[Compte – rendu, Montréal, 31 janvier 2018] À l’invitation de l’Institut des Sciences de l’Environnement de l’UQAM, Jean - Pascal van Ypersele, ancien vice – président du GIEC et professeur de climatologie à l’Université catholique de Louvain (Belgique), est venu présenter le cinquième et dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dans le cadre des conférences Pierre Dansereau. Il en ressort un bilan en demi-teinte résumé par le titre de la conférence « Espoirs sur fond de désespoir climatique ».
Devant une salle comble et attentive, Jean - Pascal van Ypersele a démarré sa conférence en rappelant que depuis près de 150 ans l’humanité menace l’habitabilité de la planète. En effet, tel que le montre le schéma ci-dessous, sur les neuf limites de la planète, trois ont déjà été franchies, et parmi elles : le changement climatique.
Le GIEC, qui va fêter cette année ses 30 ans, a progressivement, au fil des rapports, approfondi et consolidé ses connaissances. Aujourd’hui, malgré les dires de « semeurs de doute », il est scientifiquement établi que les activités humaines sont le principal facteur du réchauffement climatique. Les seuls facteurs naturels ne suffisent plus à expliquer ce phénomène.
Des raisons de s’inquiéter
Nous sommes entrés en terra incognita : en effet, de mémoire d’homme, c’est la première fois que nous dépassons un seuil de concentration de CO2 de 400 ppm (particule par million) et l’on ne sait pas dans quelle proportion le climat va évoluer. Cela est d’autant plus inquiétant que le CO2 s’accumule dans l’atmosphère (phénomène d’inertie). Or, pour préserver l’habitabilité de la planète, et ainsi contenir l’élévation de la température en-deçà des 2°C (par rapport aux niveaux préindustriels), les émissions de CO2 devraient être proches de 0…
« L'humanité prend l’atmosphère pour une grande poubelle gratuite dans laquelle elle rejette du CO2 » Jean – Pascal van Ypersele
Afin d’illustrer cette inquiétude, Jean – Pascal van Ypersele indique qu’il y a 20 000 ans, lors du dernier maximum glaciaire, la température était inférieure de 4-5° et sur tout le continent nord-américain, il y avait une couche de glace de plusieurs kilomètres de haut. Il suffit de voir ce qu’il en est aujourd’hui pour prendre conscience que l’élévation de la température à 1,5° C (considéré comme un seuil de conservation à ne pas dépasser), voire 2° C, peut avoir de fortes répercussions.
Comment les écosystèmes vont-ils faire pour s’adapter à un changement climatique rapide ? Y arriveront-ils ? Jean – Pascal van Ypersele évoque le cas de la Grande Barrière de Corail en Australie, qui pour la deuxième année consécutive, a souffert de blanchiment : les océans absorbent les rejets de CO2, ce qui les rend plus acides et menace toute la vie marine.
Une autre inquiétude se pose : les risques affectent plus fortement les populations les plus pauvres, car plus vulnérables, ce qui renforce les inégalités ainsi que l’injustice climatique (ceux qui ont rejeté le moins de CO2 sur une période donnée, sont plus vulnérables aux risques climatiques). Cela crée aussi une nouvelle migration : celle des réfugiés climatiques.
Avec la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes et l’élévation du niveau des mers, l’humanité doit s’adapter. Or, l’adaptation a ses limites et coûte chère. Comme nous l’indique le conférencier, il va être très difficile d’adapter tous les secteurs d’activités (notamment l'agriculture), d’autant que le réchauffement n’est pas uniforme, à l’échelle de la planète.
Des raisons d’espérer : il est encore temps
La première raison d’espérer, selon Jean – Pascal van Ypersele, c’est que, non seulement on connaît l’origine du problème (ce qui permet de pouvoir agir) mais aussi, on sait très bien quoi faire. Comme cela est précisé dans le dernier rapport du GIEC, il faut investir fortement dans les énergies renouvelables, et privilégier l’efficacité énergétique car l’énergie la plus propre est celle que l’on n’utilise pas. Il faut aussi adopter un mode de vie plus sobre, énergétiquement, ce qui, dans une société aussi consumériste que la nôtre, semble être un grand défi sociétal.
"De nombreuses études basées sur des scénarios confirment qu’il est techniquement et économiquement faisable de garder le réchauffement sous la barre des 2°C, avec une probabilité supérieure à 66%. Ceci impliquerait de limiter la concentration atmosphérique à moins de 450 ppm CO2 d’ici 2100." Jean – Pascal van Ypersele
Une autre raison d’espérer: l’Accord de Paris (décembre 2015) ratifié par 168 pays (en novembre 2017). En effet, il enjoint les Etats à faire plus d’efforts en termes d’adaptation, en prévoyant des flux financiers en adéquation avec les enjeux, et il reprend aussi les seuils de 1,5° C/ 2°C en-deçà desquels il faut rester.
Jean – Pascal van Ypersele se veut optimiste. Il y a, nous dit-il, beaucoup d’opportunités pour s’adapter et diminuer les émissions. Pour rendre cela plus mobilisateur pour le citoyen, il faut créer une synergie entre la lutte contre le changement climatique et des objectifs à plus court terme. Par exemple, une synergie peut être créée avec la lutte contre le chômage, les inégalités sociales ou avec l’augmentation du bien-être de la population. Les 17 objectifs du Développement Durable établis et adoptés par l’ONU en 2015 résument bien, selon le conférencier, cette synergie.
Il revient également aux décideurs politiques de créer un contexte favorable à ces synergies, mais aussi, de faire preuve d’ambitions et de volontarisme.
En définitive, « il y a de l’espoir, mais il y a du travail… »
Pour aller plus loin…
• www.ipcc.ch : GIEC ou IPCC
• www.climate.be/vanyp : beaucoup de medias
• www.realclimate.org : réponses aux semeurs de doute
• www.skepticalscience.com : idem
• Sur Twitter: @JPvanYpersele et @IPCC_CH
Auteure: Jessica Oder
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06/05/24 à 12h32 GMT