Centrale thermique de Logbaba

Les populations ont raison !

Le bras de fer engagé depuis quelques semaines entre les habitants de Logbaba et la société AES-Sonel, qui a choisi ce quartier pour l’implantation de sa centrale thermique à fuel lourd, entre dans son troisième mois.
L’arrogance et l’arbitraire monopolistiques qui caractérisent la société AES-Sonel dans ses rapports avec les consommateurs sont en grande partie à l’origine de cette guerre de nerfs sur fond de grogne populaire.

Pourquoi le thermique ?
Situé dans la zone industrielle de Douala/Bassa, Logbaba comme la plupart des quartiers de la capitale économique et le reste du pays, a subi et subit encore aujourd’hui, les affres de la plus grave pénurie de l’énergie électrique de l’histoire du Cameroun.
C’est en 2003, sous la pression née du raz le bol des consommateurs, las des rationnements intempestifs de l’énergie électrique, que la société AES-Sonel décide de construire 02 centrales thermiques à fuel lourd et à gaz à Limbe (80Mw) et à Logbaba (150Mw).
Pour produire l’électricité à partir d’une centrale thermique, il faut brûler une grande quantité de combustibles fossiles (gaz naturel, charbon ou fuel qui est un dérivé du pétrole). Une centrale à fuel ou à gaz émet 0,9 tonne de GES (gaz à effet de serre) qui détruit la couche d’ozone et augmente le réchauffement climatique de la planète.
En plus d’être une source de pollution et de nuisances multiformes pour les riverains du site abritant les installations de la centrale, il est établi que le thermique est l’une des technologies de production de l’électricité les plus coûteuses. D’ailleurs, plusieurs pays ont abandonné la thermoélectricité au profit de sources d’approvisionnement en énergie électrique plus propres et moins onéreuses.
Pourtant, d’ici fin 2008, AES-Sonel projette la construction d’une nouvelle centrale à gaz de 200Mw à Kribi dont le coût est évalué à 86 milliards de Fcfa.
Si l’utilisation des centrales thermiques est indispensable pour assurer la satisfaction des besoins en électricité de certains pays, le choix du thermique comme solution d’urgence pour résorber le déficit énergétique au Cameroun est une incongruité. Notre pays possède le deuxième potentiel hydroélectrique d’Afrique Centrale après la République Démocratique du Congo ; Ce potentiel, selon les chiffres du Ministère de l’Energie et de l’Eau est de 19,7Gw pour un productible moyen de 115Twh et moins de 1,5% sont actuellement exploités. AES-Sonel aurait pu privilégier la construction de mini-centrales hydroélectriques par endroit, l’eau qui en est la matière première étant gratuite et disponible.
Lorsqu’on sait qu’il y a un lien direct entre le coût de l’investissement, la tarification et la recherche effrénée de profit à tout prix par AES-Sonel (25% de croissance du chiffre d’affaires en 2004 et 2,435 milliards de Fcfa de bénéfice pour la même période), il faut que les vraies raisons du choix du thermique soient exposées aux consommateurs camerounais !

Une légitime résistance
En décembre dernier, cette société a bouclé, avec l’aide de l’Etat du Cameroun, un emprunt de 170 milliards de Fcfa pour financer son programme d’investissements. Ce financement obtenu avec la caution des pouvoirs publics, de l’aveu même de M. Jean David BILE (directeur général de AES-Sonel), est le plus important jamais accordé à une entreprise privée en Afrique (hors secteur pétrolier).
L’Etat du Cameroun bien que actionnaire minoritaire de AES-Sonel (44% du capital social) continue donc à contribuer de façon substantielle à son financement. L’Etat agit au nom de l’ensemble des usagers de l’électricité.
Les consommateurs camerounais qui sont par ce lien, copropriétaires de AES-Sonel, n’entendent plus laisser cette entreprise continuer à entretenir un flou artistique sur sa gestion et ses choix d’investissements susceptibles hypothéquer leur avenir.
AES-Sonel nous doit des explications !
En obligeant AES-Sonel, unique concessionnaire de fait et de droit du service public de l’électricité au Cameroun, à s’asseoir autour d’une table et à leur dévoiler les contours du projet d’implantation de sa centrale thermique, les habitants de Logbaba ont pris en marche le train de la contestation et de la résistance légitimes face à l’arbitraire et à la duplicité. Ils ont eu raison et méritent le soutien de tous les consommateurs de l’énergie.

BIKIDIK Paul Gérémie
Président du Réseau Associatif
des Consommateurs de l’Energie (RACE)
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