Séismes, tsunamis, tempêtes, inondations, éruptions volcaniques... bien que soumise à de nombreux aléas naturels, la région d'Esmeraldas, au nord de l'Equateur, a abrité l'une des civilisations précolombiennes les plus prospères : la culture de La Tolita, fondée il y a 3 000 ans. Associant biologie, géologie et archéologie, des chercheurs de l'IRD et leurs partenaires ont décrit l'environnement de ce peuple. Ils ont reconstitué l'évolution de cette plaine alluviale enclavée entre Pacifique et Andes, depuis le développement de l'agriculture, ayant permis l'expansion de la population, jusqu'au déclin des Tolita il y a 1 100 ans. Cette nouvelle approche, croisant différents regards sur un paysage, peut s'appliquer à de nombreux autres territoires, historiques ou sensibles, pour mieux gérer leurs aménagements futurs.
Le paysage, une fenêtre sur le passé
Changement climatique, séismes ou éruptions volcaniques modifient les ressources naturelles - eau, biodiversité, ressources minières, etc. - et influencent les activités humaines. Retracer ces différents stress, qui ont laissé leur empreinte au cours des âges, permet de reconstituer l'évolution d'un paysage et l'histoire d'une région. Grâce aux travaux menés par les archéologues de l'IRD pour lever le voile sur l'une des plus riches civilisations précolombiennes, géologues, biologistes et archéologues ont pu conjuguer leurs compétences sur le site archéologique de La Tolita.
De l'or et du maïs
Les chercheurs ont analysé les sédiments et les restes végétaux d'une carotte de sédiment prélevée dans une prairie marécageuse située à proximité du site. Ils montrent que c'est à la faveur d'un tremblement de terre, survenu il y a 3 000 ans et mettant à nu des filons aurifères, que les Tolita ont prospéré et dominé le nord de l'Amérique latine. De plus, comme en témoignent les enregistrements de pollen dans les sols, les Tolita développèrent l'agriculture ; et ce, grâce à la création de champs surélevés, appelés " camellones ", leur assurant des récoltes malgré les fréquentes inondations.
Vers le retour de la forêt
Cette agriculture a permis l'expansion démographique des Tolita et le développement de nouvelles techniques métallurgiques. Il y a 2 500 ans, l'augmentation de la concentration en charbon de bois dans les sédiments montre l'accroissement significatif de la population et de l'essor de la culture de La Tolita. Ce n'est que vers - 1 100 ans que les chercheurs notent un ralentissement des activités humaines et la réexpansion de la forêt tropicale. Comment expliquer ce déclin de la civilisation de La Tolita ? En l'absence de variation notable du climat ou du niveau de la mer durant ces 2 000 ans d'histoire, des facteurs internes liés à l'évolution même de cette civilisation et à l'arrivée d'autres populations sont évoqués.
Cette nouvelle approche de " diagnostic écologique " sur plusieurs millénaires peut être appliquée à de nombreuses autres régions historiques ou sensibles. Associant biologie, géologie et archéologie, elle permet d'établir les impacts climatiques, tectoniques et humains à long terme. Elle trouve d'intéressantes applications en termes d'aménagement durable de ces territoires.
Partenaires
Universités Montpellier 2 et 3, Institut National du Patrimoine Culturel (INPC) en Equateur, Institut de Botanique à Montpellier, CNRS, École Pratique des Hautes Études (EPHE).
Références
Lim S., Ledru Marie-Pierre, Valdez Francisco, Devillers B., Hougnon A., Favier C., Bremond L. Ecological effects of natural hazards and human activities on the Ecuadorian Pacific coast during the Late Holocene, Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 2013. http://dx.doi.org/10.1016/j.palaeo.2013.12.021
Pour aller plus loin:
Bon à savoir
Le site archéologique de La Tolita est situé au nord de l'Equateur, dans la province d'Esmeraldas, non loin de la frontière colombienne. Cette région fluviale est l'une des plus humides au monde et possède l'une des forêts tropicales les plus riches de la planète, avec une biodiversité et un endémisme exceptionnels.Aujourd'hui, la région est soumise à de nombreux aléas naturels. Le phénomène climatique El Niño provoque des inondations, les tremblements de terre entraînent des tsunamis, les éruptions volcaniques déposent des couches de cendres assez épaisses sur les sols...
Contacts
Marie-Pierre Ledru, chercheur à l'IRD
T. : 33 (0)4 67 14 32 70
UMR ISEM (IRD / CNRS / université Montpellier 2)
Francisco Valdez, chercheur à l'IRD
UMR PALOC (IRD / MNHN)
Laurent Bremond, chercheur à l'EPHE
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06/05/24 à 12h32 GMT