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2013 : une année clé pour la sécurité nutritionnelle



  • 868 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde[1] et trois millions d'enfants en meurent chaque année. 165 millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition (retard de croissance, retard de développement cognitif, santé fragile)[2], et ne pourront pas pleinement contribuer à l'âge adulte au développement de leur pays. La faim comme la malnutrition alimentent le cercle vicieux de la pauvreté.

    Lors du 39e sommet du G8 à Lough Erne (Irlande du Nord) les 17 et 18 juin 2013, les chefs d'Etats ont pris des engagements pour la sécurité nutritionnelle, suite au G8 " nutrition pour la croissance " du 8 juin. Avec 37 ans d'actions pour la sécurité alimentaire et 20 ans dans la prévention de la malnutrition infantile dans les pays du Sud, le Gret défend la nécessité de reconnaitre les enjeux spécifiques de sécurité alimentaire et de sécurité nutritionnelle, dont l'amalgame aboutit à une dilution des engagements, au détriment de l'atteinte des objectifs mondiaux.

    Des engagements clés pour la sécurité nutritionnelle

    La malnutrition est causée par une alimentation inadéquate, la mauvaise qualité des soins et l'occurrence des maladies chez les femmes et les enfants. Dans la fenêtre des 1000 jours après la naissance, les soins préventifs et curatifs, la qualité de l'environnement (eau, assainissement), mais aussi l'alimentation très spécifique nécessaire à l'enfant (allaitement maternel, aliments de complément fortifiés) sont déterminants. Pourtant, malgré ce besoin d'approche multisectorielle sur ces différents déterminants de la malnutrition, les politiques actuelles de coopération tendent à y répondre par la seule production agricole ! Si ces années dernières, l'ambition des spécialistes de la nutrition se limitait à inciter les stratégies sectorielles existantes à intégrer des actions en matière de nutrition, la Conférence internationale contre la malnutrition infantile de l'Unicef en mai 2013 marque un tournant. L'intérêt grandissant des bailleurs et la nécessité d'en faire, pour la combattre, un objectif à part entière, sont désormais démontrés. Malnutrition et développement agricole répondent à des besoins, des stratégies d'intervention et des logiques différenciées. En amalgamant systématiquement le développement agricole (souvent réduit à sa portion congrue de production agricole) et la situation nutritionnelle des femmes et des enfants, les Etats diluent les engagements financiers et politiques au détriment de l'efficacité des réponses apportées à deux problèmes majeurs de l'Afrique. Pour preuve, seuls 7% des investissements de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, créée par le G8 de Camp David en 2012, mentionnent la dimension nutritionnelle !

    Sous l'impulsion de la Grande-Bretagne, le mouvement Scaling up nutrition veut renforcer la dimension nutritionnelle de la Nouvelle alliance et renforcer les engagements des politiques publiques pour " améliorer les impacts nutritionnels des investissements privés existants ou à venir ". Si le Gret se réjouit de cette impulsion du gouvernement britannique, la dimension de l'investissement privé n'est pas suffisante. A l'occasion d'une rencontre avec la société civile en amont du G8 de Lough Erne, le 13 juin 2013, le Gret a porté auprès du Président de la République François Hollande, plusieurs recommandations en faveur d'une position ambitieuse de la France sur les questions de sécurité nutritionnelle auprès de ses partenaires internationaux. Ses  quatre recommandations sont issues des priorités du Document d'orientation stratégique Nutrition auquel il a largement contribué en 2010, et des conclusions de la Conférence internationale contre la malnutrition infantile de l'Unicef :

    n  Initier des initiatives multisectorielles pour améliorer la situation nutritionnelle

    L'approche consistant à développer des activités en faveur de la nutrition au sein de programmes sectoriels existants a montré ses limites. Lutter contre la malnutrition d'enfants atteints fréquemment de diarrhée ou de paludisme, n'ayant pas accès à l'eau potable, à une offre de soins, à l'assainissement est un non-sens. Lutter contre la malnutrition implique de déployer dans la durée des actions en matière de santé, d'éducation nutritionnelle, d'appui à la production locale et à la commercialisation d'aliments de complément, de développement rural, ainsi que d'eau et d'assainissement.

    n  Soutenir la production locale et la commercialisation d'aliments infantiles fortifiés

    Dans la plupart des pays d'Afrique, les familles ne trouvent pas sur le marché des aliments pour enfants de bonne qualité et bon marché. Le Gret a démontré dans plusieurs pays depuis 10 ans la faisabilité de développer dans ces pays une telle offre accessible au Bop (Base de la pyramide %u2013 populations pauvres) et la preuve de l'utilité de ces dispositifs. Répliquer ces solutions en les adaptant aux contextes locaux implique toutefois de consacrer des moyens pour :

    ·                     Soutenir des entreprises locales dans la production de ces aliments à partir des matières premières locales et leur commercialisation.

    ·                     Soutenir les coûts de recherche et développement du produit, les investissements en équipement et le lancement du produit sur le marché, afin de permettre son accessibilité aux populations pauvres, ce que la seule logique de marché de peut pas garantir.

