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La température a augmenté de 1 à 3 degrés dans les Alpes française



  • Communiqué de presse 22 décembre 2004
    Une étude climatologique des Alpes apporte un nouveau signe du réchauffement du climat

    La température a augmenté de 1 à 3 degrés dans les Alpes françaises ces quarante dernières années, encore plus que dans le reste de la France : c’est la conclusion la plus marquante d’une étude climatologique fine des Alpes de 1958 à nos jours menée par les chercheurs du Centre d’Etude de la Neige de Météo-France, installé près de Grenoble.

    Cette étude a relevé également des tendances de l’enneigement alpin depuis quarante ans avec des hivers particulièrement enneigés de 1975 à 1985 et un déficit d’ « or blanc » de 1987 à 1993. D’intérêt économique et scientifique, elle permettra de mieux estimer l’évolution du manteau neigeux dans le futur.

    Une étude capitale pour l’économie alpine et la recherche

    La connaissance du manteau neigeux alpin et de son évolution au cours des années passées intéresse de nombreux secteurs économiques liés au milieu de la montagne : les stations de ski, l’agriculture, les parcs nationaux… Dans le domaine de la recherche, cette information est également intéressante pour mieux comprendre l’évolution de phénomènes naturels comme l’évolution des populations animales en montagne, la migration des espèces végétales, les glissements de terrains ou les avalanches. Le suivi du manteau neigeux est particulièrement intéressant : comme il est très sensible au réchauffement de l’atmosphère, son évolution permet de détecter les tendances climatiques.


    Les données du passé

    Traditionnellement, les études climatologiques sont basées sur la compilation d’un grand nombre d’observations sur plusieurs décennies. Celles sur les températures de l’air sont les plus répandues car elles s’appuient sur des séries de mesures bien documentées et d’une longueur parfois importante (jusqu’à plus d’un siècle). Un travail conséquent a déjà été accompli par les services climatologiques de Météo-France sur l’ensemble du territoire français (climatologie de la température et des précipitations), mettant en évidence une augmentation de la température de l’air et une absence de tendance nette sur les précipitations.


    La climatologie de l’enneigement s’appuie sur des observations de hauteurs de neige. Ces analyses présentaient cependant plusieurs lacunes :

     sur l’ancienneté : peu de données sont disponibles avant la fin des années 70, c’est-à-dire avant la mise en place du réseau nivo-météorologique.
     sur la durée et la régularité : les séries de données présentent parfois des manques ; par ailleurs, les observations ne couvrent généralement que l’hiver et le début du printemps.
     sur la couverture géographique : certaines régions des Alpes présentent très peu de données, en particulier les secteurs de haute montagne (au-delà de 1500 m d’altitude).

    Seules des études ponctuelles avaient donc été faites jusqu’ici sur quelques longues séries de hauteurs de neige, mais aucune étude globale de l’enneigement alpin des 40 dernières années n’avait encore vu le jour jusqu’à présent.


    Une méthode originale

    Afin de pallier ces lacunes, le Centre d’Etudes de la Neige a mis au point une méthode originale pour reconstituer l’enneigement des Alpes depuis 1958, en utilisant deux modèles développés pour simuler l’évolution du manteau neigeux. Le premier permet d’affiner la connaissance de la météorologie de montagne à partir d’observations locales et de résultats de modèles météorologiques globaux ; le second permet de calculer l’évolution des principales caractéristiques du manteau neigeux à partir des paramètres météorologiques régnant à la surface de la neige.

    Grâce à ces deux modèles numériques, il est possible de reconstituer l’enneigement des Alpes se basant uniquement sur des données météorologiques observées ou estimées par les modèles atmosphériques. On utilise ainsi les données archivées par Météo-France et le Centre Européen de Prévision Météorologique à Moyen Terme (CEPMMT). Ces données sont complétées par des profils atmosphériques calculés depuis 1958 en utilisant le modèle le plus récent du CEPMMT. La méthode a été validée par de nombreuses études, en particulier en comparant les hauteurs de neige calculées par les modèles du CEN à des observations indépendantes.


    La reconstitution du manteau neigeux

    Les résultats obtenus permettent de caractériser l’enneigement des Alpes à l’échelle de 23 massifs d’une surface d’environ 400 km2, considérés comme homogènes d’un point de vue climatique. Pour chaque massif, l’enneigement quotidien est calculé en fonction de l’altitude et de l’exposition, de 1958 à nos jours.

    L’apport de neige sur les Alpes françaises est dominé par deux régimes météorologiques principaux : les flux atlantiques de nord-ouest, vecteurs de froid et d’humidité et donc de neige, et les flux de sud, également porteurs d’humidité mais généralement plus chauds. Une fois la neige au sol, son évolution est gouvernée par les conditions météorologiques régnant en montagne. A l’échelle des Alpes, c’est le contraste de température entre le nord (plus froid) et le sud (plus chaud) qui explique la fonte plus tardive dans les massifs du nord.
    L’enneigement alpin résulte de la superposition de ces deux tendances de grande échelle et présente donc un contraste marqué entre le nord-ouest, généralement très bien enneigé, et le sud des Alpes, à l’enneigement plus variable, mais parfois très important. Les massifs les moins enneigés sont ceux situés dans la partie centrale des Alpes (tels que l’Ubaye, le Parpaillon et le Queyras), moins arrosés car protégés par les massifs voisins.

