capitale du dossier, l’atelier de relance de Novembre 2006 a prévu un dispositif à deux composantes :
Une composante interne au CILSS chargée de l’animation, de l’opérationnalisation et le suivi régulier et le contrôle des activités. Elle pourra être chargée de :
Elaborer les plans et programmes de travail, les termes de référence et les documents de travail ;
Elaborer et présenter des rapports périodiques d’avancement du programme ;
Organiser les réunions techniques ;
Assurer la circulation de l’information.
Pour les aspects de contrôle, une sous composante sera créée au sein du CILSS, dont le rôle sera de :
Définir les orientations générales pour la mise en œuvre du processus ;
Apprécier les rapports d’avancement et les plans de travail élaborés par le responsable de l’Equipe opérationnelle ;
Valider les documents de base ayant trait aux orientations générales du processus.
Une composante partenariale qui sera un organe de concertation et de pilotage du processus : Il regroupera autour du CILSS les acteurs clefs UEMOA, CEDEAO, ROPPA, Landnet West Africa, CSAO etc. et les principaux partenaires adhérant au processus Praia+9. Cet organe constituera le lieu privilégié de dialogue entre le CILSS et les partenaires accompagnant le processus Praia+9. Il tient lieu d’organe de pilotage et se réunit au moins une fois l’an. Un chef de file pourrait être désigné au niveau du collectif des partenaires pour assurer en rapport avec le CILSS une bonne mise en œuvre des décisions du Comité et une promotion du partenariat en faveur de l’initiative.
[CCD-CDP8]
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