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Le développement durable : penser le changement ou changer le pansement ?



  • Bilan et analyse des outils d’évaluation des politiques publiques locales en matière de développement durable en France : de l’émergence d’un changement dans les modes de faire au défi d’un changement dans les modes de penser.

    Thèse présentée par Aurélien BOUTAUD à l'Ecole nationale supérieure des mines de Saint Etienne
    et L’Université Jean Monnet.

    RESUME :
    La montée en puissance des préoccupations environnementales à la fin des années 1960 a servi de ferment à une critique de plus en plus acerbe des modes de développement industriels. C’est dans ce contexte international d’émergence d’un conflit entre les préoccupations d’environnement et de développement que la notion de développement durable est apparue. L’histoire de ce concept peut ainsi être relue à travers le prisme des théories de la négociation : le développement durable nous apparaît alors comme la tentative de formulation, au plus haut niveau international, d’une « valeur nouvelle » dont l’objet serait la réconciliation entre des exigences de protection de l’environnement et de développement socio-économique (équivalant à ce que les théoriciens de la négociation appellent une approche gagnant-gagnant, ou un jeu à somme positive, entre environnement et développement).
    Mais s’il apparaît que le concept de développement durable a effectivement été « construit » dans une logique coopérative, force est de constater que, tant au niveau local que global, l’appropriation du développement durable par les différents acteurs revêt toutes les formes d’une appropriation compétitive : Etats, entreprises, ONG, collectivités locales, économistes ou écologistes se réclament aujourd’hui du développement durable sans pour autant en donner une définition et un contenu identiques. Les débats sur la soutenabilité « faible » (approche néoclassique) ou « forte » (approche écosystémique) illustrent bien cette « lutte d’appropriation ». C’est précisément dans ce contexte conflictuel qu’il convient de mettre en perspective la question de l’évaluation du développement durable. En effet, ces démarches normatives disposent d’un fort pouvoir d’appropriation en cela qu’elles permettent de « rigidifier » un concept souvent considéré comme « mou ». Elles sont, de ce fait, au coeur d’un débat à la fois technique et idéologique fort (chapitre 1).
    Au niveau local, et concernant plus particulièrement les domaines de l’urbanisme, il est intéressant de constater qu’un même schéma s’est dessiné : la notion de ville durable a émergé elle aussi dans le contexte d’une remise en cause par les mouvements de l’écologie urbaine de la pensée urbanistique moderne. De la même manière que le développement durable est apparu comme une tentative de réconciliation entre environnement et développement, la ville durable semble progressivement se dessiner sous les contours d’une alternative entre la ville écologique (utopique) et la ville moderne, voire sur-moderne (bien réelle) (chapitre 2).
    Du fait de leur capacité d’appropriation, certains outils d’évaluation développés par des collectivités locales nous permettent ainsi de cerner ce que les acteurs publics locaux entendent précisément par développement durable ; leur analyse tend à confirmer la tendance des acteurs publics à se servir du développement durable comme élément de conciliation interne entre des intérêts parfois divergents. La question de la prise en compte des intérêts des générations futures et des autres territoires semble par contre plus difficile à appréhender. (chapitre 3). L’analyse, dans un seconde temps, des contextes dans lesquels ces outils sont généralement utilisés et développés montre par ailleurs un phénomène intéressant : le développement durable est le plus souvent considéré comme une approche technique, déléguée par le politique aux services opérationnels, qui sont alors chargés a posteriori de « rendre durables » les décisions prises. Ces grilles de questionnement ou d’analyse des projets butent ainsi sur le problème de la prise en compte des préoccupations du développement durable au plus haut niveau
    des prises de décision : le niveau politique (chapitre 4).
    L’étude plus spécifique du cas de la Communauté urbaine de Lyon permet de valider certaines de ces hypothèses (Chapitre 5).
    Au final, la difficulté d’appréhension de certains enjeux du développement durable par les sphères politiques et administratives interroge sur la capacité des systèmes démocratiques à répondre à ces nouveaux problèmes. La durabilité, en particulier, semble devoir faire éclater le cadre spatial et temporel dans lequel a traditionnellement été défini l’intérêt général. En imposant d’introduire dans la définition de cet intérêt général la prise en compte des intérêts de nouveaux acteurs « non représentés » (générations futures, autres territoires…), la durabilité ne finit-elle pas par questionner les bases mêmes du fonctionnement des démocraties modernes ?
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