    La durée de l’enneigement est aussi conditionnée par l’altitude. A 1200 m, elle est de 5 à 6 mois dans la partie nord et de 2 à 3 mois dans la partie sud. Ces valeurs augmentent avec l’altitude pour atteindre 8 mois au nord et 6 mois au sud à 2100 m. A partir de 3300 m, l’enneigement peut être pérenne certaines années particulièrement froides et arrosées.



    Les principaux résultats sur l’enneigement

    L’évolution de l’enneigement fait ressortir certains hivers particulièrement déficitaires (1964, 1973, 1989, 1993, 2002) ou excédentaires (1960, 1966, 1978, 1982). De manière générale, les années les mieux enneigées appartiennent à la décennie 1975-1985, alors que les moins bien enneigées se situent au début des années 1970 et entre 1987 et 1993.

    Ces résultats sont à pondérer en fonction du massif considéré, les contrastes nord-sud pouvant être très marqués certaines années. Les enneigements sont également très différents d’une année à l’autre, les années les plus récentes apparaissant comme majoritairement déficitaires. Ces résultats sont encore plus marqués à basse altitude, où un déficit de l’enneigement se traduit souvent par une disparition temporaire du manteau neigeux. En haute altitude, au contraire, les variations interannuelles sont moins prononcées et les déficits ont moins d’impact sur l’enneigement moyen.


    Température : + 1 à 3 degrès en quarante ans

    La mise en évidence de tendances nécessite une climatologie suffisamment longue. Pour la température de l’air, une période de 40 ans est généralement considérée comme suffisante pour mettre en évidence des tendances significatives. Pour les précipitations et l’enneigement, une durée de 40 ans reste assez courte, car chutes de neige et enneigement sont très variables d’une année à l’autre. Ainsi, en retirant deux ou trois hivers de la série analysée, les résultats sur la tendance peuvent changer énormément. La confiance que l’on peut accorder aux résultats est donc plus limitée.

    La température de l’air à 1800 m durant l’hiver montre une augmentation de 1 à 3 °C sur les 40 dernières années (suivant les massifs). Cette augmentation est plus marquée que l’augmentation de température sur l’ensemble du territoire français au cours du 20ième siècle (de l’ordre de 1°C). Les Alpes françaises apparaissent donc comme très exposées au réchauffement de l’atmosphère en période hivernale. Cette augmentation est surtout effective depuis les années 80 et 90, pendant lesquelles se produit l’essentiel du réchauffement. Le réchauffement est surtout marqué en milieu et fin d’hiver. Les températures de début d’hiver n’évoluent pas de manière significative.

    Aucune tendance claire n’apparaît pour les précipitations totales, dont la variabilité inter annuelle est énorme (les écarts d’une année à l’autre peuvent aller du simple au double). On note une légère tendance à l’augmentation des précipitations annuelles, surtout due à l’augmentation des précipitations estivales et printanières. Quant aux chutes de neige, elles diminuent légèrement sous l’effet de l’augmentation de la température de l’air.

    La hauteur de neige au sol moyenne pendant l’hiver est elle aussi soumise à de grosses variations inter annuelles, liées à celles de la température de l’air et des précipitations neigeuses. En outre, elle dépend aussi fortement de la chronologie des événements : un hiver peut être bien enneigé même s’il neige relativement peu, par exemple si la neige tombe en début de saison et que la température de l’air reste ensuite basse toute la saison. On note ainsi de forts écarts par rapport à la valeur moyenne sur 44 ans, en particulier à basse altitude (jusqu’à 100%) et à moyenne altitude (jusqu’à 50%). Dans les Alpes du nord, le niveau de l’enneigement est resté stationnaire jusqu’à la fin des années 90, puis une diminution marquée apparaît. Dans les Alpes du sud, la diminution la plus marquée date des années 60, puis des années 80. Depuis le début des années 90, l’enneigement moyen reste constant (avec bien sûr de grosses fluctuations d’une année à l’autre).


    Et après ?

    La recherche s’attachera à caractériser le risque avalancheux dans les Alpes (extension géographique, tendances). Les informations fournies par les modèles de neige permettent en effet de documenter des situations du passé typiques ou extrêmes et de mieux comprendre la cause de certains événements avalancheux. La climatologie de l’enneigement pourra également être utilisée comme référence dans les études d’évolution du manteau neigeux. En l’étendant progressivement chaque année, elle permettra peut-être de mettre en évidence une évolution du climat alpin dans la décennie à venir.

    Elle servira aussi de base pour estimer l’évolution du manteau neigeux dans le futur. A l’aide de scénarii issus de modèles de climat, il est en effet possible d’estimer le climat des Alpes à échéance de plusieurs décennies. Grâce aux modèles, on peut ensuite estimer l’état du manteau neigeux pour le XXIè siècle. La climatologie de 1958 à 2002 pourra servir de référence à ces études pour caractériser l’enneigement récent des Alpes françaises.



    Contact presse : Julien Guillaume
    Tél 01 45 56 71 32 ou 36 ou 37
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    julien.guillaume@meteo.fr
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