Pour étudier la réponse du vivant au changement climatique, il est nécessaire de considérer les conditions écologiques de vie des espèces animales et végétales. Pour la plupart de ces organismes (insectes, reptiles, plantes…), les observations doivent être conduites à des échelles de l'ordre du centimètre.
Comment effectuer des mesures environnementales à de si petites échelles sur de grandes surfaces ? Des chercheurs de l'IRD et leurs partenaires équatoriens viennent de publier une méthodologie complète pour répondre à cette question. Celle-ci combine l'usage de drones, de capteurs thermiques, de logiciels de cartographie et de traitement statistique. Il s'agit d'une avancée méthodologique majeure pour améliorer les prévisions des effets du climat, notamment des variations de température, sur la biodiversité.
De plus en plus accessibles, les drones constituent une révolution technique pour l’acquisition de données scientifiques. Surtout lorsque les mesures in situ s’avèrent difficiles avec des moyens traditionnels, ou dans des domaines pour lesquels les satellites et les avions n’offrent pas la même souplesse d’utilisation ni une résolution spatiale suffisante – un mètre au mieux pour les images satellites infrarouges.
Des « paysages thermiques » en 3D
Plusieurs études récentes ont documenté les applications de ces aéronefs sans pilote, en particulier pour les recherches en écologie et en agronomie. Equipés d’une caméra thermique embarquée, ils fournissent notamment des données sur la température locale, à des échelles spatiales et temporelles adaptées. Cependant, il restait à définir un cadre méthodologique permettant d’exploiter ces données. C’est ce que viennent de proposer des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires équatoriens dans la revue Methods in Ecology & Evolution. Ils y offrent une « boîte à outils » complète, permettant d’intégrer des images prises par des drones dans des logiciels de cartographie et de traitement statistique appropriés. Au final, cela permet de reconstituer en 3D le relief des zones survolées et d’y superposer un paysage thermique en haute résolution.
Des essais grandeur nature
L’équipe de recherche a testé cette nouvelle méthodologie dans les paysages agricoles andins en Équateur. Dotés d’une caméra infrarouge (enregistrant les températures de surface), des drones ont passé au crible des champs de pommes de terre, qui sont communément attaqués par une grande diversité de ravageurs et maladies (chenilles, pucerons, champignons). Volant à une hauteur de 60 mètres au dessus du sol, ceux-ci ont permis de mesurer précisément sur plusieurs dizaines de mètres carrés la distribution spatiale des températures de surface, à la fois du sol et des plantes. Le tout avec une précision, respectivement pour les images visuelles et infrarouges, de 1 et 5 centimètres !
Mieux représenter les microclimats
La résolution à laquelle les données climatiques étaient collectées jusque-là ne permettait pas de rendre compte des conditions microclimatiques dans les modèles de climat globaux. Or, les microclimats modifient la réponse et la distribution des espèces locales au changement climatique. Leur mauvaise représentation dans les modèles constitue un obstacle majeur à l’étude et aux prévisions des effets climatiques, notamment sur les plantes et les animaux.
Les images collectées lors de cette étude soulignent l’urgence de quantifier, selon des échelles spatiales pertinentes, les conditions microclimatiques. Elles ont en effet révélé que le type de cultures et leur stade de croissance modifient fortement la température et les conditions écologiques dans les champs, et donc la dynamique et l’aire de répartition des populations de ravageurs de cultures, comme les teignes ou les charançons.
Bon à savoir
Un drone, de l'anglais « faux-bourdon », désigne un aéronef sans pilote. Depuis 10 ans, les progrès technologiques permettent une utilisation de plus en plus aisée des drones pour effectuer de nombreuses tâches de manière autonome, notamment l'acquisition d'informations sur les terres et les mers. Les limites à leur déploiement sont devenues plus réglementaires que techniques.
Partenaires
Institut spatial équatorien (IEE), Université pontificale catholique de l’Equateur (PUCE) dans le cadre du projet ANR ManPest.
Références
Emile Faye, François Rebaudo, D. Yanez-Cajo, S. Cauvy-Fraunié, Olivier Dangles. A toolbox for studying thermal heterogeneity across spatial scales: from unmanned aerial vehicle imagery to landscape metrics. Methods in Ecology & Evolution, 2015. DOI: 10.1111/2041-210X.12488
Contacts scientifiques
Emile Faye, doctorant à l’IRD
T. 33 (0)6 99 19 63 12 ; ehfaye@gmail.com
Olivier Dangles, chercheur à l’IRD
T. (593 2) 250 39 44 ; olivier.dangles@ird.fr
UMR Evolution, génomes, comportement et écologie – EGGE (IRD / CNRS / université Paris-Sud)
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06/05/24 à 12h32 GMT