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Congrès Mondial de l'énergie 2010 : Quels outils pour l'accès à une énergie durable à l'échelle mondiale ?



  • Une analyse de Kuami WOWOGNO(Montréal).

    Le 21ème Congrès Mondial de l’Energie, organisé par le Conseil mondial de l’énergie (CME), a clôt ses travaux ce 16 septembre 2010 à Montréal. Pendant quatre jours, le congrès a regroupé près de 7000 participants en provenance d’une centaine de pays.

    « La mission du Conseil Mondial de l’Energie consiste à rendre accessible, au plus grand nombre de personnes, l’énergie sous toutes ses formes dans le cadre d’un développement durable. Il s’est résolument engagé envers une consommation énergétique responsable en analysant quatre enjeux fondamentaux, chacun faisant l’objet d’une des 4 journées du Congrès ; des enjeux énergétiques selon la règle anglaise des 4 « A » : Accessibility, Availability, Acceptability et Accountability (accessibilité, disponibilité, acceptabilité et responsabilité), qui sont devenus ses valeurs fondamentales. »

    Le Conseil Mondial de l’Energie (CME) regroupe notamment des gouvernements, des experts de haut niveau à travers le monde, et plus largement les majors de l’industrie énergétique. En tant que tel on peut dire que le CME porte en lui à la fois une source d’inquiétude et d’espoir. Une inquiétude, dans la mesure où les ONG appelés groupes de pression qui, habituellement portent les frustrations du consommateur, ne sont pas membres du CME et par conséquent absentes des études et analyses, voire des décisions du CME, même si par ses statuts, le CME est une Organisation Non Gouvernementale fondée en 1923 et accréditée par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Et c’est dans ce contexte que cela devient intéressant dans la mesure où cette indépendance de ton surtout vis-à-vis du marché permet au CME d’asseoir sa crédibilité et d’entretenir l’espoir. M. Pierre Gadonneix (Président du CME), parle de « main invisible du marché », qui selon lui « n’a pas réponse à tout ». Il plaide pour « une régulation saine, à côté du marché, pour faire face aux grands enjeux de notre temps », même si celle-ci connaît souvent des faiblesses.

    Concilier "eau" et "énergie".

    En inaugurant les travaux du 21éme Congrès de Montréal, M. Gadonneix a insisté sur la nécessité « pour les pays développés et en développement de réfléchir ensemble à ce que sont les bons outils des politiques énergétiques renouvelées qui permettent de tenir ensemble 3 fronts : le développement économique, la protection de l’environnement et du climat, et la cohésion sociale ». Déjà en 2007, lors de son discours d’inauguration du 20ème Congrès du CME à Rome, M. Gadonneix, affichait sa volonté de faire prendre conscience de la « véritable urgence planétaire » à laquelle est confrontée l’industrie énergétique : « il faut sortir des dogmes et aller vers une croissance responsable conciliant, développement, climat et réduction des inégalités », disait-il en substance. Mais plus d’un milliard de personnes vivent aujourd’hui encore dans le monde sans accès à l’énergie durable. Et « à l’horizon 2025, 1,8 milliards de personnes vivront dans des régions qui manqueront cruellement d’eau ». Cela confirme par ailleurs la nécessité à travailler à l’ accessibilité énergétique par la résolution conjointe des besoins en eau et en énergie en faisant de ce binôme une priorité.

    Le marché est montré du doigt mais il vit aux dépens de l’industrie qui ne doit pas être considérée comme un adversaire des consommateurs mais comme une partie de la solution, dans la mesure où l’investissement influence à la fois la production et la consommation énergétique. Le marché vit surtout des décisions ou des faiblesses des politiques gouvernementales qui ont besoin d’être fortement renouvelées. L’industrie par ses « innovations techniques » influence la demande dans le sens voulu par elle, en organisant davantage l’offre que la demande, dans une économie mondiale basée sur la consommation énergétique, dont la recherche de croissance permanente laisse sur le bord du chemin des populations qui n’auront quasiment jamais accès à l’énergie durable. Mais le CME semble vouloir « associer aux décisions, l’industrie et les gouvernements [qui] doivent coopérer pour financer des politiques énergétiques efficaces ». Le CME pense également que « la consultation des citoyens dans la planification des projets énergétiques est un élément clé de leur succès », tel que le prouvent les conclusions d’une séance du CME qui réunissait des représentants de diverses filières énergétiques et de Greenpeace le 15 septembre 2010, confirmant ainsi qu’on « ne peut entrevoir la réalisation réussie d’un projet si les citoyens ne sont pas intégrés dans un processus de consultation ». Ceci peut être considéré comme un outil fonctionnel d’une politique énergétique renouvelée qui pourra concourir à son acceptabilité par l’opinion publique, mais l’énergie nucléaire veut se faire accepter comme une composante clé de la nouvelle combinaison énergétique, parce qu’elle est « non émettrice de CO2 ». « Si nous voulons réduire les émissions, (a déclaré Mme Anne Lauvergeon, Présidente du Directoire d’AREVA), nous devons développer des énergies sans émissions, c’est-à-dire les énergies renouvelables et nucléaires. Ces deux sources d’énergie sont compatibles puisque le nucléaire est une source constante, alors que la plupart des énergies renouvelables sont des sources intermittentes. » Mais les défenseurs du projet ITER(1) sont à pied d’œuvre pour défendre la « fusion énergétique » et pour démontrer sa faisabilité. Les énergies renouvelables, (notamment le solaire, la biomasse et le thermique), porteuses d’espoir sont également de plus en plus compétitifs mais la technologie dans ce secteur a encore du chemin à parcourir pour répondre aux besoins à grandes échelles ; il y a lieu de croire que ce défi peut être relevé grâce à l’adhésion mondiale à leur développement à travers l’IRENA (International Renewable Energy Agency), créée en janvier 2009 dont le siège est établi à Abu Dhabi (EAU). Selon Hélène Pelosse, Directrice Générale par interim de l’IRENA, « si les énergies renouvelables ne représentent qu’environ 18 % de l’ensemble de la production énergétique, les investissements dans ces énergies ont été multipliés par quatre ces dernières années ».

