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TECHNIQUES = L'alcalinité d'une eau, paramètre à suivre de près! (1 de 2)



  • Ce texte est le premier de 2 articles. Il a été co-rédigé avec Monique Henry du CEGEP de St-Laurent (Québec).

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    Introduction

     

    L'alcalinité d'une eau est sa capacité à résister aux attaques acides et elle est donc liée à son contenu en substances à caractère basique (ou "alcalin"). En chimie, on distingue les bases fortes des bases "faibles" :

     

    - Les bases fortes comme les hydroxydes NaOH, KOH...sont complètement dissociées en milieu aqueux :

    NaOH  ------>   Na+   +   OH-

     

    Dans ce cas, la concentration des espèces présentes est simple à calculer.

     

    Ainsi, 0,001 mole/L  ou 1 mmole/L de NaOH (40 mg/L) libère 1 mmole/L d'ions Na+ et 1 mmole/L d'ions OH-.

     

    Le pH d'une telle solution est donc :

    pH = 14 - pOH  = 14 - log [OH -] = 14 - log (0,001)

    pH = 11

     

    - Les bases faibles sont beaucoup plus nombreuses, de la même façon que les acides faibles sont beaucoup plus nombreux que les quelques rares acides "forts", complètement dissociés. Dans le domaine de l'eau, ces substances alcalines sont essentiellement des carbonates (CO3-2), des bicarbonates (HCO3-), l'ammoniaque,...

     

    L'ammoniaque, par exemple, n'est que partiellement dissociée et la réaction suivante est caractérisée par la constante K de l'équilibre:

                                                                          

    NH4OH  <------>  NH4+   +   OH-

     

    Une fois l'équilibre atteint, une solution pure contenant initialement 1 mmole/L  d'hydroxyde d'ammonium, contient en fait 0,125 mmole/L d'ions NH4+ et d'ions OH- et encore 0,875 mmole/L de molécules non dissociées. Même si sa concentration est la même que la précédente, le pH d'une telle solution n'est que de 10,1

     

    Cette entrée en matière vise à souligner que la relation entre le pH et la concentration n'est pas toujours directe...

     

    Définition

     

    Par contre, si l'on "neutralise" par addition d'une solution d'acide les deux solutions alcalines précédentes - dont le pH est fort différent - il faudra exactement la même quantité d'acide (soit 1 mmole/L). En effet, pour la seconde, au fur et à mesure de ce dosage, la teneur des ions OH- diminue à chaque ajout d'ions H+ et selon le principe de Le Chatelier, l'équilibre se déplace pour compenser cette diminution et ce jusqu'à épuisement !

     

    C'est la raison pour laquelle l'alcalinité est en fait un paramètre défini par son mode de mesure (un titrage acide/base) mais qui ne reflète pas la teneur réelle des espèces en solution. On dit que c'est une mesure "extensive" alors que le pH, lui, qui est mesuré sans "perturber" les équilibres,  constitue une mesure "intensive". L'important est de comprendre que ces deux mesures se complètent. En France, on souligne la base même de cette propriété en parlant de "Titre Alcalimétrique".

     

    La définition exacte de l'alcalinité "totale" est donc la quantité d'acide nécessaire pour abaisser le pH jusqu'à une valeur donnée et qui correspond à la neutralisation des espèces alcalines. En chimie, on considère souvent le pH de 7 comme celui de la neutralité. En chimie de l'eau, l'omniprésence des bicarbonates (un des 3 anions essentiels avec les chlorures et les sulfates) complique un peu la situation : la neutralisation d'1 mmole/L de bicarbonates conduit en effet à une solution contenant 1 mmole/L de CO2 dont le pH est de 4,5 puisque c'est un acide faible :

     

    HCO3-  +     H+   ------>     CO2   +   H2O

     

    La limite de pH pour la mesure de l'alcalinité totale se situe donc autour de 4,5 (cette valeur variant selon le "reste" du contenu de la solution étudiée).

     

    Mesure et unités

     

    L'alcalinité totale T ou TAC (Titre Alcalimétrique Total) se mesure facilement, généralement sur 100 mL d'échantillon, par addition progressive d'un acide fort comme HCl 0,0200 M, jusqu'au point équivalent - si on utilise un pH-mètre - ou jusqu'au point de virage d'un indicateur convenable comme l'indicateur mixte ou le vert de bromocrésol. Pour un type d'eau donné, il est bon de tracer au moins une fois la courbe du pH en fonction du volume d'acide ajouté pour déterminer le plus précisément possible le pH  du point d'inflexion et donc la couleur à atteindre (ou ce pH).

