Les forêts sont une source vitale de biodiversité et de moyens de subsistance. Plus de 1,6 milliard de personnes dépendent des forêts pour leurs moyens de subsistance, y compris 60 millions de peuples indigènes totalement dépendants des forêts. Elles représentent également des systèmes naturels de stockage de carbone et sont des alliées clés pour lutter contre le changement climatique. Elles sont vastes, offrent des services hydriques à l'état naturel et appuient le stockage et l'approvisionnement en eau aux réseaux des lacs et de rivières.
Alors que la déforestation ralentit dans certains endroits, notamment au Brésil, elle reste encore beaucoup trop élevée. La perte des forêts est responsable de plus de 17 pour cent de l'ensemble des émissions anthropiques de gaz à effet de serre, tandis que 50 pour cent d'entre elles proviennent des navires, de l'aviation et des transports terrestres combinés.
Le crime organisé dans les forêts au niveau mondial
Il existe des preuves croissantes qu'une importante fraction de ces pertes et de ces émissions est liée à l'exploitation forestière illégale et le crime organisé dans les pays tropicaux clés du bassin amazonien, du bassin du Congo et de l'Asie du Sud.
En effet, Green Carbon: Black Trade (Charbon vert: commerce noir) un rapport récent du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et d'INTERPOL, estime que les activités illégales représentent 50 à 90 pour cent de toute l'exploitation forestière dans ces domaines clés, le commerce criminel est estimé à 30 à 100 milliards de dollars chaque année dans le monde entier.
Les opérations illégales, y compris les pots de vin et le piratage de bases de données gouvernementales, deviennent de plus en plus sophistiquées. Les exploitants illégaux et les dealers passent rapidement entre les régions et les pays pour éviter la police au niveau local et international. Le blanchiment de bois mélangé avec du bois légal ou passé pour du bois de plantation figure parmi leur subterfuge.
Avec l'augmentation de l'activité criminelle organisée relative aux forêts, des crimes tels que les meurtres sont aussi en augmentation. L'implication croissante des cartels criminels devrait être une sérieuse préoccupation pour les collectivités, les entreprises, les défenseurs de l'environnement, et toutes les intervenants des forêts.
Mais il existe également de bonnes nouvelles qui pourraient participer à la répression des criminels et des voleurs de ressources naturelles - ces ressources souvent considérés comme le PIB des pauvres.
Le rapport du PNUE sur l'Avenir de l'environnement mondial a noté une baisse des taux de déforestation - de plus de 25 000 km2 à juste plus de 5000 km2 par année dans la forêt amazonienne du Brésil, en raison d'une mise en application déterminée. En Indonésie, le Président Susilo Bambang Yudhoyono a mis en place un moratoire sur les nouveaux déboisements de forêts qui a contribué à réduire les forêts ainsi que les activités illégales dans la région.
Les entreprises commencent également à réagir. Plus récemment, Asia Pulp et Paper a annoncé qu'ils n'utiliseront plus le bois issu de la déforestation et des forêts naturelles. Interpol et le PNUE, à travers le centre Grid-Arendal en Norvège, ont aussi mis en place un projet pilote, intitulé Law Enforcement Assistance to Forests (l'assistance à la mise en application de la loi en faveur des forêts) pour développer un système international de lutte contre le crime organisé.
Entrer dans la révolution des technologies
Une pièce finale au puzzle pourrait voir le jour. Il s'agit d'alertes
rapides en ligne de cas de déforestation, particulièrement dans les
zones lointaines.
Jusqu'à présent, au moment où les images par satellite de la déforestation sont accessibles les criminels sont souvent déjà loin. Le bétail est déjà en train de pâturer au milieu des souches, une plantation illégale d'huile de palme a déjà été mise en place et une entreprise d'appui aux services écologiques (maintenant dégradés et perdus) a peut-être déjà été payée. Les plus récentes cartes forestières d'Indonésie, produites à partir de données du satellite Landsat, ont été mises en ligne trois ans après que les données ont été enregistrées. Ce n'est pas inhabituel, car il faut généralement trois à cinq ans pour produire une carte de couverture des forêts au niveau national.
Tout cela est sur le point de changer avec l'aide d'un partenariat novateur mis en place par le World Resources Institute (WRI), des partenaires tels que le PNUE ainsi que des entreprises et des ONG du monde entier.
Global Forest Watch 2.0, qui sera lancé cette année, mettra à profit la technologie de télédétection pour fournir des cartes de déforestation de haute résolution et quasiment en temps réel, sur une plateforme ergonomique. Le système fournira des alertes de déforestation au niveau globale pour identifier l'exploitation forestière illégale ainsi que les points de déforestation, en s'appuyant à la fois sur les données satellites et publiques y compris celles fournies par les communautés locales.
Les technologies telles que Global Forest Watch 2.0 ont le potentiel de démocratiser la gestion et la protection des forêts. Imaginez qu'un analyste d'un groupe de conservation des forêts à Jakarta reçoive une alerte via les médias sociaux montrant l'endroit de déforestation. Par ce biais, il lancerait un avertissement aux autorités qui se rendraient à cet endroit pour prendre des photos et les télécharger, entamant ainsi un effort pour sauvegarder le parc forestier et appréhender les exploitants illégaux.
Ou considérez que le vice-président du développement durable au sein d'une entreprise internationale ait pour mission de s'assurer que la société achète de l'huile de palme auprès de fournisseurs responsables. Préoccupé par un fournisseur en Equateur dont les plantations sont situées au sein d'un habitat forestier critique, il accèderait au nouveau système en ligne lui faisant découvrir que la forêt primaire a été déboisée au-delà des limites critiques du corridor. L'entreprise pourrait immédiatement suspendre ses achats et utiliser l'information pour confronter le fournisseur.
Seul le temps dira si ces technologies permettront d'aboutir à un réel changement. Mais, alors que le monde célèbre la Journée internationale de la forêt, il est encourageant que ces puissantes alliances composées de gouvernements, d'entreprises, d'organisations de la société civile et d'organismes de mise en oeuvre soient déterminées à mettre fin à l'exploitation forestière illégale. Il est temps de saisir les opportunités pour des forêts saines et une économie verte soutenue par les populations.
Article publié pour la première fois sur le lien suivant 'The Guardian': Par Achim Steiner Secrétaire général adjoint des NU et Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement et le Dr Andrew Steer, Président et Chef de direction de l'Institut des ressources mondiales
Communiqué du PNUE (614 hits)
12/12/24 à 10h17 GMT