    ·                     Encourager un cadre législatif protecteur avec des normes de qualité appliquées, et des politiques publiques nationales favorables au développement de telles approches.

    n  Promouvoir l'entreprenariat social au service de la lutte contre la malnutrition

    Le 6 juin le gouvernement britannique a tenu un G8 visant à promouvoir l'entreprenariat social. Le Gret teste ce modèle innovant pour étendre et pérenniser ses actions de lutte contre la malnutrition menées depuis 10 ans à Madagascar, avec la création en mai dernier de l'entreprise sociale malgache Nutri'zaza. Pour le Gret l'entreprenariat social est une solution pour le développement. Dans le cadre des Assises du développement et de la solidarité internationale en 2013, le Gret a défendu quatre recommandations en faveur du soutien de cette solution pour le développement :

    ·                     l'importance d'un soutien public et du travail avec la recherche dans la phase d'incubation/amorçage, pour tester des innovations qui permettront de trouver l'équilibre économique en garantissant un objectif social.

    ·                     l'adoption de mesures de soutien politique et fiscal en faveur des entreprises sociales qui ne peuvent survivre par la seule logique de marché,

    ·                     une aide publique au développement (APD) favorisant la mesure de l'innovation en emplois,

    ·                     la nécessité d'articuler le soutien aux entreprises des pays du Sud, avec les politiques de RSE (responsabilité sociale des entreprises) des pays du Nord.

    n  Soutenir les actions de sensibilisation des populations aux bonnes pratiques d'alimentation, d'hygiène et de soins

    L'allaitement maternel exclusif chez les nourrissons jusqu'à six mois, qui a un impact démontré sur son état nutritionnel, dépend de la compréhension et du choix des familles. Il en est de même concernant le recours aux soins, la répartition intrafamiliale des plats préparés pour les repas, les priorités d'achat de biens consommation, le recours à des aliments de complément, etc. Des dispositifs temporaires mais intensifs de sensibilisation sont clés pour informer et promouvoir les bonnes pratiques auprès des populations.

    Bilan du G8 : des engagements à saluer, des priorités à revoir

    Le G8 de Lough Erne s'est clôturé le 18 juin avec des engagements sur la sécurité nutritionnelle. Le Gret avait porté des recommandations auprès du Président Hollande lors d'une rencontre avec les ONG le 13 juin. Si la lutte contre la malnutrition s'est affirmée comme un objectif spécifique, les engagements du G8 sont fléchés, indépendamment du Global Nutrition for Growth Compact, sur des actions inscrites au sein d'approches sectorielles distinctes et insuffisantes pour réduire de 20 millions le nombre d'enfants malnutris d'ici 2020.

    ·         Des moyens dédiés à la lutte contre la malnutrition

    Le G8 de Lough Erne a accueilli  l'initiative Global Nutrition for Growth Compact[3] signée lors du G8 nutrition le 8 juin, qui prévoit des engagements spécifiques contre la malnutrition (engagement 55)[4]. 4,15 milliards de dollars ont été promis ou rappelés pour sauver les vies de 1,7 millions d'enfants, améliorer la situation nutritionnelle de 500 millions de jeunes enfants et femmes et réduire de 20 millions le nombre d'enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition. Le Gret salue cet engagement, qui va dans le sens de la Conférence internationale de l'Unicef de faire de la lutte contre la malnutrition un objectif en soi.

    ·         Des priorités qui ne permettront pas d'atteindre la sécurité nutritionnelle

    Au niveau du G8 : alors que le Global Nutrition for Growth Compact s'engage sur une approche multisectorielle (santé, eau, assainissement, agriculture) au service de la sécurité nutritionnelle, le G8 indique flécher les engagements pour financer la recherche scientifique pour une production agricole enrichie en vitamines, la promotion de l'allaitement maternel, l'appui aux gouvernements du Sud pour l'adoption de plan nationaux de nutrition et s'assurer que les entreprises de ces pays placent la nutrition au coeur de leurs priorités.[5] Le Gret recommande de mettre les engagements promis au service d'une approche multisectorielle pour lutter contre la malnutrition, incluant le soutien à des aliments de compléments produits localement et adaptés aux pouvoirs d'achat des populations pauvres, comme le Global Nutrition for Growth Compact le mentionne.

    Concernant le Global Nutrition for Growth Compact, le Gret émet deux réserves : la limitation à 14 pays prioritaires, qui revient à se focaliser sur les pays à population importante en laissant de côté les " petits " pays ayant des taux de malnutrition élevés, et le rôle des ONG réduit à la levée de fonds et à la supervision de leur utilisation sans prendre en compte leur mobilisation indispensable comme acteurs du développement auprès des populations. Le Gret signe ce texte, en précisant ces engagements particuliers.

    ·         France : une approche encore strictement sectorielle de la nutrition

    Dans le Global Nutrition for Growth Compact[6], la France ne promet aucun engagement financier permettant de déployer des approches multisectorielles. Elle compte agir contre la malnutrition sur la base de ses cadres d'intervention d'urgence (aide alimentaire), ou sectoriels (cadre stratégique sur la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne, engagements pour la santé des enfants sahéliens). Cela exclut les pays asiatiques et s'ancre dans une approche sectorisée (agriculture ou santé) ou urgentiste, qui ne permettra pas de prévenir la malnutrition. " Nous souhaitons que la France précise ses engagements financiers dédiés à lutter contre la malnutrition, et se dote d'un cadre stratégique d'action spécifique pour traduire ses engagements. " précise Olivier Bruyeron, spécialiste nutrition au Gret.

    François Hollande rencontrera à nouveau les ONG en amont du prochain G20, qui se tiendra les 5 et 6 septembre sous présidence russe, avant une réunion d'étape organisée par le Global Nutrition for Growth Compact en marge de l'Assemblée générale des Nations unies au mois de septembre.

    Lire la position complète du Gret pour le G8: http://www.gret.org/wp-content/uploads/Position-Gret-sécurité-alimentaire-et-nutritionnelle-G8_juin-2013.pdf

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