     

    L'unité la plus logique de l'alcalinité est la molarité M. On l'exprime plutôt en mmoles/L  ou en milliéquivalents/L et souvent en mg/L de CaCO3, en prêtant à chaque milliéquivalent la masse de 1 milliéquivalent de CaCO3 soit 50 mg.

    Cette unité arbitraire - aussi utilisée pour la dureté - devrait être évitée puisque le plus souvent les eaux ne contiennent pas de CaCO3 (d'ailleurs très peu soluble...). En France, on exprime le TAC en degrés, 1 degré français correspondant à 10 mg/L de CaCO3.

     

    Exemple : Lors de la mesure de l'alcalinité d'un échantillon (100 mL) d'eau du fleuve Saint-Laurent, il a fallu 8,80 mL de HCl 0,0200 N pour observer le virage du vert de bromocrésol du bleu au vert.

     

    Exprimer l'alcalinité dans les diverses unités usuelles :

    Nalc x Valc = Nacide  x Vacide

    Nalc = 0,0200 x 8,80 / 100 = 0,00176 éq/L ou 1,76 méq/L

    Alcalinité = 1,76 méq/L x 50 mg/méq = 88 mg/L CaCO3

    TAC = 8,8 °F

     

    Alcalinité P (ou TA)  et alcalinité T (ou TAC)

     

    La plupart des eaux naturelles ont un pH< 8,5 et les bicarbonates sont la seule substance alcaline présente. En effet, une solution "pure" de bicarbonates a un pH ~8,3.

    Certaines eaux souterraines contiennent aussi des carbonates (CO3-2) et les eaux industrielles peuvent contenir d'autres bases faibles comme de l'ammoniaque et même des bases fortes comme les alcalis (OH-). Leur pH est alors supérieur à 8,3.

     

    Le cas des carbonates est particulier car leur neutralisation s'effectue en deux étapes :

    CO3 -2   +   H+   ------>      HCO3-

    (étape terminée à pH ~ 8,3 puisqu'on est alors en présence d'une solution de bicarbonates)

     

    HCO3-   +   H+   ------>     CO2   +   H2O

    (étape terminée à pH~ 4,5 puisqu'on est alors en présence d'une solution de gaz carbonique)

     

    Cela signifie qu'1 mmole/L de carbonates nécessite 1 mmole/L d'acide pour former 1 mmole/L de bicarbonates... qui, à leur tour, nécessiteront la même quantité d'acide pour leur neutralisation complète (soit 2 mmoles/L d'acide en tout). Bien entendu, si l'eau contient aussi des bicarbonates (par exemple 0,5 mmole/L), ils seront titrés dans cette même deuxième étape et l'alcalinité totale sera de 2,5 mmoles/L.

     

    Il est relativement facile de repérer la fin de la première étape (pH~8,3) puisque c'est le point de virage de la phénolphtaléine qui passe du rose-mauve à l'incolore. C'est la raison pour laquelle on appelle l'alcalinité, correspondant à cette première partie de la neutralisation, "Alcalinité à la Phénolphtaléine" ou P.

     

    Si on poursuit le raisonnement, on peut se retrouver avec une solution  dont le pH (par exemple 9,4) est inférieur à celui d'une autre solution (par exemple 10,4) alors que l'alcalinité totale de la première est égale à plus du double de la seconde (82 mg/L CaCO3 par rapport à 39 mg/L CaCO3) ! Il ne faut donc pas se fier uniquement au pH... par exemple si on doit neutraliser un effluent industriel!

     

    Répartition de l'alcalinité

    La détermination des alcalinités T et P permet de distribuer l'alcalinité totale. Cette distribution présente relativement peu d'intérêt car (contrairement à ce que certains croient...) elle ne représente pas les concentrations des diverses espèces réellement présentes dans la solution.  On trouve ci-après les conclusions que l'on peut tirer des valeurs relatives de P et T.

