Stéphane POUFFARY, ENERGIES 2050, pour l'IEPF
Durban, Afrique du Sud, l'humanité retient son souffle pendant que les leaders politiques sont en train de convenir d'une feuille de route pour la mise en place d'un futur régime international climatique.
Au-delà de la vision qu'il est nécessaire de partager, la question des modalités de mise en oeuvre se doit d'être une priorité. Réduire ses émissions que l'on se trouve dans un pays industrialisé, un pays en transition ou un pays en développement peut se conceptualiser et même devenir une réalité sous réserve de mettre en place les mécanismes appropriés.
Pour autant, penser que la solution pour les populations fragiles confrontées à des conditions souvent difficiles voire extrêmes peut se réduire à une réponse technique ou simplement politique serait à la fois réducteur et trompeur. La mise en oeuvre, dès lors qu'elle se confronte aux spécifiés locales se doit de prendre en compte l'intégralité des thématiques qu'il s'agisse de la question de l'accès à des conditions de vie décentes, de l'accès à l'énergie, à l'eau, à l'éducation, à une alimentation saine... La liste est longue et traiter une des questions sans répondre à l'ensemble des défis est inévitablement insuffisant et, dans le même temps, attendre de pouvoir traiter de l'ensemble des questions simultanément avant d'agir pourrait être un prétexte à la non action.
A ce qui précède il faut ajouter qu'il n'est pas question de faire porter au changement climatique l'ensemble de la responsabilité des anomalies environnementales, sociales et économiques que nos sociétés ont engendré. Ceci étant dit, nous pouvons affirmer sans aucun doute que la question climatique exacerbe l'ensemble de ces éléments et les problèmes d'hier se trouvent encore plus criant aujourd'hui.
La question du genre, dans cette perspective, est un parfait exemple de ces sujets dont tout le monde parle mais qui peine tant à être véritablement placé au coeur des agendas politique et cela qu'il s'agisse du niveau international ou du niveau local.
C'est pour apporter sa pièce à la compréhension de cette situation mais aussi à la mise en oeuvre d'outils aussi opérationnels que possible que l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) avec le concours de son organisme subsidiaire l'Institut de l'Energie et de l'Environnement de la Francophonie (IEPF) a organisé une rencontre francophone le 6 décembre dernier à Durban sur le thème : Les enjeux en matière d'égalité des genres dans les négociations sur les changements climatiques : outils et perspectives pour les pays francophones.
L'OIF a rappelé que le changement climatique avait plus d'impact sur les femmes de part la nature même des activités prises en charge par ces dernières (alimentation, éducation, approvisionnement en eau, collecte du bois de chauffe, ...). Par là même les femmes sont encore plus vulnérables dès lors qu'intervient un événement extrême (pluie, sécheresse,...) et cela se traduit par une réelle baisse de leurs activités génératrices de revenus. L'OIF a rappelé que 70 % des femmes des pays en développement étaient sous le seuil de la pauvreté et qu'elles dépendaient en grande partie de la disponibilité des ressources naturelles. Mme Dilek Elveren a rappelé qu'en Afrique subsaharienne, l'agriculture dépendait pour 60 à 70 % de l'activité des femmes. L'exemple de l'accès à l'eau ou au bois de chauffe témoigne également de l'augmentation de la charge de travail des femmes dès lors que la distance à parcourir pour ces besoins de base est rallongée. Elle a également cité l'importance des faits culturels en rappelant qu'en Asie une femme avait 14 fois plus de chance de mourir de catastrophe naturelle pour des raisons culturelles.
Mme Elveren a précisé que malgré la connaissance des ces éléments, la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) ne faisait, jusqu'à une date très récente, que très peu voire aucune référence à la femme. Cela est d'autant plus surprenant que les femmes sont les premières victimes et qu'il apparaît donc indispensable de promouvoir leur accès à l'autonomie tout en mettant en place les modalités à même de les associer aux prises de décision.
C'est dans ce contexte que l'OIF a commencé une coopération avec le WEDO (Women's Environmental and Development Organization), l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), l'ONU femme et l'Institut Bridge pour mieux intégrer les femmes dans les politiques sur le Changement climatique. C'est dans ce cadre, qu'en janvier 2011, un atelier s'est ténu à Paris et à permis la mise en place d'un réseau francophone sur le thème Genre et Changement Climatique.
La représentante de Bridge a présenté le Kit Actu' sur le Genre et le Changement Climatique qui est en cours de réalisation. Ce kit a été adapté aux pays francophones et présente deux études de cas (Inde et RDC). Il sera disponible en janvier 2012.
La représentante a rappelé que les hommes et les femmes étaient, bien évidemment, tous les deux touchés par le changement climatique mais que les inégalités allaient être renforcées.
L'ONU-femme a témoigné de l'importance de ce sujet et du besoin de mieux prendre en compte la question du genre dans les accords internationaux. Elle a cité l'exemple d'une initiative portée par la Finlande qui a mis à disposition des moyens pour accompagner les femmes déléguées qui participent aux négociations. Elle a annoncé également la mise en place d'un Groupe officiel de négociation afin de mieux faire reconnaître l'importance du genre dans la CCNUCC.
Pendant les échanges qui ont suivis, j'ai témoigné au nom d'ENERGIES 2050 de l'importance de la question du genre dans la transformation de nos sociétés et cela au-delà même des questions climatiques. J'ai également rappelé qu'il fallait s'intéresser aussi à la question du genre dans l'espace urbain et peri-urbain sachant que même si les enjeux ne sont pas les mêmes, les situations de forte précarité y sont très criantes aussi (précarité énergétique par exemple).
Tout le monde parle et partage l'importance de ce sujet et chacun apporte sa contribution à la connaissance collective certains avec un rapport national ou régional, d'autres en témoignant d'expériences réussies. Pour autant et au-delà de cette visible effervescence, les faits sont là et les chiffres témoignent qu'au niveau global les changements restent modestes. L'évidence de la précarité d'un nombre incroyable de femmes ne devrait plus être contestée par qui que ce soit et cette compréhension devrait plaider pour une action plus ambitieuse.
A ENERGIES 2050, la question du genre nous parait être une priorité et le changement climatique apparaîtrait alors comme une opportunité pour nous interpeller dans nos modes d'organisation et de répartition des rôles homme-femme. Ce questionnement doit aller plus loin que le simple fait d'essayer d'apporter des réponses sectorielles. L'urgence va bien au-delà des mots et la question du genre se doit d'être un préalable indispensable à la mise en place de mesures d'adaptation et cela de quelque nature qu'elles soient.
Stéphane POUFFARY, ENERGIES 2050, pour l'IEPF
[COP17-climat]