Par Ginette Charbonneau, physicienne et membre du Ralliement contre la pollution radioactive
[Lettre d'opinion - 7 février 2018] On dépense l’argent des contribuables pour moderniser les laboratoires nucléaires à Chalk River en Ontario, mais la gestion des déchets n’est pas sérieusement prise en charge. Pourtant c’est un budget de 7,7 milliards de dollars du gouvernement fédéral qui est réservé au problème des déchets radioactifs hérités.
À Chalk River, les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) ont conçu un projet de stockage en surface pour un million de mètres cubes de déchets radioactifs de moyenne et de faible activité :
http://www.ceaa-acee.gc.ca/050/details-fra.cfm?evaluation=80122
Ce site proche de la rivière des Outaouais est dans une zone de tremblements de terre de magnitude 6 sur l’échelle de Richter. Le site sera exposé aux intempéries pendant les 50 ans du remplissage alors que les déchets radioactifs doivent rester au sec pour éviter une trop grande activité nucléaire.
Les normes de l’Agence internationale de l’énergie atomique stipulent que les déchets de faible et moyenne activité doivent être enfouis dans un sol stable, loin des cours d’eau et des activités humaines.
Le dépotoir des déchets radioactifs en surface projeté par les LNC aurait une durée maximale de 500 ans alors que plusieurs substances radioactives ont des durées de vie de centaines de milliers d’années. Quand le couvercle sera mis sur le monticule de déchets en 2100, il ne sera plus possible d’intervenir.
Les critères d’acceptation des déchets dans ce dépotoir sont vagues et les exceptions ne sont pas décidées par une tierce partie indépendante des LNC. Il faudrait un contrôle par la Commission canadienne de sûreté nucléaire des inventaires et des acceptations des déchets difficiles à classifier. Plusieurs données sur les déchets ont été perdues au cours des années. Il y a donc des déchets mixtes, inconnus et dangereux!
D’autre part, la classification des déchets de faible activité des LNC ne respecte pas celle de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Ainsi, les LNC incluent des déchets ayant une demi-vie de plus de 300 ans dans cette catégorie si leur concentration est faible. Il y aurait donc des déchets de très longue durée de vie dans le dépotoir, ce qui est inacceptable!
Le 26 octobre 2017, les LNC ont pris en considération les commentaires du public dans le processus d’évaluation environnementale et ont pris la décision de stocker uniquement des déchets radioactifs de faible activité dans le dépotoir de déchets près de la surface. Malheureusement, les déchets radioactifs de moyenne activité continueront d’être stockés temporairement en attendant une solution viable pour des centaines de milliers d’années afin de protéger la population.
Le stockage dans des couches géologiques profondes comporte de plus faibles risques que le stockage en surface et il est plus facile d’intervenir en cas de problème. Il n’y aucun site d’enfouissement au Canada pour les déchets radioactifs de moyenne activité, ni pour les déchets de combustible nucléaire. C’est déplorable !
EACL et les LNC, doivent établir une solution à long terme de gestion de tous les déchets radioactifs qui devront toujours être surveillés rigoureusement. EACL doit aussi préciser dans son plan d’affaires tous les types de déchets à gérer, pas seulement ceux de faible activité.
EACL, qui représente le gouvernement dans la surveillance des contrats octroyés aux LNC, ne mentionne pas, dans son plan de 10 ans, la gestion des déchets radioactifs de moyenne activité. EACL incite les LNC à faire des économies sur les contrats tout en voulant développer le nucléaire, mais la priorité devrait être de solutionner les problèmes de gestion des déchets. N’ayant aucun cheminement critique de gestion de tous les types de déchets, les LNC et EACL priorisent ce qu’il y a de plus facile pour moderniser les laboratoires. Espérons que le nouveau président du conseil d’administration d’EACL saura redresser la situation.
Dans le plan d’affaires de 10 ans des LNC, il n’y a pas de plan de gestion des déchets de moyenne activité puisque EACL ne leur demande pas. En attendant, les déchets dangereux sont mis dans des contenants sur le site de Chalk River! Toujours des solutions temporaires! Puisque les responsabilités de gestion des déchets hérités ne sont pas assumées, la population canadienne s’en inquiète à juste titre!
Il faut changer d’attitude, faire preuve de courage et isoler de l’environnement les déchets radioactifs hérités dans un site en couches géologiques profondes. Cela coûte très cher mais on ne peut pas refiler le problème aux générations futures. Les LNC sont pressés de moderniser leurs laboratoires pour faire du profit au détriment de la gestion des déchets radioactifs. Il est urgent de trouver une solution viable pour des centaines de milliers d’années, sinon la population en souffrira.
Pour plus d’informations
Consultez les pétitions électroniques à la Chambre des communes et au vérificateur général du Canada :
https://petitions.noscommunes.ca/fr/Petition/Details?Petition=e-1220
https://petitions.noscommunes.ca/fr/Petition/Details?Petition=e-1450
http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/pet_405_f_42449.html
Une requête au vérificateur général du Canada expose le manque de règlements et de stratégies pour la gestion sécuritaire des déchets radioactifs non combustibles du Canada :
Pour en savoir plus (906 hits)
06/05/24 à 12h32 GMT