Par DAHAN Amy, Directrice de recherche émérite au CNRS (Centre Alexandre Koyré)
Il sera bientôt trop tard ! Quinze mille scientifiques viennent de lancer très solennellement ce nouveau cri d’alarme, dénonçant la destruction catastrophique de la biodiversité, la dégradation du climat, le dépérissement de la vie marine, la disparition rapide des forêts, etc., et appelant à renforcer l’action de protection de l’environnement et contre les changements climatiques. Les scientifiques alertent aussi confusément – c’est une première depuis vingt-cinq ans – sur la croissance démographique de la population mondiale, facteur tabou dans l’univers du multilatéralisme, mais évidemment majeur dans la fragilisation de la biosphère et de ses ressources, au fondement même de la thèse de l’anthropocène. D’où l’urgence, clament-ils, de réformer nos modes de consommation, d’alimentation et de vie.
Quelques semaines plus tôt, le 31 octobre, l’Organisation des Nations unies soulignait également que la bataille du climat était très mal engagée. L’été cataclysmique 2017, avec sa succession d’ouragans, d’inondations, de sécheresses et d’incendies, a mis en évidence la vulnérabilité des pays pauvres comme des pays riches aux dérèglements climatiques. De plus, comme l’atteste leur rapport, on est très loin de la baisse drastique des émissions exigée pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris : afin de limiter le réchauffement à deux degrés Celsius, il faudrait contenir les rejets globaux sous la barre des 42 gigatonnes (Gt) de carbone en 2030, (et même viser 36 Gt pour le seuil de 1,5 °C) alors que nous en sommes aujourd’hui à 52 Gt équivalent CO2, en tenant compte de l’ensemble des gaz à effet de serre (dont le méthane) produits par l’agriculture, les changements d’usage des terres et la déforestation. Après trois années de stabilisation, 2017 a vu les émissions mondiales croître à nouveau de 2 %.
Ces deux rapports confirment, s’il en était encore besoin, que nous sommes bien dans une course de vitesse entre la dégradation inexorable du climat et la prise en main de ce problème à toutes les échelles et par tous (États, peuples, sociétés civiles, institutions). Publiés lors de la Cop23 de Bonn, ces rapports ont-ils eu quelque écho sur le déroulement de cette dernière ? Un peu dans les couloirs, pas du tout ailleurs : le processus onusien est trop lourd, bureaucratique, il fabrique de la lenteur. Les échéances et les ordres du jour sont difficilement négociés, dans des dialogues de facilitation et des réunions intermédiaires, puis immuables : 2018, adoption des clauses de transparence ; 2023, ouverture de l’examen des actions des États et de la révision des engagements ; 2025, adoption des engagements si possible révisés à la hausse… C’est à l’aune de ce constat que nous apprécions la gouvernance globale onusienne et que nous affirmons qu’elle n’y suffira pas...
12/12/24 à 10h17 GMT