Le tribunal d’opinion constitué en 2016 pour juger l’ensemble des activités de Monsanto a rendu un avis consultatif le 18 avril 2017. La multinationale américaine était accusée de violations des droits à un environnement sain, à l’alimentation, à la santé, et de la liberté pour la recherche scientifique; de crimes contre l’humanité et d'écocide causés par la commercialisation de produits toxiques tels que les PCB, le glyphosate (notamment utilisé dans le Roundup), et l’agent orange.
Des pratiques portant atteinte aux droits de l’homme et à l’environnement
Selon l’avis consultatif du tribunal, la firme spécialisée dans les biotechnologies est coupable de pratiques ayant « de graves répercussions sur l’environnement » et portant atteinte aux droits humains, notamment ceux des communautés locales et des peuples autochtones. Par sa « commercialisation agressive » d’OGM, Monsanto est reconnue coupable de violations des droits à l’alimentation et à la santé, ainsi que de pratiques nuisant aux libertés de recherche scientifique, d’expression et d’accès à l’information. Il est plus délicat pour le tribunal de « formuler des conclusions définitives » sur l’accusation de complicité de crimes de guerre concernant le déversement par l’armée américaine d'agent orange sur le Viêt Nam, un produit commercialisé par Monsanto. Il reconnait néanmoins les dommages causés à la population et à l’environnement par ce produit, le fait que Monsanto avait connaissance de ses effets très toxiques et savait l’utilisation qui en était faite par l’armée américaine, elle a donc donné des moyens pour mener cette guerre.
Un procès à valeur symbolique
Les 15 et 16 octobre 2016 les juges ont entendu 20 plaignants avec leurs avocats ainsi qu’une trentaine d’experts et de témoins. Le jugement rendu six mois plus tard est non officiel, il n’a aucune valeur juridique mais une portée symbolique. Le tribunal a utilisé les cadres de référence des Nations Unies : il était composé de cinq juges internationaux reconnus et de nationalités différentes pour respecter le principe de représentativité géographique, il s'est réuni à la Haye aux Pays-Bas où se situe le siège de la Cour Pénale Internationale (CPI) qui est chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre, et la multinationale a été jugée selon les principes du droit international obligatoire et les principes directeurs des N.U. sur la responsabilité des entreprises.
Faire reconnaitre l’écocide et aider les victimes à se défendre
Ce tribunal citoyen est un moyen d’alerter l’opinion pour faire évoluer le droit international et mieux faire respecter les droits fondamentaux. L'avis consultatif rendu est adressé à Monsanto ainsi qu’aux instances des Nations Unies et exprime la volonté de faire reconnaitre l’écocide (destruction de l’environnement) par la CPI au même titre que les quatre autres catégories de crimes internationaux pour lesquelles elle est compétente. Le concept d’écocide a par ailleurs été introduit pour la première fois en 1972 lors de la conférence des N.U. sur l’environnement en référence aux dommages causés par l’agent orange au Viêt Nam.
L’avis consultatif a également pour vocation de fournir une argumentation juridique aux victimes souhaitant porter plainte à l’avenir contre le géant de l’agrochimie disposant de moyens juridiques à sa mesure.
Un troisième tribunal d’opinion pour Monsanto
La compagnie a refusé d’être présente au tribunal, elle estime qu’il n’a pas de valeur puisqu’il est composé d’opposants à la fois juges et parties. Ce n’est pas la première fois qu’elle fait l’objet de tribunaux d’opinion, en effet sa responsabilité concernant les dommages causés par l’agent orange pendant la guerre du Viêt Nam a été "jugée" en 1966 et 2009.
A.F.
Sources :
Tribunal Monsanto (1228 hits)
Cour Pénale Internationale (2381 hits)
Article du Monde (946 hits)
Article de Novethic (965 hits)
06/05/24 à 12h32 GMT