http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/70624.htm
Ces dernières semaines, plusieurs publications
américaines ont apporté de nouvelles informations sur le phénomène de
montée du niveau des mers, conséquence principale du changement
climatique.
Les estimations du GIEC revues à la hausse
Dans une étude publiée le 22 juin, le Conseil National de la Recherche
(NRC), organisme public chargé de réaliser les études commandées à
l'Académie des Sciences, revoit à la hausse les précédentes estimations
de la montée du niveau des mers au cours du 21ème siècle [1]. D'après
ses résultats, le niveau moyen des eaux à l'échelle mondiale devrait
augmenter de 8 à 23 centimètres d'ici 2030 (par rapport au niveau de
2000), de 18 à 48 cm d'ici 2050, et de 50 à 140 cm d'ici 2100.
Cette dernière estimation est sensiblement supérieure à celle proposée
par le Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat
(GIEC), dont la dernière étude de référence sur les changements
climatiques date de 2007. A l'époque, une montée des eaux comprise entre
18 et 59 cm d'ici la fin du siècle était envisagée, avec jusqu'à 17 cm
d'augmentation supplémentaire en cas de changements brusques dans les
cycles de formation de la glace.
Sur la Côte Ouest des Etats-Unis, la hausse du niveau de la mer est plus importante que prévu
Financée par les états de Californie, de l'Oregon et de Washington ainsi
que par plusieurs agences fédérales, l'étude de la NRC se concentre
particulièrement sur les côtes de ces états de l'Ouest des Etats-Unis.
Il en ressort que celles-ci ne seront pas affectées par la montée des
eaux dans les mêmes proportions. La Californie devrait ainsi être
particulièrement touchée : sur la côte au sud du cap Mendocino, le
niveau de la mer devrait augmenter de 4 à 30 cm d'ici 2030, de 12 à 61
cm d'ici 2050 et de 42 à 167 cm d'ici 2100. Les experts du NRC
expliquent ces résultats élevés par la forte érosion qui affecte une
grande partie de la côte californienne, la rendant plus vulnérable à la
montée des eaux.
En revanche, le reste de la côte Ouest des Etats-Unis (nord de la
Californie, Oregon, Washington) devrait être moins fortement affectée,
puisque l'augmentation est évaluée entre 10 et 143 cm d'ici 2100. Cette
région est le théâtre d'un phénomène géologique de subduction, qui se
traduit par un enfoncement progressif de la plaque océanique sous la
plaque continentale et par une élévation du niveau du sol, résultant
ainsi en une moindre augmentation du niveau des eaux.
L'étude précise que si le niveau de confiance dans les résultats est
relativement haut pour les dates les plus proches, les estimations à
l'horizon 2100 sont cependant à considérer avec prudence, car elles
reposent sur des extrapolations importantes comportant des incertitudes
significatives. Cependant, l'occurrence de certains événements extrêmes
pourrait contribuer à élever brusquement le niveau de la mer. Par
exemple, un séisme de magnitude 8 ou supérieure au nord du cap Mendocino
pourrait entraîner une augmentation rapide du niveau de la mer d'un
mètre ou plus, et une submersion rapide d'une partie de la côte. Le
dernier séisme de cette magnitude remonte à 1700, et il survient en
moyenne tous les mille ans. Dans cette région, de nombreuses
infrastructures ont été construites à proximité des côtes et sont
particulièrement vulnérables à l'augmentation de niveau de la mer.
Ainsi, l'aéroport international de San Francisco pourrait être inondé en
cas d'augmentation de 40 cm, un cas de figure réaliste d'ici quelques
décennies.
"Avec la montée du niveau moyen des mers, on s'attend à une forte
augmentation du nombre de tempêtes extrêmes et de vagues géantes, ce qui
accroît le risque d'inondation, d'érosion côtière et de perte de zones
marécageuses", souligne Robert Dalrymple, président du comité d'experts,
co-auteur de cette étude.
Sur la Côté Est des Etats-Unis, une augmentation du niveau de la mer bien plus rapide que la moyenne mondiale
Une autre publication, parue dans le journal Nature Climate Change le 24
juin [2], vient confirmer l'hypothèse que si la montée du niveau des
mers est un phénomène mondial, elle n'est pas uniforme et affecte plus
fortement certaines régions que d'autres. Conduite par des chercheurs de
l'U.S. Geological Survey (USGS), l'étude et ses résultats tendent à
montrer que le niveau de la mer le long de la côte Atlantique des
Etats-Unis augmente bien plus rapidement que la moyenne mondiale.
En effet, il apparaît que le long de la côte Nord-Est - du nord du cap
Hatteras (Caroline du Nord) au nord de Boston (Massachussetts), des
variations importantes en termes de courants océaniques, de températures
et de salinité de l'eau amplifient localement le phénomène de montée
des eaux. Au cours de la période 1980-2009, l'augmentation moyenne du
niveau des eaux était comprise entre 2 et 3,7 mm/an, un rythme 3 à 4
fois supérieur à la moyenne mondiale sur cette période (0,6 à 1 mm/an).
"Beaucoup de gens pensent à tort que puisque la fonte des glaciers et
calottes polaires fait augmenter le volume total des océans, le rythme
de l'augmentation du niveau de la mer est le même partout, mais d'autres
effets sont tout aussi ou plus important [...]" déclare Marcia McNutt,
directrice de l'USGS. "Comme cette étude le démontre, les facteurs
océanographiques régionaux doivent être pris en compte dans les
prédictions de l'impact côtier au niveau local."