     

    C'est la répartition du volume d'acide nécessaire pour le dosage de chaque espèce; l'alcalinité totale T correspond toujours au volume TOTAL et l'alcalinité à la phénolphtaléine P, au volume d'acide nécessaire pour atteindre le pH : 8,3

     

    1) Alcalinité seulement attribuable aux bicarbonates (HCO3-) : pH < 8,3

    -P = 0 et T = (HCO3-)

    -Dosage terminé à pH : 4,5

     

    2) Alcalinité seulement attribuable aux carbonates (CO3-2): pH >  8,3 : la moitié du dosage est terminée à  pH : 8,3 quand les carbonates sont transformés en bicarbonates mais il faut encore autant d'acide pour doser les bicarbonates ainsi formés

    -T = 2 P et  2P = (CO3-2)

    -Dosage intermédiaire à pH : 8,3

    -Dosage terminé à pH : 4,5

     

    3) Alcalinité seulement attribuable aux alcalis (OH-) : pH >> 8,3 

    -T = P et P = (OH-)

    -Dosage terminé à pH : 8,3

     

    4) Alcalinité attribuable à la fois aux bicarbonates et aux carbonates : 1) + 2) : pH > 8,3

    Les carbonates réagissent en premier; la moitié du dosage est terminée à  pH : 8,3 quand les carbonates sont transformés en bicarbonates mais il faut encore autant d'acide  pour doser les bicarbonates ainsi formés + de l'acide  pour les bicarbonates initialement présents

    -T> 2P, 2P = (CO3-2) et T - 2P = (HCO3-)

    -Dosage intermédiaire à pH : 8,3

    -Dosage terminé à pH : 4,5

     

    5) Alcalinité attribuable à la fois aux alcalis et aux carbonates : 2) + 3) : pH  >> 8,3 : dosage des alcalis en premier, puis moitié du dosage des carbonates, le tout terminé à pH : 8,3 quand les carbonates sont transformés en bicarbonates mais... il faut encore autant d'acide pour doser les bicarbonates ainsi formés

    -T < 2P,  2(T - P)= (CO3-2) et T - 2(T - P) = 2P - T = (OH-)

    -Dosage intermédiaire à pH : 8,3

    -Dosage terminé à pH : 4,5

     

    Inversement, si on détermine P et T expérimentalement, on peut répartir l'alcalinité en comparant T et P :

    P= 0 : bicarbonates seulement

    T= P : alcalis seulement

    T= 2P : carbonates seulement

    T > 2P : carbonates + bicarbonates avec :  (CO3-2) = 2P    et   (HCO3-) = T - 2P

    T < 2P : alcalis  + carbonates, avec :  (OH-) = 2P - T  et  (CO3-2) = 2(T - P)

     

    Le pH de la solution donne un renseignement supplémentaire. Ainsi:

     

    -Si, expérimentalement, pH < 8,3 et P=0 pour l'alcalinité, alors (HCO3-)=T, CO3-2=0 et OH-=0

    -Si, expérimentalement, pH >8,3 et P=T/2 pour l'alcalinité, alors (HCO3-)=0, CO3-2=2P et OH-=0

    -Si, expérimentalement, pH >8,3 et P < T/2 pour l'alcalinité, alors (HCO3-)=T-2P, CO3-2=2P et OH-=0

    -Si, expérimentalement, pH > 8,3 et P>T/2 pour l'alcalinité, alors (HCO3-)=0, CO3-2=2(T-P) et OH-=2P-T

    -Si, expérimentalement, pH >9,5 et P=T pour l'alcalinité, alors (HCO3-)=0, CO3-2=0 et OH-=T

     

     

    Répartir l'alcalinité totale dans les 2 échantillons suivants :

     

    Exemple 1: P = 50 mg/L CaCO3 et T = 130 mg/L CaCO3 

     

    T/2 = 65 > 50 mg/L CaCO3 

    Alcalinité attribuable aux carbonates : 2P = 100 mg/L CaCO3 

    Alcalinité attribuable aux bicarbonates : T - 2P = 30 mg/L CaCO3 

     

     

    Exemple 2 : P = 50 mg/L CaCO3 et T = 80 mg/L CaCO3

     

    T/2 = 40 < 50 mg/L CaCO3 

    Alcalinité attribuable aux carbonates : 2(T - P) = 2(80 - 50) = 60 mg/L CaCO3

    Alcalinité attribuable aux alcalis : 2P - T = 100 - 80 = 20 mg/L CaCO3

     

     

    Dans un prochain article, on verra comment calculer les concentrations des espèces alcalines et l'importance de l'alcalinité des eaux naturelles ou en cours de traitement. Le lecteur est invité à consulter le site québécois mis en référence (voir: Pour en savoir plus), illustrant entre autre, l'alcalinité des eaux naturelles.

     

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