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Parkinson: une maladie professionnelle ?



  • La maladie de Parkinson peut-elle - dans certains cas au moins - avoir une origine professionnelle ? De nombreuses études épidémiologiques tendent à le démontrer en soulignant le rôle joué par l'exposition à des substances toxiques. Toutefois, le débat n'est pas clos, d'autres études démontrant de façon non moins convaincante le rôle des prédispositions génétiques. Si bien qu'un consensus précaire s'établit sur une probable interaction entre ces facteurs, mais aussi sur la nécessité de renforcer les mesures de protection dont doivent bénéficier les travailleurs exposés.

     

    La maladie de Parkinson est probablement l'une des plus anciennes pathologies affectant l'espèce humaine. En effet, on trouve dans de nombreuses sources anciennes, incluant un papyrus de l'ancienne Égypte, la Bible ou encore dans les écrits de Galien des descriptions de symptômes caractéristiques de cette maladie. Il faut toutefois attendre 1817 pour que le médecin anglais James Parkinson publie une description claire et détaillée des symptômes de la maladie qui porte maintenant son nom.  La maladie étant dès lors bien identifiée, de nombreux chercheurs s'y intéressent, permettant de mieux la comprendre. 

    Parmi les grandes avancées, on doit citer la contribution essentielle du Russe Konstantin Tretiakoff qui démontre en 1919 que la principale zone cérébrale touchée est la substance noire (locus niger). Il ouvrit ainsi la voie aux travaux d'Arvid Carlsson sur la dopamine, un neurotransmetteur sécrété par le locus niger et dont la diminution joue un rôle majeur dans la maladie de Parkinson. Une découverte d'une grande portée pratique puisque, comme l'explique fort bien le Professeur Wassilios Weisner, neurologue au CHU de Bordeaux et spécialiste de la maladie de Parkinson, dans une intervention vidéo, " les traitements actuels ont pour objectif de remplacer la dopamine et de diminuer les symptômes de la maladie de Parkinson ". 

    Toutefois, ces découvertes cruciales laissent encore ouverte la question des facteurs provoquant la maladie. Deux grandes catégories de causes sont étudiées par les chercheurs : les causes génétiques et les causes environnementales. Loin d'être théorique, ce débat est crucial puisqu'il implique des politiques de prévention de la maladie différentes, notamment sur le lieu de travail. 

    Comme l'explique l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm),
    " plusieurs pistes sont étudiées : exposition aux métaux lourds, pesticides et herbicides, chocs à la tête (traumatismes crâniens comme chez les boxeurs), micro-infarctus cérébraux, neurotoxines qui pourraient être d'origine virale ". Selon une étude publiée en 2009 par l'Inserm, chez les agriculteurs, l'exposition professionnelle aux pesticides multiplie par 2 les risques de survenue de la maladie de Parkinson. Cette enquête montrait également que le risque augmente avec le nombre d'années d'exposition et qu'il serait principalement lié à des utilisations anciennes d'insecticides organochlorés comme le DDT ou le lindane. Trois ans auparavant, aux Etats-Unis, l'équipe d'Alberto Ascherio de l'École de santé publique de Harvard avait également conclu que l'exposition aux pesticides augmentait le risque de Parkinson de 70%. Selon ce travail publié en 2006 dans Annals of Neurology, 5% des personnes exposées aux pesticides risqueraient d'avoir un Parkinson, contre 3% pour la population générale. 

    Ces observations épidémiologiques ne pouvaient que donner raison à ceux qui, de longue date, souhaitaient que la maladie de Parkinson soit considérée comme une maladie professionnelle. Une cause en partie entendue puisque, en 2006, à l'issue d'un long marathon judiciaire, un ancien ouvrier agricole atteint de la maladie de Parkinson a réussi à faire reconnaître l'origine professionnelle de celle-ci par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bourges. Une reconnaissance qui pourrait un jour être étendue à d'autres catégories professionnelles si les soupçons pesant sur d'autres substances sont confirmés. A titre d'exemple, on peut citer le manganèse, souvent utilisés en soudure... 

    Toutefois, ces enquêtes épidémiologiques n'invalident pas pour autant l'hypothèse d'une origine génétique de la maladie. En effet, l'Inserm souligne également que " plusieurs gènes de prédisposition ont été identifiés, d'abord dans les cas (très rares) de forme précoce de la maladie, survenant avant 50 ans, parfois même avant 40 ans. Mais la forme la plus courante (plus de 95 % des cas) n'a pas encore livré tous ses secrets génétiques ". Une étude pilotée par Suzanne Lesage (2006), chercheuse au laboratoire " Neurologie et Thérapeutique Expérimentale " de l'Inserm soulignait le rôle joué par la mutation du gêne LRRK2 dans le déclenchement de la maladie. Or, " de nombreuses études montrent que la fréquence de la mutation varie considérablement selon l'origine géographique et ethnique des populations étudiées" (consulter les données sur une carte). De quoi souligner qu'au-delà des facteurs environnementaux, les facteurs génétiques jouent un rôle de premier plan dans la maladie de Parkinson. 

     

    Les enquêtes épidémiologiques validant aussi bien les causes environnementales que les causes génétiques, la communauté scientifique s'accorde donc, en l'état des connaissances, sur une interaction entre ces différents facteurs. Comme l'explique le professeur Yves Agid, chef de service de neurologie, hôpital Pitié-Salpétrière, "il faut être très prudent. L'expression d'une maladie est souvent liée à des facteurs génétiques modulés par l'environnement. Il est fort probable que les pesticides jouent un rôle chez des personnes déjà prédisposées génétiquement". Si bien que la reconnaissance de facteurs génétiques ne doit nullement inciter à négliger la nécessité de prévenir les risques liés à l'exposition des travailleurs (et de tous les citoyens) à des substances chimiques. En la matière plus qu'en toute autre, le principe de précaution recommande la plus grande vigilance. C'est du reste ce que souhaitait le premier ouvrier agricole ayant bataillé pour faire reconnaître l'origine professionnelles de sa maladie : imposer la mise en oeuvre de mesures de protections renforcées lors du maniement des pesticides.
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