Ces résultats surprenants pourraient en partie s'expliquer par le
ralentissement des courants océaniques dans l'Océan Atlantique. A cause
de la fonte des glaces, d'importantes quantités d'eau douce sont
déversées dans les océans, qui a pour effet d'amoindrir les différences
de densité entre les couches d'eau et de ralentir les courants
océaniques. Or, certains de ces courants comme le Gulf Stream et la
dérive Nord Atlantique ont tendance à faire circuler les masses d'eau le
long des côtes et d'empêcher l'augmentation du niveau des eaux.
Ce "point chaud" de la montée des eaux pourrait avoir de graves
conséquences pour les agglomérations urbaines très peuplées de la
région. "Des villes comme Norfolk, New York, et Boston subissent déjà
des inondations importantes lors de tempêtes de relativement faible
intensité" déclare le Dr. Asbury Sallenger, auteur de l'étude et
océanographe à l'USGS. "La montée rapide du niveau des eaux à l'heure
actuelle va rendre les villes côtières de plus en plus vulnérables aux
inondations, en amplifiant les tempêtes et les raz-de-marée".
La dilatation thermique des eaux rend la montée du niveau des mers inéluctable
Dans une autre étude parue le 1 juillet dans Nature Climate Change, une
équipe de scientifiques montre que même si les plus ambitieuses mesures
de réductions d'émissions de gaz à effet de serre (GES) étaient
adoptées, elles pourraient ne pas suffire à arrêter totalement la montée
du niveau des eaux [3].
"Même en adoptant des mesures drastiques de réduction [de GES] pour
limiter l'augmentation de la température à 2°C d'ici 2100, et avec un
déclin de la température au 22ème et 23ème siècle... le niveau de la mer
continuera à monter après 2100" déclarent les auteurs de l'étude, des
chercheurs du Centre National pour la Recherche Atmosphérique (NCAR,
Colorado), de l'organisation Climate Central et du Center for Australian
Weather and Climate Research de Melbourne.
En effet, à cause de la hausse moyenne de la température océanique, les
eaux des mers ont tendance à se réchauffer et à se dilater sous l'effet
de la chaleur. Ainsi, la même quantité d'eau occupe un volume plus
important et fait mécaniquement monter le niveau des mers. A mesure que
la température des eaux augmente, la chaleur est diffusée des couches
superficielles de l'océan aux couches profondes, amplifiant le phénomène
de dilatation thermique. Même si la température de surface des océans
venait à diminuer et la couche d'eau superficielle à refroidir, la
chaleur diffusée dans les couches profondes de l'océan prendrait du
temps à se dissiper et continuerait à dilater les masses d'eau. Ce
phénomène physique vient s'ajouter à l'apport d'eau résultant de la
fonte des glaces et amplifie le problème de la montée du niveau des
mers.
D'après les résultats de l'étude, dans l'hypothèse où les plus fortes
réductions de GES sont réalisées - un scénario qui implique des
émissions mondiales négatives de GES d'ici l'année 2070 - la température
moyenne du globe augmenterait jusqu'à un pic de +0,83°C en 2100 avant
de redescendre à +0,55°C en 2300 (par rapport à la moyenne sur la
période 1986-2005). Dans ce cas de figure, l'augmentation du niveau des
eaux attribuable à la dilation thermique serait de 14,2 cm en 2100 et
jusqu'à 24,2 cm en 2300.
Dans l'hypothèse la plus pessimiste - faibles mesures de réduction des
GES d'ici 2070 et mix énergétique mondial toujours composé de 80%
d'énergie fossile à cette date - la température moyenne du globe
pourrait atteindre +3,91°C en 2100 et +8,52°C en 2300. Dans ce cas de
figure, la dilatation des eaux océaniques augmenterait le niveau des
mers de 32,3 cm en 2100 et jusqu'à 139,4 cm en 2300. "Bien que la montée
du niveau des eaux ne peut pas être stoppée avant au moins plusieurs
centaines d'années, des mesures ambitieuses de réduction [des GES]
peuvent permettre de ralentir cette tendance, ce qui permettrait de
gagner du temps pour mettre en place des politiques d'adaptation"
expliquent les auteurs de l'étude.
Sources :
- "California Sea Level Projected to Rise at Higher Rate Than Global Average; Slower Rate for Oregon, Washington, But Major Earthquake Could Cause Sudden Rise" - National Research Council News Release - Washington DC - 22/06/2012 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/T1DVr
- "U.S. East Coast a "hot spot" for sea level rise: study" - Reuters - ZABARENKO Deborah - Washington DC - 25/06/2012 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/PaNxJ
- "East Coast faces faster sea level rise" - ScienceNews - POWELL Devin - 24/06/2012 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/hslIH
- "Sea Level Rise Accelerating in U.S. Atlantic Coast" - US Geological Survey Press Release - 24/06/2012 - http://www.usgs.gov/newsroom/article.asp?ID=3256#.T_dqRZE6zwU
- "Rise in sea level can't be stopped: scientists" - NewsDaily Science News - CHESTNEY Nina - London - 01/07/2012 - http://www.newsdaily.com/stories/bre8600eg-us-climate-sealevel/
Rédacteurs :
- Gabriel Marty, deputy-envt.mst@ambafrance-us.org ;
- Retrouvez toutes nos activités sur http://france-science.org.
BE Etats-Unis numéro 298 (16/07/2012) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT (693 hits)
12/12/24 à 10h17 GMT