    Le mixte énergétique approprié

    Mais une politique énergétique renouvelée doit prendre appui également sur les bons choix des filières de production. Dans ce contexte, on parle de moins en moins d’une transition des énergies fossiles vers 100% d’énergies renouvelables ; et l’outil qui se dégage au sein du CME semble être le « mixte énergétique » dit « approprié ». Cette configuration rapprocherait les problématiques « énergie », « environnement » et « réchauffement climatique ». Ainsi, en termes de disponibilité il y a, selon M. Gadonneix, « les ressources nécessaires sur la planète pour répondre aux enjeux énergétiques ; parce que la technologie permet d’avoir des ressources nouvelles ». Le projet ITER lui donnera-t-il raison ?

    Une politique énergétique renouvelée exige aussi la mise en place d’un plan d’action qui convienne autant pour les économies industrialisées qu’émergentes. C’est un secret de polichinelle que de dire que les investisseurs observent une frilosité à s’engager durablement dans les pays en développement : car les contraintes de sécurité d’investissement sont importantes, dues en partie aux instabilités politiques ; cette équation pouvant par ailleurs être résolue en « créant un lien de confiance à travers les garanties internationales », comme élément de politique renouvelée.

    La responsabilité politique

    Il ne faut donc pas perdre de vue que l’enjeu prioritaire reste de trouver les bons outils politiques nécessaires à la construction d’un « développement durable » par laquelle la génération actuelle pourra assumer sa responsabilité face à celles du futur. Les quatre enjeux fondamentaux définis par le CME (accessibilité, disponibilité, acceptabilité et responsabilité), nous paraissent tous prioritaires mais la responsabilité politique joue un rôle essentiel. L’industrie énergétique doit pouvoir assumer sa part de responsabilité sociale à travers des engagements clairs et chiffrés qui ont fait l’objet d’achoppement à Copenhague. Les bons outils d’une politique énergétique renouvelée peuvent être constitués autant de responsabilités partagées de l’industrie qui doit favoriser une meilleure échelle de distribution de l’énergie. « Aujourd’hui la valeur marchande des produits et services environnementaux » (selon Pascal LAMY, Directeur général de l’OMC), « est estimée à US$800 milliards, comparable aux industries aérospatiale et pharmaceutique. Mais les barrières à la commercialisation des produits tels que les panneaux solaires, l’expertise climatique, etc., demeurent pénalisantes pour la planète. »

    Les responsabilités sont également à partager par les gouvernements des pays en développement à travers leurs nécessaires orientations politiques courageuses vers des investissements moins prestigieuses, répondant aux besoins essentiels des populations. Naturellement le consommateur a sa part de responsabilité dans la maîtrise de l’énergie, sachant que les consommateurs potentiels des pays en développement ne peuvent maîtriser l’énergie à laquelle ils n’ont pas accès. La responsabilité du Conseil Mondial de l’Energie composée majoritairement de l’industrie serait davantage d’innover à travers la conception de matériaux moins polluants, et, tout aussi économes en énergie tout au long de leur cycle de fabrication qu’à leur utilisation.

    Le CME aura accompli sa mission de « rendre accessible, au plus grand nombre de personnes, l’énergie », en usant de son influence lors des négociations sur les répartitions des responsabilités entre les pays industrialisés et les pays émergents, non seulement dans le processus de réduction du CO2 mais surtout dans le développement de projets opérationnels comme véritables réponses aux défis du changement climatique. Copenhague a connu son échec par un manque de consensus sur des objectifs chiffrés. Les négociations de Cancun en novembre et décembre prochains doivent cependant permettre de s’appuyer sur les réussites moins spectaculaires de Copenhague, que sont selon Pierre Gadonneix, « la sécurité d’approvisionnement, l’impact environnemental et la réduction des inégalités. » C’est, nous semble-t-il, dans ce contexte de négociations internationales que le Conseil Mondial de l’Energie doit pouvoir prendre sa part de responsabilité en mettant son expertise, ses excellentes études et analyses, au service de la création effective des « bons outils des politiques énergétiques renouvelées ».

    Kuami WOWOGNO

    YIL Agence

    (Montréal).


    Note :

    (1) ITER : Le projet ITER installé en France, réunit 34 pays et organisations dont la Chine, l’Union Européenne, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les Etats-Unis, autour de l’idée qu’il est possible de produire de « l’énergie de fusion », celle du Soleil et des étoiles, à partir d’un mélange gazeux composé de deux variétés d’hydrogène, le deutérium et le tritium, qui peut être porté à une température dix fois supérieure à celui qui règne au cœur du soleil. De plus, contrairement à la « fission » elle est propre et ne produit pas de déchet radioactif ; et quasiment inépuisable.

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    Dépêche issue du site planetenergie.org

    [CME2010]

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